Les juges d’instruction
chargés de l’affaire Karachi renvoient Edouard Balladur et François Léotard
devant la Cour de Justice de la République (1). Les ministres mis en cause dans
l’exercice de leurs fonctions ne peuvent être jugés par la justice ordinaire.
Ils sont jugés par des magistrats professionnels et surtout par leurs pairs,
parlementaires comme Balladur et Léotard l’ont été. Soyons clairs : si les
juges renvoient les deux anciens ministres devant la CJR c’est qu’ils ont
accumulé des indices graves OU concordants (et non ET concordants) comme l’écrivent
souvent quelques journalistes mal informés. Autrement dit, les indices peuvent être
graves sans être concordants et ils peuvent être concordants sans être graves.
La nuance est de taille.
Et comme les juges sont
prudents — on l’a vu à Bordeaux dans l’affaire Bettencourt — Ils proposent que
Nicolas Sarkozy (encore lui) soit également entendu par la CJR (il était
ministre du budget à l’époque) sous le statut de témoin assisté. Ce qui veut
dire que des indices peuvent être retenus contre lui mais ils ne sont, en l’état
actuel des investigations, ni graves, ni concordants. Ce qui ne veut pas dire
qu’il passera entre les gouttes pour la nième fois…surtout le jour où on
apprend par le site Médiapart, décidément indispensable à la bonne information
du public, qu’un livre écrit par le premier Premier ministre de la Libye libérée
de Kadhafi, affirme que Nicolas Sarkozy a bien touché des millions pour
financer sa campagne électorale de 2007, le dernier versement aurait eu lieu en
2009. On sait également maintenant que le témoin versé au dossier de plainte de
Sarkozy contre Médiapart est un farfelu de première et que son témoignage
finira sans doute dans la poubelle des fausses nouvelles.
Voilà donc un feuilleton qu’on
avait laissé sur une page blanche, il y a quelques semaines, qui repart avec à
la base un nouvel épisode judiciaire intéressant : les campagnes présidentielles
de Balladur et de Sarkozy avec leurs comptes de campagne approuvés dans des
conditions abracadabrantesques pour « doudou » (2) et sans doute insincère pour
Sarkozy. En 2012 les comptes de ce dernier ont été rejetés pour un coupable
laisser aller (pour le moins) dans la présentation du financement d’un meeting
présidentiel ou plutôt un meeting de candidat.
Les journalistes de Médiapart
dont le directeur Edwy Plenel a appris avec ravissement que les députés avaient
voté une TVA à 2,1 % pour les entreprises numériques (au lieu de 19,6% puis 20
%) à l’identique des entreprises de presse papier, sont sur les dents. Ils vont
suivre, pour nous, les nouvelles phases des enquêtes devant la CJR dont les
instructeurs sont des magistrats aguerris. Je promets de raconter le déroulement
du film à tous ceux qui ne seraient pas encore abonnés à Médiapart.
(1)
L’affaire
Karachi : commissions, retro commissions en liaison avec le Pakistan et
attentat contre le personnel de la Direction générale de l’armement faisant plusieurs
morts. Les familles veulent connaître la vérité.
(2)
Avant le 2e
tour de la campagne présidentielle de 1995, Edouard Balladur a versé 10
millions de francs en espèces sur ses comptes de campagne. Roland Dumas, président
du conseil constitutionnel a approuvé les comptes contre l’avis des experts du
Conseil et contre l’avis de certains membres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire