Sur le marché de Louviers. (photo JCH) |
Le texte publié ci-dessous est un texte long, argumenté, précis. Il éclaire les arguments que développent les extrêmes droites, qu'elles soient FN ou UMP. Je n'ignore pas que la plupart d'entre vous souhaitent lire des billets courts. Il arrive que la nécessité fasse loi et que les arguments développés aient besoin de profondeur et d'une certaine distance…à parcourir. Je vous invite à ne pas vous décourager et à lire ce texte dans son intégralité.
Les idées de l’extrême droite ont pris
une place importante dans le débat public. Ces thèmes sont anciens et connus :
l’appel à un pouvoir autoritaire, le culte d’un passé où domine l’ordre
patriarcal, le mépris de ce qui relève du système républicain – partis, assemblées
élues, associations, syndicats – combiné à l’affirmation de préférences, dont l’étiquette
« nationale » dissimule mal l’appel à discriminer et à rejeter tous ceux qu’on
présente à tel ou tel moment comme différents, sur des bases réelles ou supposées.
Longtemps cantonnée aux marges du débat
républicain de par son histoire dans la collaboration avec l’occupant nazi, l’extrême
droite a reconstitué un socle de réseaux et de propositions, en tablant sur l’oubli
de ses idées passées. Elle a travaillé à peser sur la pensée de droite républicaine,
elle a surfé sur la révolution néolibérale en adoptant sa dimension
individualiste et sécuritaire et, avec la crise qui provoque la crainte d’exclusion,
elle articule maintenant ce néo-libéralisme avec d’anciens réflexes identitaires
et xénophobes.
Avec la crise et les échecs des partis
qui exercent les responsabilités depuis des décennies, l’extrême droite
rencontre des succès en bénéficiant des inquiétudes dans la société. La peur
est sa carte maîtresse ; elle en use à tout va, en surfant sur la double
crainte du déclin national et du déclassement social.
Elle joue sur ce qui délégitime les
représentations politiques et ce qui fait craindre tout changement. Elle
rejette l’idée même d’un avenir commun pour les peuples, construit autour des
notions d’égalité et de solidarité. Elle entraîne malheureusement une partie de
la droite républicaine. Et, maintenant, des voix venant de la gauche s’expriment
sur ses thèmes avec des mots détestables, sous couvert de ne pas lui en laisser
le monopole !
Elections municipales et européennes
Les élections municipales et européennes
sont l'occasion, pour les forces politiques et sociales, de confronter leurs
analyses des maux qui travaillent la société française. C'est le débat démocratique.
Nous voulons le saisir pour discuter du
comment « faire société », et publions un texte de la Ligue des droits de
l'Homme plus particulièrement consacré à une analyse des idées d'extrême
droite, et au rappel des valeurs fondamentales qu'il convient de leur opposer.
On a là une défaite de la pensée qui
induit un grand trouble dans le débat public, et aussi dans bien des
consciences. Tout indique que ce recul des valeurs progressistes peut marquer
profondément le débat et les résultats des élections prochaines, municipales et
européennes.
Il y a donc une réelle urgence démocratique.
La Ligue des droits de l’Homme entend jouer pleinement son rôle civique et républicain.
Elle s’emploie à opposer aux idées d’extrême droite, et à tous ceux qui les
portent, un débat de raison, construit sur des valeurs fortes – l’égalité, la
solidarité.
Cette brochure entend contribuer à l’approfondissement
du débat au sein de la LDH et du débat public. D’une part, en passant au fil de
la critique un certain nombre d’affirmations martelées par l’extrême droite ; d’autre
part, en soumettant au débat, avec les citoyennes et les citoyens de notre
pays, les propositions que la Ligue des droits de l’Homme estime indispensables
pour la démocratie et le progrès social.
1 - L’extrême droite pose-t-elle
de « bonnes questions » ? L’extrême
On entend souvent avancer
l’idée que l’extrême droite, Front national ou autres, poserait les « bonnes
questions », et que seules ses réponses seraient mauvaises. Cette proposition
d’apparence anodine est un double mensonge. L’extrême droite n’a « découvert »
aucune question et ne leur apporte que de (très) mauvaises réponses.
