29 août 2008

Profession : candidat

Notre photo : Michel Mendès France et François Loncle dans la maison des Monts lors de l'émission de France Culture animée par Jean Lebrun et consacrée à Pierre Mendès France dans l'Eure. (photo JCH)
Le maire de Louviers vient d'adresser une lettre aux élus qui seront électeurs lors des toutes prochaines élections sénatoriales. Dans le style qui le caractérise (minaudier-maniéré) il leur annonce officiellement sa candidature et veut se distinguer en se targuant d'appartenir au « courant mendésiste. » Quand on est mendésiste, on n'écrit pas Mendès France avec un trait d'union. L'ancien président du Conseil était fort attentif à ce qu'on écrive son nom correctement, lui qui y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Ses origines portugaises l'ont d'ailleurs conduit à établir un arbre généalogique de grande valeur témoignant de l'attachement de ses aïeux à une France républicaine débarrassée de tous ses préjugés (cf Yves boulanger « Le juif Mendès France ou une généalogie de l'antisémitisme ».

Qu'est-ce que le courant mendésiste ? En 2008 (rappelons que Pierre Mendès France a quitté la vie politique active après sa défaite à Grenoble lors des élections législatives de 1968) on peut retenir quelques grands principes : l'exigence de vérité, la nécessité d'agir pour les plus défavorisés, de privilégier la jeunesse et ce qu'il appelait le progrès (aujourd'hui on dirait justice sociale et nouveaux droits pour les salariés) le refus du pouvoir personnel, l'obligation de la délibération collective et, surtout, le devoir de respecter le message des électeurs. Ses causeries radiophoniques n'avaient ainsi qu'un objectif : informer les citoyens pour qu'ils soient éclairés sur les choix du gouvernement et de ceux qui le soutenaient. On peut assurer, sans se tromper pour les avoir écoutées, que le fond et la forme de ces causeries étaient d'une qualité irréprochable car PMF prenait les Français pour des hommes et des femmes aptes à comprendre les orientations et les choix du président du Conseil. Comment appeler à la participation des citoyens s'ils ne sont pas informés des enjeux et des objectifs défendus par les gouvernants ?
Stéphane Hessel dans son livre « feu sur la 5e République » assure : « mendésiste un jour, mendésiste toujours » ! Il s'interroge sur « comment faire vivre l'esprit démocratique dans des institutions qui, au fond, ne le sont guère ? Comment gagner et durer avec ces règles-là sans vendre son âme au diable ? Comment favoriser la participation des citoyens dans un système où le pouvoir personnel règne en maître ? » Plus qu'une autre gauche, Stéphane Hessel appelle une autre République : « Il a 90 ans. Il rêve encore » écrit un critique du Nouvel observateur.

Et nous, rêvons-nous encore ? Je laisse la parole à un ami qui a lu la lettre de Franck Martin et qui m'écrit : « quant au couplet mendésiste, sortez les violons et les mouchoirs : c'est à tirer les larmes... mais je n'arrive pas à choisir entre lesquelles : de rire tellement c'est grotesque ou de tristesse tellement c'est pitoyable...»

Membre du Parti radical puis du Parti socialiste Unifié, Pierre Mendès France fut en réalité un homme non partisan. Il n'aimait pas qu'on théorise son nom. Il avait, par ailleurs, un immense respect pour les différents mandats électoraux. Député, président du conseil général, il refusa, après sa défaite de 1958, de se présenter au Sénat, comme le fit François Mitterrand, par respect pour ses électeurs. Au contraire, désavoué par le suffrage universel, il démissionna de toutes ses fonctions électives. Seul le général de Gaulle fit de même en 1969. Mais ils étaient des hommes d'Etat.

Alors, peut-on dire que Franck Martin est mendésiste ? N'importe qui peut se réclamer de n'importe qui. On peut avoir créé les jeunesses mendésiennes (à deux) on peut avoir sollicité Tristan Mendès France pour figurer en queue de liste municipale en 1995, on peut faire courir son chien dans la propriété des Monts, on peut aussi affirmer appartenir à un courant…Il n'en reste pas moins que Franck Martin est membre du Parti radical de gauche, que ses dirigeants viennent de donner un bon coup de main à Nicolas Sarkozy au congrès de Versailles, qu'il s'est présenté contre François Loncle aux législatives alors même que ce dernier vint à Louviers à la demande de…Pierre Mendès France pour rendre la circonscription à la gauche !

Le maire de Louviers est donc candidat à tout. D'où vient cette dévorante ambition ? D'où vient ce besoin impérieux de reconnaissance puisqu'il n'est d'autre explication à la défaite cuisante qui s'annonce ? Nos aimables lecteurs sont priés de nous donner leur avis, nous le ferons partager.

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