Alain Filkienkraut, un
philosophe que je n’apprécie pas spécialement, était l’un des invités de l’émission
28 minutes, hier soir, sur la Cinq. Il venait dire tout le mépris qu’il éprouve
à l’égard de l’opération obligeant les ministres à déclarer leur patrimoine
immobilier, mobilier et bancaire. Un mépris dû à l’absence de séparation de
plus en plus permanente entre la sphère publique et la sphère privée. Après qu’il
a reconnu que les hommes et les femmes politiques de notre pays ne sont pas
(pour la majorité d’entre eux) corrompus ou corruptibles, le philosophe
constate, tout simplement, que la tricherie de Jérôme Cahuzac n’a strictement
rien à voir avec la publicité tapageuse faite autour des riches et des «
pauvres » de ce gouvernement.
Depuis hier soir, on n’en
sait pas beaucoup plus qu’avant si ce n’est que Laurent Fabius est le plus riche (héritier
favorisé…tout le monde était au courant) et que Christiane Taubira possède trois bicyclettes. Tout cela nous
fait une belle jambe. En quoi ces informations sur le patrimoine de l’un et de
l’autre influence-t-il leur position en matière de politique étrangère et de réflexion
sur la récidive et les peines plancher ?
Ce voyeurisme me conduit à élargir
la réflexion sur ce qui devrait relever de la sphère publique et de la sphère
privée pour déplorer que depuis Giscard d’Estaing et ses dîners chez l’habitant
avec petit air d’accordéon, les politiques ont eux-mêmes creusé leur tombe.
Quel sens donné aux photographies de Ségolène Royal et de sa petite dernière
dans Paris Match ? Quel intérêt à voir Franck Martin dans La Dépêche — c’était
en 1993 — entourée de son épouse avec sa petite fille dans les bras ? C’est
ainsi que les citoyens et les élus se sont habitués à pénétrer dans la vie privée
des gens (les élus sont des gens) et que les systèmes d’espionnage, de
surveillance collectifs ou individuels se sont développés. Les voyeurs en
veulent toujours plus. Demain, ils installeront des micros et des caméras dans
les chambres à coucher.
Je suis farouchement hostile
à ce déballage. Il revêt un aspect barbare, intrusif. Aujourd’hui, le
patrimoine des ministres. Demain celui des députés et des sénateurs. Demain
encore, celui des présidents de Région et des Départements. Et alors ? En
quoi cela va-t-il aider à favoriser la compétence des élus ? En quoi cela
va-t-il aider les citoyens à mieux comprendre les décisions qu’on leur impose ?
Qu’une haute autorité ait
les moyens de contrôler, d’investiguer, de vérifier les déclarations des élus,
pourquoi pas. C’est sans doute utile et nécessaire. Mais à quoi bon remplir les
colonnes des journaux avec des informations qui finalement, ne servent à
rien. Un tricheur s’accommode des règles et des lois. Celui ou celle qui veut
frauder cherchera le secret, l’indifférence. Sans son aveu téléphonique, qui
aurait eu connaissance du compte suisse de Cahuzac ?
Il appartient au législateur
de créer le cadre de l’activité publique. Et donc de tout faire pour que les
décisions et les actes des élus aillent dans le sens de l’intérêt général.
Eviter les conflits d’intérêts, éviter la fraude fiscale, interdire le cumul
des mandats, telles sont les règles qui devraient inspirer François Hollande.
Gageons que les parlementaires s’efforceront de maintenir l’honneur qu’on leur
fait en les élisant. Pas pour leur gloire individuelle mais pour la recherche d’un
certain bonheur commun.
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