Ni le chômage, ni
l’exclusion sociale, ni la délinquance n’ont été « découverts » par l’extrême
droite, pas plus d’ailleurs que les questions migratoires. Elle s’est
contentée, du bord de la route, de constater des problèmes connus. Son seul «
apport » est d’avoir attribué ces problèmes à la présence d’étrangers, et à les
instrumentaliser au profit d’un « ordre naturel » jamais éloigné de l’ordre
patriarcal et autoritaire. Refusant de se pencher sur les causes réelles des
problèmes soulevés par l’évolution de nos sociétés, elle les attribue pêle-mêle
à la « dérive des mœurs », au « déclin national » et surtout aux « mélanges »
induits par les migrations.
En fait, la France est
depuis longtemps et reste une des dix premières puissances économiques
mondiales ; le chômage, l’exclusion sociale ont beaucoup à voir avec l’inégale
répartition des richesses entre Français. Quant aux migrations, elles
constituent un apport économique et social plutôt que l’inverse.
Mais l’extrême droite veut
ignorer ces réalités ; elle leur préfère le culte d’une nostalgie mythique,
celle d’un âge d’or, sans chômage, où les femmes, les jeunes, les étrangers
savaient se tenir soumis, à une place imposée car l’ordre et ses représentants
étaient sinon respectés, du moins craints.
Ce monde imaginaire est
peuplé de Français dits « de souche », et l’équipe nationale de football y est
« ethniquement homogène ». Les « étrangers », avec ou sans papiers, y sont donc
suspects a priori de fainéantise, de fraude, de trafics multiples, de
délinquance et de violence...
Face à ces maux, l’extrême
droite ne connaît qu’un remède : la répression judiciaire et administrative ou
alternativement, une soi-disant autodéfense qui n’est que justification à
agresser dès que l’on se « sent menacé ». Avec une telle grille de lecture, le
chômage est causé par le travailleur migrant, fût-il lui-même chômeur ;
l’étranger devient un facteur d’insécurité et de délinquance, même s’il est
l’objet de contrôles incessants.
La laïcité est
instrumentalisée contre les religions, et les croyants accusés de vouloir «
transformer » la France. La sécurité n’est invoquée que pour mieux fustiger des
pouvoirs politiques et des juges laxistes, alors même que se multiplient des
condamnations de plus en plus lourdes.
Avec l’extrême droite, les
« mauvaises questions » vont de pair avec les « mauvaises réponses ». Et ceux
qui ne les partagent pas méritent d’être victimes de mesures liberticides. La
boucle est ainsi bouclée.
2 - La préférence
nationale, une mécanique d’opposition de tous contre tous
L’extrême droite met en
avant une proposition phare, à savoir la « préférence nationale », supposée régler
les problèmes en réduisant le nombre de bénéficiaires aux seuls « Français ».
Ce véritable logiciel politique, sous des dehors de bon sens, va à l’encontre
du droit international ; sans régler aucun problème, il fonctionne comme une
mécanique d’exclusion nationale.
La « préférence nationale
» vise clairement l’immigration. Lancée dans les années 1980, l’idée induit que
face aux problèmes qui émergent, elle constituerait une panacée. Qu’il s’agisse
d’emplois, de prestations sociales, de sécurité ou de logement, la solution
serait la même : exclure les non- nationaux. Cette pseudo-solution n’a donc
aucun rapport avec la nature du problème, avec le droit commun, avec les
personnes concernées. C’est l’exemple même d’une véritable escroquerie
idéologique, dont les dupes pensent naïvement qu’elles seront « préférées
nationalement ».
Mais... Si l’on part du
principe que le chômage résulte d’un trop-plein de main-d’œuvre, on est tenté
d’éliminer le maximum de concurrents : étrangers, mais aussi femmes, Français d’une
autre région, Français de « fraîche » date... Problèmes : cette élimination des
concurrents ne crée ni emploi, ni dynamique de relance. Elle n’incite pas les
entreprises à moderniser – pourquoi le feraient-elles puisque la main-d’œuvre
reste bon marché et s’élimine elle-même ? – et contribue à appauvrir la demande
intérieure, donc à relancer le chômage...
Indépendamment de son
incapacité totale à solutionner le moindre problème, la préférence nationale
enracine la nation dans un passé mythique où la France serait supposée
chrétienne, blanche et homogène. Autant de fantasmes au regard d’une histoire
marquée par les échanges, les mélanges et les fusions, à la fois de
territoires, de cultures, de langues et de populations.
