« Heureusement pour nous, il n’y a pas sur le petit écran
que ce triste sire de Calvi et sa clique de copains foireux avec leurs débats mironton.
Il y a aussi ARTE et son magazine Thema.
Et ce mardi 24 février, il ne fallait manquer Thema sous aucun prétexte. L’Europe et ses plans d’austérité en étaient
le sujet. Et le premier document intitulé : « Puissante et incontrôlée : la troïka ». C’est de
celui-ci dont nous parlerons.
Albert Jaegerl |
Au moment où s’engage l’épreuve de force entre le
nouveau gouvernement grec d’Alexis Tsipras et l’Union européenne représentée
par ce qu’on appelle la troïka, c’est-à-dire l’organe regroupant trois
institutions : le FMI, Fonds monétaire international, la Commission européenne
et la BCE, Banque centrale européenne, il n’est pas inintéressant d’en savoir
un peu plus sur le sujet. Plus qu’habituellement avec les soi-disant vérités
orientées, répétées comme des mantras à longueur de journée dans les journaux télévisés
et les radios des chaînes publiques ou privées. Et ce qu’on y apprend est
proprement sidérant.
Par ailleurs, Émilie Aubry, présentatrice du magazine,
avait invité comme observateur l’immense réalisateur franco-grec Costa-Gavras
dont la parole trop rare n’en avait que plus de portée.
Le journaliste allemand Harald Schumann — au physique,
une sorte de Jean-Charles Houel — a mené pendant plus d’un an une enquête remarquable
sur les agissements de la troïka dans tous les pays où elle est intervenue :
Grèce, Portugal, Irlande et Chypre. Des pays victimes du surendettement
auxquels la troïka a imposé ses remèdes de Diafoirus : les fameux
programmes d’ajustements structurels. Car dans tous ces pays sans exception, le
remède a été pire que le mal : loin de s’améliorer, leur situation n’a
fait qu’empirer.
Songeons un instant que la Grèce en est aujourd’hui réduite
à devoir accepter l’aide humanitaire internationale, comme un quelconque pays
sous-développé du tiers-monde parce que nombre de gens n’y mangent plus à leur
faim ou ne peuvent se faire soigner faute de médicaments. Et qu’il en meure
tous les jours pour cette raison. Que près de 3.000.000 de Grecs n’ont plus
aucune couverture sociale ; que le nombre des médecins hospitaliers est
passé de 5.000 à 2.000 en trois ans ; qu’on estime à plus de 4.500 le
nombre des suicides survenus depuis la mise en œuvre des plans d’austérité de
la troïka ; que les salaires et les retraites ont baissé d’environ 30% ;
que 60 % des jeunes sont au chômage, etc. Qu’est-ce donc que cette Europe-là ?
Et, toujours en Grèce, sans que soit combattue l’évasion
fiscale et les fraudeurs dont plus de 2.000 des plus importants ont été
identifiés (l’équivalent du montant de la dette grecque serait à l’abri dans
les banques suisses), sans que soient mis à contribution les armateurs et le
clergé depuis toujours exonérés de l’impôt, le remboursement effectif de la
dette a été mis à la charge des plus pauvres et des classes moyennes. Ceci par
les fonctionnaires de la troïka, technocrates désincarnés n’ayant aucun compte à
rendre aux populations qu’anéantit la violence inouïe des mesures imposées. Parfois
même dans le déni total des traités européens, lorsque la troïka exige au motif
de la compétitivité l’abaissement du salaire minimum et des pensions, ou encore
anéantit le dialogue social en imposant l’effacement des conventions
collectives, comme au Portugal.
Jorg Asmussen |
Mais aussi quand, faisant appel à des organismes privés
pour les mettre en œuvre, elle dresse la liste et organise les privatisations dans
des conditions scandaleuses laissant clairement supposer favoritisme et
corruption. Qu’il s’agisse du patrimoine et des richesses des pays : eau, énergie,
transports, des ressources naturelles : mines, forêts, îles, bords de mer,
des infrastructures : ports, aéroports, ponts, autoroutes, des banques,
etc. Tout y passe. Ce transfert à des intérêts privés, le plus souvent à vil
prix, du patrimoine collectif constituant les richesses de ces pays est un véritable
pillage. Il signifie leur ruine, l’impossibilité pour eux de sortir un jour de
leur endettement et le sacrifice des jeunes générations contraintes à l’exil.
Thomas Wieser |
De ces politiques iniques, décidées depuis New York
par le FMI de DSK puis de Christine Lagarde, depuis Berlin par le gouvernement
d’Angela Merkel et son ministre des finances Walter Schauble, depuis Bruxelles,
par la Commission européenne de José Manuel Barroso puis de Jean-Claude
Juncker, soutenue par sa majorité libérale au parlement de Strasbourg (constituée
de l’alliance des partis de droite et des socio-libéraux du Parti socialiste
européen), quelques-uns des exécutants sont donc à présent clairement identifiés.
Comme Thomas Wieser, président du groupe de travail de l’Eurogroupe, Jörg
Asmussen représentant de l’Allemagne à la BCE, Albert Jaeger, représentant du
FMI au Portugal, idéologues cyniques et bornés, incapables d’ouvrir les yeux
sur les conséquences tragiques qu’engendrent leurs décisions arbitraires et
sans appel imposées à des gouvernements impuissants sur lesquels ils exercent
leur ignoble chantage.
Costa-Gavras l’affirme : ces gens-là feront tout
pour faire échouer Alexis Tsipras. Ils n’ont que faire des peuples, de l’intérêt
général et de la souveraineté des États qu’ils piétinent et mettent en coupe réglée
au seul bénéfice de quelques-uns, notamment les grands groupes multinationaux
et les hedge-funds de la finance internationale qui n’en finissent pas d’étendre
leur pouvoir sur le monde.
À voir impérativement ou à revoir en replay, comme on
dit en bon français. »
Reynald Harlaut
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