« La pièce de Brett Bailey, Exhibit B, est au
centre d’une controverse qui a pris une forme inadmissible. D’aucuns, jugeant cette pièce sans l’avoir vue, la
considèrent raciste et demandent sa déprogrammation du TGP, à Saint-Denis, et
du 104, à Paris. Ils l’accusent de montrer les Noirs dans des positions de
victimes, et vont jusqu’à demander son interdiction aux préfets.
Comme si la représentation de la façon dont les
préjugés racistes ont pu aboutir aux situations les plus abominables, comme
l’esclavage, les discriminations coloniales, les humiliations, les zoos
humains, n’avait plus aucun sens aujourd’hui.
Comme s’il n’était plus convenable ou utile de montrer comment l’être humain
est capable de se comporter quand il se croit supérieur, grâce à la couleur de
sa peau.
Dans la France d’aujourd’hui,
dont les préjugés racistes n’auront pas disparu, loin s’en faut, nous,
organisations antiracistes, affirmons que l’art doit être libre de contribuer à
la lutte contre ce fléau, et que nul ne saurait interdire à un artiste de
représenter la souffrance qui en résulte, dès lors qu’il n’en fait pas
l’apologie. Nous affirmons qu’il n’est pas admissible de faire un procès
d’intention à l’artiste au motif qu’il est blanc, la lutte contre le racisme
étant universelle et ne pouvant dépendre de la couleur de la peau, des origines
ethniques ou des convictions religieuses de ceux qui la portent.
Car l’actualité récente nous rappelle avec force la
nécessité impérieuse de promouvoir en permanence le devoir de mémoire. Ainsi,
dans un entretien accordé à Sud-Ouest, le 4 novembre dernier, Willy
Sagnol a déclaré : « L'avantage du joueur typique africain, c'est
qu'il n'est pas cher quand on le prend, il est généralement prêt au combat et
on peut le qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n'est pas que
ça. Le foot, c'est aussi de la technique, de l'intelligence, de la discipline. »
Ces propos nauséeux et racistes, qui renvoient le joueur africain, le Noir, à
l’animalité, à la « puissance », tandis que la technique,
l’intelligence et la discipline restent l’apanage des Nordiques, des Blancs,
auraient dû susciter une réprobation unanime.
Au lieu de cela, les instances officielles du football
ont soutenu l’entraîneur, le président des Girondins a répondu de façon
agressive à une demande de sanction en se solidarisant avec Willy Sagnol, et
ont été diffusées massivement des images sidérantes de joueurs noirs et
méritants venant consoler leur coach !
Si un spectacle de théâtre, dont la diffusion est
infiniment plus modeste, ne peut, à lui seul, résoudre la question aussi
cruciale du racisme, il est non seulement légitime qu’une œuvre, à sa manière,
et avec toute la subjectivité de l’artiste, puisse s’adresser aux spectateurs
sans que personne ne s’immisce entre les deux pour juger en lieu et place du
public, mais nécessaire quand elle illustre, fût-elle d’une manière crue et
dérangeante, les dangers des clichés les plus éculés du racisme. »
(Communiqué de la Ligue des droits de l'homme)
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