Pour la République, la
nation est une idée, bâtie autour des valeurs de la devise républicaine en
partage. Pour l’extrême droite, la nation est marquée par le territoire et la
tradition, le « sang », voire la « race » des soi-disant « préférés ».
Dans les faits, la fameuse
« préférence » affichée est donc surtout une machine à exclure. Ce qui n’est
pas préféré est renvoyé à soi-même et exclu de toutes les mécaniques de
socialisation et de solidarité, mais pas des impôts. Il s’agit donc en fait de
minoriser des personnes en les exploitant jusqu’à ce qu’elles quittent le pays.
Problème : ces personnes que les « préférés » estiment en trop sont
souvent...de nationalité française. Mais dans ce processus de stigmatisation,
la question « raciale » se confond très vite avec la dimension sociale.
L’étranger est en trop et
le chômeur également. Si ce dernier n’est pas étranger, il n’en est que plus
suspect car il atteste de par son seul état de l’inefficacité de la fameuse
préférence. Ainsi, la préférence nationale est-elle bien par antiphrase une
tentative de mise en détestation d’une partie de la nation par une autre.
L’antithèse absolue de la « devise liberté, égalité, fraternité ».
3 - Le nationalisme
antidote à la « mondialisation » ? nationalisme, »? L’extrême
droite définit son nationalisme comme le remède aux problèmes soulevés à «
l’intérieur » par les étrangers, et à « l’extérieur » par les « mondialisations
». Mais la nation n’a jamais existé en dehors du monde. Et son enfermement sur
elle-même aboutit toujours à construire des sociétés figées, peu novatrices, la
plupart du temps autoritaires.
L’extrême droite postule
que tout ce qui pose problème « ici » viendrait en fait « d’ailleurs », et que
plus cet « ailleurs » est étranger et lointain, plus grave est le problème qu’il
pose « ici ». De fait, la mondialisation pilotée par des acteurs financiers
débridés se traduit par une marchandisation des échanges culturels, des idées
et des cultures. Cela s’accompagne de pertes de repères et peut pousser à
cultiver l’idée de lui opposer le retour au « local », aux « terroirs », à des
identités figées comme autant de facteurs d’enracinement.
Le nationalisme de
l’extrême droite exacerbe cette démarche en assumant l’idée d’un vaste complot
mondialiste animé par une « juiverie cosmopolite » visant à détruire les
nations. Ce schéma est repris
d’un bout à l’autre de
l’Europe sous des formes plus ou moins dissimulées, ou sous des habits neufs.
Ainsi l’islamisme peut-il remplacer « les juifs ». Plus habile et modéré dans
ses expressions, le Front national se contente de faire du nationalisme l’alpha
et l’oméga de ses « solutions » rompre avec l’euro et la construction
européenne et l’utilise comme carburant de son racisme traditionnel et de ses
propos antimusulmans.
Le débat sur l’identité
nationale provoqué par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, a
largement permis que s’expriment ces visions nationalitaires dont la
conséquence première est de déclencher un tri entre « bons » et « mauvais »
Français, entre « vrais nationaux » et « Français de papiers ». Là encore, sous
couvert de rassembler et de réunir, c’est une machine à opposer les uns aux
autres que l’on déclenche.
Or, les problèmes posés au
monde – qu’il s’agisse des enjeux environnementaux, des questions migratoires,
des ressources énergétiques, du commerce mondial ou des questions liées à
l’emploi – ont tous des dimensions internationales. Renoncer à prendre en
compte ces dimensions – ce qui n’aurait rien de simple – ne réglerait aucun
problème. Pire, cela les compliquerait considérablement ; en effet, les
concurrences en seraient multipliées et exacerbées, et les moyens à disposition
seraient moindres.
Le monde, le monde des
autres est aussi et de façon indivisible, le nôtre. Il constitue une
opportunité pour chaque peuple, chaque nation et chaque culture, à condition
que leurs relations ne relèvent pas du seul rapport de force, voire de la
domination d’un pays – ou continent – sur un autre. L’anti- mondialisation de
l’extrême droite, arc-boutée sur une conception passéiste, est aux antipodes de
l’alter mondialisme, qui souhaite contribuer à faire émerger un monde construit
sur la régulation des échanges, la solidarité et le dialogue, sur des bases de
droit et d’égalité.
