L’échange de textes avec
Jean-François Lamour m’a ouvert les yeux sur un aspect non secondaire des
attentats de Paris. Je veux parler du droit et des lois. Si l’émotion, le
chagrin, la compassion et la solidarité nous emportent tous dans des contrées
intimes, nous devons continuer de vivre et d’affirmer les valeurs et les
principes qui fondent une grande démocratie.
Voilà pourquoi, même si
certains considèrent que c’est penser à contre courant dans le climat ambiant
de peur et d’anxiété (tout à fait normal d’ailleurs) il convient de regarder de
très près les textes proposés au vote du parlement. Mettons nous bien d’accord :
le décret sur l’état d’urgence était nécessaire et il démontre son utilité tous
les jours. La loi a prévu que sa durée ne pouvait excéder douze jours sans vote
du parlement pour le prolonger ce qui se fait en ce moment même. Il sera donc
prolongé de trois mois pendant lesquels les perquisitions administratives vont
se poursuivre à un rythme soutenu. Mais la loi prévoit également d’autres
mesures : le port permanent d’une arme par les policiers, les assignations
à domicile sur simple suspicion avec port de bracelet électronique pour
certains (sous réserve de constitutionnalité) les restrictions relatives aux
rassemblements, manifestations, susceptibles de provoquer des troubles à « l’ordre
public »(1), le blocage de sites internet. Il s’agit donc bien, comme l’a
reconnu Manuel Valls, d’une atteinte à des libertés fondamentales. Ce délai de
trois mois sera-t-il à nouveau prolongé, ce qui nous ferait entrer dans un
autre monde, moins balisé, moins contrôlé (même si les commissions du Parlement
sont informées) plus soumis à l’éventuel arbitraire des préfets et donc du
pouvoir exécutif.
Henri Leclerc, président d’honneur
de la Ligue des droits de l’homme, invite le gouvernement à une vigilance extrême
quant aux modifications constitutionnelles envisagées par le président. Car la
constitution, le texte de notre appartenance commune à la nation, peut être
utilisée par des hommes ou des femmes moins scrupuleux que ceux détenant le
pouvoir actuellement. Je vais parler franc : avec une Marine Le Pen au
pouvoir, que deviendraient l’usage et l’application de mesures restrictives de
libertés sans contrôle de l’appareil judiciaire ? Qui pourrait être visé ?
Des militants politiques, des syndicalistes ? Le droit de grève et de
manifester serait-il durablement mis en cause ?
Quand j’entends Marine Le
Pen parler de Chistiane Taubira et mentir de manière éhontée à son sujet, je me
demande ce qu’elle sera bien capable d’inventer pour justifier ses futurs actes
border line. On a donc raison de s’inquiéter et de veiller à ce que l’arbitraire
ne puisse devenir un mode de gouvernance. En ce sens la loi doit nous protéger.
Et elle doit nous protéger de tous les excès et de toutes les passions. La
constitution est un socle sur lequel est bâti notre art de vivre à la française.
Y toucher mérite de la prudence et l’examen attentif de mesures applicables aujourd'hui,
certes, mais aussi dans l'avenir. Et comme chacun sait, il n’est écrit nulle part.
(1) L'ordre public est une notion floue arrangée à toutes les sauces sécuritaires.
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