Un commando de l'OAS (organisation de l'Armée secrète) animé des pires intentions a criblé de balles 6 hommes (trois Français et trois Algériens) militants de la paix et de l'amitié entre nos pays liés par 130 ans d'occupation. Ces six hommes, tous de l'Education nationale étaient réunis au Château blanc, près d'El Biar et c'est là que les criminels les ont tués au cours d'un processus désespéré visant à empêcher tout lien entre la France et le nouvel état.
Maxime Marchand, originaire de Montaure, fut l'objet d'un hommage national et nombre d'établissements publics portent son nom tel l'ensemble sportif Maxime Marchand de Louviers. j'ai fait quelques recherches sur Internet et je vous livre deux textes dus à la sagacité de quelques confrères blogueurs à qui j'ai emprunté ce travail.
Mais qui était Maxime Marchand ?
Maxime Marchand - né en février 1911 dans l'Eure, d'un père
menuisier, assassiné à El Biar le 15 mars 1962. Il était alors Inspecteur
d'Académie, chef du Service des centres sociaux d'Algérie (créés en 1955 par
Germaine Tillion)]
Voici le dernier texte qu’il
a publié sur le « comportement de la jeunesse » :
"Bah !
penserez-vous. Cela n'est pas si tragique. Les jeunes savent trouver des
plaisirs qui leur font oublier les contraintes de cette âpre concurrence".
Ne le croyez pas si vite. La vie moderne ne leur permet pas de satisfaire
facilement leur besoin d'évasion. En effet, si nous examinons l'influence
qu'exerce sur eux une civilisation chaque jour de plus en plus transformée sous
l'effet des progrès matériels et mécaniques, ce ne sera guère rassurant, car
cette civilisation a eu pour conséquence de multiplier à l'infini les besoins
des jeunes sans pour autant leur donner les moyens de les satisfaire.
C'est le monde des autos
ultra-rapides, des avions, de la télévision, des caméras... C'est un monde qui
nous fait vivre à l'âge de la vitesse et des incessants voyages sur une planète
maintenant rétrécie comme un petit village. C'est exaltant... mais combien
décevant aussi lorsque, faute de moyens, les jeunes sont réduits au rôle de
spectateurs à la longue figure.
Ils voient certains
adultes riches ou certains jeunes privilégiés s'offrir ces merveilleux engins
qui donnent l'impression de supprimer l'espace. Ils les jalousent, ou bien,
comportement plus grave encore, ils sont prêts à tout pour jouir au maximum de
la civilisation matérielle et de ses merveilles. C'est à ce déséquilibre entre
les besoins et les moyens que j'attribue la progression constante de la
délinquance juvénile. La presse relate chaque jour les pitoyables exploits de
certains de nos Blousons noirs. Encore passe-t-elle sous silence les
innombrables petits larcins, semblables à celui d'un de ces héros des Tricheurs
qui resquillait des disques par plaisir, ou à celui de l'héroïne, prête à tout,
pour se mettre au volant d'une Jaguar.
Partout, dans le monde
entier, trop de jeunes pris d'une frénésie de jouissances matérielles partent à
l'assaut de ce qu'ils ne possèdent pas et qui leur permettra de goûter aux
plaisirs de la civilisation matérielle. Ainsi naissent les associations de
jeunes gangsters. Toutes les nations du monde portent en leur flanc cette
horrible lèpre. Aux U.S.A., de 1952 à 1957, à New York, 115 200 individus
de moins de vingt ans ont été arrêtés pour vol et assassinat, Christiane Fournier
nous l'a signalé dans une enquête de Carrefour intitulée : "Nos
enfants sont-ils des monstres ?". Les Teddy-boys d'Angleterre en
pantalons tuyaux de poêle, les "houligans" de Tchécoslovaquie, les
bandes d'enfants de Russie, les amateurs de surboums de certains quartiers de
Paris, tous rêvent de voitures, de randonnées ou de vie luxueuse acquises à bon
compte. C'est sans doute notre époque qui veut cela. Les jeunes d'autrefois
apparaissaient plus vertueux ou moins remuants. Mais c'était souvent une vertu
sans mérite, une vertu forcée. Les jeunes d'autrefois vivaient sous le signe de
la carriole à cheval ou de la bicyclette, sous le signe de la fête au village
ou de la promenade au bois. C'étaient des besoins très modestes qu'on pouvait
satisfaire facilement sans enfreindre trop profondément ni les conventions
sociales, ni les règles morales.
Je me sens glisser vers
des conclusions très sombres et très pessimistes. Si le monde continue à se
développer à son rythme actuel, en augmentant géométriquement le nombre des
jeunes tout en élargissant le champ des activités et des besoins de chacun de
ces jeunes, les prochaines générations iront de difficultés en difficultés vers
d'inévitables catastrophes, à échéance plus ou moins lointaine.
Il faut être optimiste
malgré tout et proposer des solutions qui permettront à l'espèce humaine de se
sauver. Bien sûr, notre action est très limitée.
Il n'est pas question de
modifier la psychologie de l'adolescent qui est un fait, et dont la
modification ne paraît d'ailleurs pas souhaitable en raison des lumières que
nous y avons décelées.
Nous ne pouvons agir que
sur l'aspect sociologique de cette jeunesse en changeant le milieu qui
détermine son comportement. A nous de créer un milieu plus habitable, plus
harmonieux, plus noble, plus exaltant et pourquoi ne pas le dire, un milieu un
peu moins encombré. A nous aussi de faire admettre à nos jeunes une nouvelle
hiérarchie des plaisirs. Ceux que leur donnent aujourd'hui la vitesse, l'image,
le bruit, la publicité tapageuse, l'agitation trépidante et désordonnée ne sont
pas forcément les meilleurs et les plus durables. Cela n'est pas nouveau.