La nation est une belle
chose lorsqu’elle s’ouvre aux autres. Cette ouverture au monde, cet
enrichissement multiculturel, loin de provoquer la dilution ou la disparition
des nations, peuvent permettre des progrès démocratiques, des avancées en
termes de droits, des coopérations positives pour l’humanité tout entière.
4 - « L’éternel féminin »
contre l’égalité femme/hommes«
L’extrême droite se veut
héraut des valeurs familiales, et singulièrement du rôle qu’y tiennent les
femmes, rôle d’épouse et de mère ; sa posture n’est jamais reliée à la notion
d’égalité. Cela n’empêche pas le Front national de jouer du rôle de Marine Le
Pen, qui incarne à la fois la continuité filiale et une exception féminine
idéalisée qui fait écho à la figure sublimée de Jeanne d’Arc.
D’une façon plus générale
mais significative, l’extrême droite, pas plus le FN que d’autres formations,
ne se prononce jamais sur les inégalités qui frappent les femmes en matière de
carrière, de salaire, de précarité et de temps de travail, pas plus d’ailleurs
que sur le déficit de paritarisme qui caractérise notre pays dans le champ de
la représentation politique.
Dans ce cadre idéologique,
l’extrême droite privilégie de longue date l’activité agressive d’organisations
comme SOS-tout-petit contre le droit des femmes à l’avortement : en les
culpabilisant, en s’enchaînant aux lits dans les services hospitaliers ou en
distribuant des chaussons de bébés dans les consultations d’orthogénie.
Cette lutte s’infléchit
actuellement, sous la forme insidieuse de sites apparemment neutres
d’informations destinés aux femmes, ce qui permet à la fois d’éviter les
poursuites judiciaires et d’agir en profondeur sur les esprits. Le Front
national ne tient pas un discours ouvertement anti-avortement, mais dénigre les
associations comme le Planning familial, accusé d’inciter les femmes à avorter.
Avec La Manif pour tous,
l’extrême droite a réactivé ses visions passéistes de la femme, ramenée à un
destin maternel. En réaffirmant la primauté du mariage, uniquement
hétérosexuel, et de la détermination biologique et naturaliste de la filiation
et de la famille, les réseaux à l’œuvre ont combiné une homophobie agressive à
une exaltation de l’ordre naturel. Forte d’une mobilisation réelle, l’extrême
droite s’est lancée dans une offensive contre ce qu’elle appelle « la théorie
du genre », en ciblant les enseignants et les programmes de l’Éducation
nationale, accusés d’endoctriner les enfants en les arrachant à l’éducation de
leurs parents, de les encourager à devenir homosexuels, etc.
L’objectif pour elle est
de discréditer un outil intellectuel utilisé par de nombreuses disciplines
scientifiques afin d’analyser les rapports entre les hommes et les femmes en
vue de faire reculer les inégalités. L’extrême droite est prête à faire
intervenir de façon autoritaire le monde politique dans les programmes et les
manuels scolaires. Corrélativement, elle a pris la laïcité en otage pour
stigmatiser l’oppression des « envahisseurs ». Cette dénonciation opère à la
fois sur un mode de melting-pot anti-islamique, soi-disant républicain –
dénonciation des minarets, du voile et des abattoirs hallal – et avec de bonnes
vieilles méthodes discriminantes telles que les soupes au cochon...
Pour les femmes
musulmanes, c’est double peine ; elles se retrouvent stigmatisées par un
discours uniformisant et discriminant qui prétend vouloir les libérer de leurs
convictions tout en leur interdisant de fait l’école, l’accompagnement des
sorties scolaires, le travail dans des structures privées...
5 - La laïcité défigurée
Depuis quelques années,
l’extrême droite se réclame de la laïcité pour agiter la peur d’une « islamisa-
tion » de la France, allant jusqu’à dénoncer une invasion. La ficelle est
grosse : l’extrême droite a toujours combattu la laïcité de l’école et de la
République, au nom de la France « fille aînée de l’Eglise ».
L’extrême droite entend
surtout exploiter la mise en scène d’une violence terroriste provenant des
terres d’Islam comme facteur de destruction de l’« identité nationale ». La
laïcité pour elle n’est qu’un prétexte. Ainsi s’est-elle opposée au mariage
pour tous avec les « traditionalistes » intégristes, qui voulaient soumettre la
loi de la République à un « ordre naturel » intangible : leur « laïcité »
s’accommode très bien des offensives cléricales contre l’état civil
républicain. C’est le racisme anti-arabe qui se cache derrière une « croisade
laïque » contre une religion proclamée « inassimilable » : de campagne contre
les « minarets » en « apéros saucisson », la laïcité est mise au service de «
l’éthnicisation » de la nation.
