Yves Calvi |
Interloqué ! C’est l’adjectif
qui me vient à l’esprit après avoir regardé l’émission C dans l’air, hier soir.
Sur le plateau animé par Yves Calvi, se retrouvent les habitués comme Yves Thréard,
Bruno Jeudy (passé du JDD à Paris-Match) Michèle Bernard-Requin, magistrat
honoraire et Yves Charpenel, avocat général à la Cour de Cassation.
Interloqué de constater qu’une
émission du service public consacre une heure de son temps à commenter,
analyser deux procès dont les jugements ne seront connus que dans quelques mois :
l’affaire Bettencourt et l’affaire dite du Carlton de Lille. Autrement dit, il
existe des magistrats, pesant actuellement les arguments des uns et des autres,
influencés directement ou indirectement par ceux-là même qui pendant une heure ne
se privent pas d’accuser le pouvoir de connivences ou d’accointances avec la
presse ! C’est le monde à l’envers…
Comme l’émission s’intitulait
« justice-politique, non-lieu » pour expliquer comment Sarkozy et Woerth d’une
côté, DSK de l’autre, ont été mêlés (ou pas) aux affaires. Les protagonistes ne se
cachaient pas de connaître la fin de l’histoire avec des relaxes pour DSK et
Woerth. Dans ces conditions on se demande bien à quoi servent les juges ?
D’Yves Thréard, on sait ce
qu’il pense et on sait aussi ce qu’il faut en penser. Rédacteur en chef du
Figaro, il fait du Figaro, dans ce qu’il a de plus engagé, à droite évidemment.
Il défend deux lignes : soutien à Sarkozy sans nuances, propos bruts
parfois brutaux, détestation de la gauche, quelle qu’elle soit. Thréard ne
surprend pas : c’est le champion de l’enfoncement des portes ouvertes. Le
roi du banal et du prêt à penser.
Bruno Jeudy (ancien du JDD) nous
a plus étonné. Son arrivée à Paris-Match a certainement une influence sur sa
nouvelle façon de réfléchir et sur ce qu’il se sent autorisé à dire. Les doutes
ont disparu, la prudence avec, le journaliste y va carrément. Les juges d’instruction
sont dans son collimateur…si la presse sait tout, il suffit de se tourner vers les
avocats mais également vers certains magistrats. Oui, et alors ?
Mme Bernard-Requin ne
fait pas dans la dentelle. Elle s’en est prise au Syndicat de la Magistrature (25%
des magistrats) « classé à gauche », comme Yves Calvi, sans qu’il ait pensé un
seul instant à inviter une représentant du SM, à donner la parole à sa secrétaire
générale mise en examen pour injure après le fameux « mur des cons ». L’affaire
est vite jugée : le SM est condamné sans débat contradictoire sur un
plateau télé en quelques minutes. Faut-il en tirer la conclusion que tous les
autres magistrats seraient classés à droite ? Sont-ils, ces magistrats,
au-dessus de tout soupçon d’orientation ?
Yves Charpenel est le plus
mesuré et le plus prudent des cinq. Est-ce parce qu’il préside une association
de lutte contre la prostitution partie civile au procès de Lille ? Est-ce
parce qu’il accorde plus d’importance au débat public contradictoire, à la
seconde instruction en quelque sorte ? Il aura été le seul des cinq à se
montrer à la hauteur du débat et respectueux des jugements à venir.
Ma conclusion : Yves
Calvi en fait trop. Il ne parvient plus à conserver la distance nécessaire au débat.
Ses invités — toujours les mêmes — s’usent et nous usent. On comprend bien que
les producteurs de C dans l’air veuillent faire le buz. Mais pas comme ça et
pas avec ces gens-là.
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