Platon, qui apparaîtrait probablement à de nombreux jeunes comme un "Son
et Lumière" bien poussiéreux, l'avait déjà dit au jeune Alcibiade. Que
tous les Alcibiade d'aujourd'hui veuillent bien se souvenir du conseil et y
trouver des raisons de devenir plus heureux !
[© Maxime Marchand, in l'Éducation
nationale, n° 12, 22 mars 1962, pp. 16-18].
Le 15 Mars 1962, un
commando delta de l’O.A.S. a méthodiquement assassiné
Marcel BASSET, Robert EYMARD, Mouloud FERAOUN, Ali HAMMOUTENE, Max
MARCHAND, Salah OULD AOUDIA.
Ils
étaient six, Algériens et Français mêlés. Tous inspecteurs de l'éducation
nationale, réunis le 15 mars 1962, trois jours avant la signature des accords
d'Evian, à Château-Royal dans le quartier d'El Biar, près d'Alger. Parmi eux,
Max Marchand, leur responsable, un Normand passionné d'Algérie, et Mouloud
Feraoun, l'écrivain kabyle. Ils dirigent des centres sociaux lancés en 1955 par
Germaine Tillion, où l'on crut jusqu'au bout à l'alphabétisation et à la
formation professionnelle des jeunes et des adultes pour apprendre, enfin, à
vivre ensemble un peu moins mal. Un commando Delta de tueurs de l'OAS, commandé
semble-t-il par l'ex-lieutenant Degueldre, les déchiqueta à l'arme automatique,
ce jour-là, comme des chiens, dos au mur, pour qu'un dernier espoir s'éteigne.
[Jean-Pierre Rioux]
Au
cours de la nuit qui suivit cet assassinat, Germaine Tillion a écrit le texte
suivant qui est paru dans Le Monde du 18 mars1962.
La bêtise qui froidement assassine
"Mouloud
Feraoun était un écrivain de grande race, un homme fier et modeste à la fois,
mais quand je pense à lui, le premier mot qui me vient aux lèvres c'est le mot:
bonté...
C'était
un vieil ami qui ne passait jamais à Paris sans venir me voir. J'aimais sa
conversation passionnante, pleine d'humour, d'images, toujours au plus près du
réel - mais à l'intérieur de chaque événement décrit il y avait toujours comme
une petite lampe qui brillait tout doucement: son amour de la vie, des êtres,
son refus de croire à la totale méchanceté des hommes et du destin.
Certes,
il souffrait plus que quiconque de cette guerre fratricide, certes, il était
inquiet pour ses six enfants - mais, dans les jours les plus noirs, il
continuait à espérer que le bon sens serait finalement plus fort que la
bêtise...
Et
la bêtise, la féroce bêtise l'a tué. Non pas tué : assassiné. Froidement,
délibérément ! ...
Cet
honnête homme, cet homme bon, cet homme qui n'avait jamais fait de tort à
quiconque, qui avait dévoué sa vie au bien public, qui était l'un des plus
grands écrivains de l'Algérie, a été assassiné... Non pas par hasard, non pas
par erreur, mais appelé par son nom, tué par préférence, et cet homme qui
croyait à l'humanité a gémi et agonisé quatre heures - non pas par la faute
d'un microbe, d'un frein qui casse, d'un des mille accidents qui guettent nos
vies, mais parce que cela entrait dans les calculs imbéciles des singes sanglants
qui font la loi à Alger...
Entre
l'écrivain Mouloud Feraoun, né en Grande-Kabylie ; Max Marchand, Oranais
d'adoption et docteur ès lettres; Marcel Basset, qui venait du Pas-de-Calais ;
Robert Aimard, originaire de la Drôme ; le catholique pratiquant Salah Ould
Aoudia et le musulman Ali Hammoutène, il y avait une passion commune : le
sauvetage de l'enfance algérienne - car c'était cela leur objectif, l'objectif
des Centres Sociaux : permettre à un pays dans son ensemble, et grâce à sa
jeunesse, de rattraper les retards techniques qu'on appelle
"sous-développement". Dans un langage plus simple cela veut dire :
vivre.
Apprendre
à lire et à écrire à des enfants, donner un métier à des adultes, soigner des
malades - ce sont des choses si utiles qu'elles en paraissent banales : on fait
cela partout, ou, à tout le moins, on a envie de le faire. [...]
Et
c'était de quoi s'entretenaient ces six hommes, à 10 heures du matin, le 15
mars 1962 ..."
Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de
Salah Ould Aoudia, a publié, une enquête sur
l'assassinat de Château-Royal (éditions Tiresias). Jean-Philippe Ould
Aoudia enquête minutieusement, recoupe les documents, vomit les clauses des
amnisties successives qui rendent le crime innommable et font taire les proches
des victimes. Il n'a qu'un but : traquer les assassins de son père à El Biar,
relire cette tuerie planifiée, établir les complicités en hauts lieux, pointer
du doigt les inconscients et les aveugles, reconstituer l'atmosphère
d'affolement à Alger au printemps de 1962, qui laissait proliférer l'exécution
à la raflette entre deux anisettes et l'attentat méthodique des commandos
surentraînés. [d'après Jean-Pierre Rioux, Le
Monde du 20 mars 1992]
Une association pour ne pas oublier :
l'Association des Amis de Max Marchand, de
Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons
48, rue la Bruyère 75440 PARIS Cedex 09
48, rue la Bruyère 75440 PARIS Cedex 09
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