Ce « virage laïque » de
l’extrême droite défigure la laïcité, présentée comme l’injonction faite aux «
barbares » de s’assimiler à une « civilisation supérieure occidentale », alors
que la laïcité a été au contraire construite comme un outil d’émancipation et
une garantie d’égale liberté. Ainsi, la loi de 1905 garantit la liberté de
conscience mais aussi celle des cultes sous la seule réserve de l’ordre public.
La laïcité qu’elle institue ne renvoie nullement la religion dans la « sphère
privée » : les lieux de culte sont publics, et l’extrême droite tient beaucoup
au pèlerinage de Chartres... La laïcité protège la liberté des musulmans, comme
celle des juifs ou des chrétiens, de vivre pleinement leur foi, de même que
celle des athées et des agnostiques de vivre pleinement leur conviction
philosophique.
La laïcité, c’est la
liberté égale pour tous. Toutes les religions doivent être traitées de la même
manière : respect de la liberté de conscience et d’expression, avec comme seule
limite le respect de la liberté des autres. Comme l’a proclamé la Déclaration
des droits de l’Homme et du citoyen, « la liberté consiste à pouvoir faire tout
ce qui ne nuit pas à autrui », donc « nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre
public établi par la loi.
Mais bien sûr l’extrême
droite ne veut pas de cette égale liberté : elle veut montrer du doigt ses
boucs émissaires, les mêmes qu’au temps de l’Algérie française ; stigmatiser,
rejeter, exclure, au nom d’une « France aux Français » héritée non de la
République laïque, mais de la « Révolution nationale » de Pétain.
La laïcité, ce n’est ni le
racisme ni l’exclusion, c’est la liberté en partage. Sous son déguisement «
laïque bleu marine », le loup a toujours de grandes dents...
6 - Au-dessus des clivages
gauche-droite ?
« Ni gauche, ni droite : Français
». L’extrême droite se prétend toujours au-dessus des clivages partisans, comme
si le fait d’être Français constituait en soi un positionnement politique. En
fait, l’extrême droite est bel et bien... de droite. Cela vaut pour ses valeurs
mais aussi pour ses
choix économiques et
sociaux. « De gauche » sur les questions sociales et « de droite » sur les
enjeux sociétaux : le tour de passe-passe consiste à se présenter comme
porte-drapeau des revendications populaires et ouvrières en incarnant les «
petits », des « invisibles » face aux « gros », à « l’establishment » et aux «
élites parisiennes » ou « mondialisées».
Pour devenir « un parti
comme les autres », le FN développe donc un discours axé sur l’emploi, la lutte
contre le chômage, la détresse sociale, la défense du pouvoir d’achat. C’est
ainsi que Marine Le Pen a pris fait et cause pour les retraites quelques mois
après avoir fustigé les organisations syndicales et les manifestants, qualifiés
par elle d’« émeutiers ». Qu’après avoir fustigé les fonctionnaires «
budgétivores » et les services publics, elle se scandalise de leur
affaiblissement ; qu’après avoir été pour les privatisations, elle propose des
nationalisations...
Dans toutes ces
propositions, aucune ne s’attaque aux inégalités sociales et salariales, aux
discriminations, ou à la répartition du produit intérieur brut via des mesures
fiscales. La seule mesure phare reste encore et toujours la préférence
nationale.
Mais cette préférence
elle-même est de droite. D’abord, parce que son « produisons français, avec des
Français, dans des entreprises françaises » ne vise pas la construction d’une
France plus égale et solidaire mais d’un pays où les capitaux français
pourraient toujours plus librement exploiter les travailleurs français. La
cause profonde des difficultés économiques, la dévalorisation constante du
travail au profit des détenteurs de capitaux, sont d’ailleurs totalement
évacuées: précarité, bas salaires, inégalités de tous ordres sont attribués à
des facteurs étrangers dont il suffirait de se débarrasser pour renouer avec un
âge d’or.
