François Loncle au micro. A droite Joan Mendès France©JCH |
On connaît l’homme politique, l’homme des convictions et des choix. On sait moins que Pierre Mendès France a également été professeur et pas n’importe quel professeur puisque c’est au sein de l’ENA (Ecole nationale d’administration) et en faveur des étudiants de la promotion « Europe » en 1950, que le maire de Louviers futur président du Conseil a donné 19 leçons à des hommes et une femme destiné(e)s aux plus hautes fonctions.
Consécutivement à l'arrivée au pouvoir du Front populaire et de son ministre de l'éducation nationale, Jean Zay, l'idée de créer une unique école de sélection et de formation des hauts fonctionnaires voit le jour mais elle se heurte à un vote défavorable du Sénat. Il faut attendre 1945 pour que l’ENA soit créée devienne une école « ouverte » et plus seulement réservée à ceux et celles et d'origine « favorisée » qui aspirent à devenir les cadres supérieurs de la fonction publique, qu’il s’agisse de l’Inspection des finances, du Conseil d’Etat, ou des différents ministères et de la haute administration.
Pierre Mendès France est nommé professeur en 1946 mais c’est quatre ans plus tard qu’il intervient alors que sur le plan politique il se tient en réserve, refusant tous les compromis ou « la facilité » qui progressivement vont aboutir à sa promotion à la tête du gouvernement où pendant 7 mois et 17 jours il laissera une empreinte si forte.
Alain Chatriot©JCH |
Ces 19 leçons ont été recensées par Michel, le fils de PMF et Joan Mendès France sa belle-fille, contextualisées et annotées par Alain Chatriot, professeur à Sciences po Paris. PMF n’est pas un universitaire mais un homme politique qui a déjà un passé prestigieux notamment pour sa conduite pendant la guerre et son rôle auprès du général de Gaulle après avoir été sous-secrétaire d’Etat dans le second et éphémère gouvernement Blum. Son cours donné devant les élèves de l’ENA est intitulé « Problèmes économiques et financiers que pose la politique des investissements et de la reconstruction en France ». PMF place son cours sous les auspices de l’économiste britannique J.M. Keynes qu’il a lu avant la seconde guerre mondiale et qu’il a rencontré lors de la conférence de Bretton Woods aux Etats-Unis en juillet 1944.
« Ces leçons, comme l’écrit Alain Chatriot, permettent de revenir sur la trajectoire intellectuelle et politique de Pierre Mendès France, sur l’ENA de 1950 et ses élèves de la promotion Europe (NDLR : dont Marceau Long, André Chandernagor, Valéry et François Giscard d’Estaing) et sur la compréhension des questions économiques dans la France de la libération et des débuts de la 4e République autour notamment des principaux enjeux de la Reconstruction. Ce cours apparaît comme une étape signifiante dans la trajectoire politique de Mendès France et dans l’énonciation des convictions économiques qui font de lui l’une des figures majeures de cette période de reconstruction. »
Le colloque organisé au ministère des finances le 4 octobre avait pour but de saluer la parution de l’ouvrage « Financer la reconstruction de la France » (1) et d’entendre des intervenants aux qualités reconnues. Qu’il s’agisse d’Antoine Prost, de Marc-Olivier Baruch, d’Hélène de Largentaye…avant d’écouter une synthèse brillante et éclatante d’intelligence de Mme Céline Husson-Rochcongar, directrice de recherche à l’INSP, le nouveau nom de l’ENA.
A Louviers aussi…
Dans la salle PMF à Louviers ce samedi.©JCH
A Louviers, ce samedi, dans la salle… Mendès France de l’Hôtel de ville, Claude Cornu, membre de l’Institut Mendès France et président de la SED, s’était donné pour tâche de narrer le rôle de PMF dans les relations franco-allemandes. Il fallait d’abord camper le personnage, aussi eûmes-nous droit au récit de la vie personnelle et familiale de Pierre Mendès France, sa découverte de l’Eure, ses campagnes électorales comme candidat radical et les attaques antisémites, son lien avec Louviers, son élection comme maire et député, sa conduite glorieuse dans les forces aériennes de la France Libre et surtout ses actions pour amorcer une relation franco-allemande mise à mal par la guerre encore toute récente.
Claude Cornu commente une affiche des années trente.©JCH |
Claude Cornu sait de quoi il parle (2). Ses explications relatives à la CED (Communauté européenne de défense) ont mis l’accent sur la crainte d’un réarmement allemand non contrôlé alors que les Américains exigeaient de l’Europe qu’elle puisse faire face à l’URSS et donc qu’elle intègre l’Allemagne dans la défense de l’ouest (3). Pour l’écouter il fallait bien la présence (courte) du maire, François-Xavier Priollaud, celle (plus longue) du député Philippe Brun qui n’hésite pas à inscrire ses pas dans ceux de son illustre prédécesseur. Le comité de jumelage franco-allemand (Louviers-Holzwickede) était coorganisateur de la conférence saluée chaleureusement par un public attentif et comblé. Il faut dire que l’orateur avait étayé son propos d’illustrations émouvantes telle cette photographie prise vers 1914-1915 mettant en scène les parents de PMF et sa sœur Marcelle qui fut un soutien indéfectible lors du procès de Clermont-Ferrand.
(1) éditeur : Comité pour l’histoire économique et financière de la France. L’Institut de la gestion publique et du développement économique. Ouvrage publié avec le soutien de l’Institut Mendès France. 31 euros. Htpp://books.openedition.org/igpde/
(2) Claude Cornu avait raison et j’avais donc tort. C’est bien à Riom que Jean Zay a été extrait de sa prison pour être assassiné par la milice même si c’est à Clermont-Ferrand qu’il a été jugé et condamné. Faute avouée…
(3) Le MRP a toujours reproché à PMF de ne pas s’être engagé en faveur de la CED. Elle lui en tiendra éternellement rigueur.
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