Ensuite parce que la
sortie de l’euro, au bénéfice d’un franc dévalué pour regagner des marges
économiques, censé améliorer la « compétitivité-prix » des produits français,
aboutirait à dévaluer la valeur de la force de travail et à une hausse des
prix. Une dévaluation de 20 à 25 % signifie une baisse d’au moins autant du
pouvoir d’achat. Par ailleurs, le poids de la dette publique, dont les deux
tiers sont détenus par des sociétés et des individus installés juridiquement à
l’étranger, en serait fortement alourdi.
Enfin, un protectionnisme
accru et le rétablissement de droits de douane entraînerait quasi
automatiquement des représailles de la part des partenaires économiques de la
France. Or, un quart de ce que l’on consomme en France provient de l’étranger,
soit pour la consommation des ménages, soit sous forme de matières premières et
de produits intermédiaires utilisés par les entreprises. Il s’ensuivrait un
processus de perte d’activité et de hausse des prix.
7 - A l’opposé des
politiques publiques dont l’Europe a besoin
L’extrême droite n’aime ni
l’Europe, ni le projet européen. Pour elle, tout cela renvoie à la
subordination nationale à des « étrangers », technocrates éloignés des «
peuples ». Au-delà des différences historiques qui l’anime d’un pays à l’autre,
l’extrême droite progresse presque partout en Europe en cultivant les mêmes
terreaux, en avançant les mêmes thèmes, en attisant les mêmes mauvais brasiers
de la haine de l’autre.
Au XXe
siècle, c’est dans des pays en crise économique et sociale, où les
inégalités croissaient et dans des moments où des dizaines de millions de
personnes craignaient de devenir des exclus, que ces mêmes discours ont
débouché sur des drames qui ont ensanglanté le monde. Aujourd’hui, les mêmes
figures sont agitées pour faire peur et diviser ; la Ligue du Nord italienne
rejette les « fainéants » du sud de l’Italie, les Flamands ne veulent pas des
Wallons, les Roumains, les Hongrois stigmatisent leurs nationaux roms...
Cette mécanique
d’exclusion est consubstantielle de l’extrême droite ; elle l’applique à
l’Europe en prétendant construire ainsi davantage de protection pour chaque
peuple, au dépend des autres. Ce pour quoi elle désigne « l’Europe » comme
l’une des causes essentielles du déclin national. Ce procès est largement
facilité par les défauts réels et de politiques effectivement condamnables,
tant
dans le domaine
démocratique qu’économique ou financier. Mais les responsables économiques et
financiers de ces maux – le système financier mondial, dont les banques
françaises, les multinationales, y compris les françaises – ne sont jamais
nommés ni pointés du doigt. Les solutions présentées consistent donc à...
quitter l’Europe, abandonner l’euro, pour renouer avec des dévaluations qui
n’ont de compétitives que le nom ; à se refermer sur ses « cultures » et
derrière des frontières sacralisées, à prôner des ententes libres entre États «
volontaires », et à annuler toute contribution financière française au budget
européen.
Avec un tel programme, il
n’y a plus de solidarité possible entre États, plus d’Europe. Simplement des
rapports de forces teintés de méfiance et de replis identitaires. Pour les
citoyens, ce serait un marché de dupes. L’Europe est la première économie
mondiale. Son unification économique et monétaire permet de créer davantage de
richesses que ce que seraient la somme des productions nationales. Cela
pourrait constituer des atouts fantastiques pour lutter contre les exclusions,
pour assurer les sécurités sociale, économique, environnementale, culturelle.
Le problème est que
l’Europe ne construit pas les politiques publiques de solidarités nécessaires,
que les inégalités que produit l’économie ne sont pas suffisamment
contrebalancées par les politiques de redistribution qui devraient en résulter.
Or, on a besoin de plus de solidarité, plus d’égalité, davantage de politiques
publiques européennes pour répondre aux inégalités sociales que produit le
développement économique. Au lieu de se diviser en rejetant l’autre, c’est de
rassemblement qu’ont besoin ceux qui ont peur d’être les exclus demain.
8 - « Il faut en finir avec le laxisme dans
le traitement de la délinquance »« Il f
Pour l’extrême droite, il
faut réserver un traitement énergique et efficace à la délinquance, notamment
des mineurs. Il faut assurer le renvoi chez eux des délinquants étrangers,
notamment pour qu’ils y purgent leur peine. Enfin, il faut redonner une vraie
place à la victime dans le processus judiciaire, et retrouver une sévérité
accrue dans les sanctions prononcées, pour qu’elles soient de « vraies »
peines.
Derrière ces pétitions de
principes, que dit-on concrètement ? Pour l’essentiel, un accroissement
significatif du nombre de places de prisons (40 000 souhaitées par le FN !), de
façon à ce que les peines soient « réellement » effectuées. Il s’agit là d’une
posture idéologique, qui ignore ou feint d’ignorer qu’elle est totalement
inefficace. Vous ne trouverez pas un professionnel, investi dans les questions
de prison, pas une étude faite par des spécialistes pour affirmer que l’enfermement
fait baisser la délinquance, et surtout empêche la récidive.
Ce qui marche au
contraire, ce sont tous les efforts faits en amont vers la promotion de
l’égalité des droits : l’éducation, la culture, la professionnalisation, le
soin, la citoyenneté de tous. L’extrême droite croit en une règle répressive
mathématique : frapper l’auteur, fort et longtemps, guérit et répare le délit
ou le crime, guérit ou répare la société, guérit ou répare la victime ! Cette
pensée simpliste ignore la réalité de l’impuissance de la répression : d’une
part la répression, dans sa violence aveugle, produit les effets inverses
souhaités (exclusion, rancœur, violence), d’autre part il n’existe pas de
délinquant et de criminel « lambda », ce n’est pas un groupe homogène et constant
: les quelques prédateurs volontaires et malveillants sont très minoritaires au
regard des malades, des alcooliques, des personnes fragiles, des personnes en
manque de repères et de droits, des personnes en grande difficulté... La
preuve, c’est que les primo-délinquants représentent une proportion de l’ordre
des trois cinquièmes des personnes écrouées. Ce ne sont pas des professionnels
du délit ou du crime, ceux-là sont des accidentés de la vie.
Après un premier passage à
l’acte, les risques de récidive sont amplement minimisés, d’abord par le
prononcé d’une sanction proportionnée à l’acte commis, considérée dans son
contexte et adaptée à la personne. Ainsi, elle augmente ses chances d’être
juste et utile à la société. Surtout, la récidive n’est, dans la pratique,
évitée que par un accompagnement social actif de la personne, non par la menace
de la sanction qui, aussi forte et brutale soit-elle, n’a jamais empêché la
délinquance qui, dans son écrasante majorité, trouve sa source dans les maux
économiques et culturels de notre société et dans les carences affectives et
psychiques des individus.
Concernant les étrangers,
leur surreprésentation (très relative) dans la population pénale s’explique en
grande partie par la plus grande précarité de leur situation économique et
corrélativement l’absence de garanties, ce qui entraîne leur incarcération là
où les nationaux y échappent, parce qu’ils justifient d’un domicile et d’une
situation stable. La place de la victime est une question importante...mais que
l’extrême droite n’est pas la seule à poser, loin s’en faut. Lorsqu’un proche,
ou quelqu’un dont nous nous sentons proches est agressé, un sentiment de colère
et d’impuissance nous attrape. Et cette colère n’est jamais apaisée.
Derrière la place de la
victime, c’est en réalité cette colère et cette impuissance que nous voulons
exprimer. Ce n’est pas objectivement la place de la victime dans le procès qui,
pour perfectible qu’elle soit, existe en réalité. Cette colère est légitime.
Elle appelle à la vengeance. Et c’est là qu’elle n’est plus légitime. La
civilisation s’est construite là-dessus : échapper à la vengeance qui appelle
la guerre perpétuelle, car alors il y a toujours surenchère. La justice dans
une société est l’affaire de tous car le mal fait à la victime est fait à la
société tout entière, au-delà du fait qu’il interpelle le collectif sur ses
défaillances. Et la réponse que la victime doit avoir à sa souffrance est : tu
n’as pas souffert pour rien. Nous allons tout faire pour que cela ne se
reproduise pas. Et ce « tout faire » ne signifie pas éliminer le délinquant,
car il en viendra d’autres. Ce « tout faire », c’est le travail acharné et
répété contre les causes multiples de la délinquance. Notre objectif vis-à-vis
du délinquant, c’est la réparation, la responsabilisation, la réinsertion, la
restauration du droit.
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: 02 32 40 10 13, Mail
: louviers@ldh-france.org
Cette lettre
d'information est diffusée par le Bureau de la section de Louviers de la LDH :
Président : Bernard
Parisot - Vice-Président : Claude Morel - Trésorier : Gilles Béthon
- Secrétaire : Marie- Lou Fréchain
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