17 avril 2020

Trois réflexions au débotté : les âmes noires, Paris Normandie en liquidation, Suzanne va bien merci…


Le temps des âmes noires
Toutes les périodes troubles suscitent leur lot de bêtise, de rumeurs, de colère, de violence et de délation. En ces temps de confinement abêtissant pour les uns, proscratinateurs pour d’autres et révélateurs à eux-mêmes pour d’autres encore, la panoplie des âmes noires ne manquent pas d’attributs et encore moins de sujets.
Ici «on» dénonce des jeunes ados un peu bruyants, là «on» alerte la gendarmerie pour un barbecue en famille, là encore «on» téléphone au 17 en espérant demeurer discrets pour mettre en cause une heure dépassée ou un rassemblement suspect. Alors même que les techniques permettent à tous les coups de connaître les correspondants.
Il est évident que face au dévouement permanent de tous les personnels soignants, le travail continu des transporteurs routiers ou des hôtesses de caisses qui, sans en avoir l’air assument aussi le risque de devenir malades du coronavirus, ces âmes noires d’une France obscure ne pèsent pas bien lourd.
Il n’empêche. La jalousie, la haine, l’envie, tous sentiments mêlés de frustration et de désir de vengeance, forment un maelstrom peu ragoutant. La France de 39-45 a  évidemment connu des épisodes aussi lamentables que mortels pour certaines familles juives décimées. «On» n’en est heureusement pas là et certains jugeront ma comparaison obscène. Ils auront en partie raison.
Tout de même, ce que je souhaite évoquer c’est ce penchant humain, ce trait lourd de conséquences plus durables qu’on ne le croit que forme cette France peureuse, rabougrie, nationaliste (et pas patriote) souverainiste (et pas ouverte au monde) dangereuse pour nos libertés, nos actes du quotidien, notre art de vivre à la Française. Méfions nous des Trump, des Bolsonaro, des Modo, des Orban, des Xi jinping, des Le Pen, tous dirigeants (passés, actuels ou futurs) de pays sans liberté de penser et donc sans liberté de la presse. Ils nous préparent un monde terriblement invivable. Le virus du totalitarisme, lui, ne porte pas de masque. Au fait en 2019 près de 50 journalistes ont trouvé la mort en faisant leur métier. Ne les oublions pas.

Paris-Normandie en liquidation judiciaire…
Justement, la presse ? Parlons-en. J’apprends que les dirigeants de Paris Normandie ont sollicité du tribunal de commerce de Rouen la liquidation judiciaire de l’entreprise de presse éditrice du quotidien régional. Au fil du temps et surtout après la reprise de PN par Robert Hersant, en 1977, les fines plumes spécialisées du quotidien de Pierre René Wolf, repreneur du journal après la guerre, ont quitté le navire devenu un canard sans tête…et sans jeu de mot. Paris Normandie a été un quotidien très important, non seulement dans la vie normande mais également à Paris où une rédaction spécialisée relatait les événements nationaux et mondiaux. Je pense ainsi à tous mes confrères ébroïciens, Lovériens, vernonnais, rouennais, les Pierre Joly, Pierre Lepape,  Léonce Moutardier, Jean-François Baudu, Claude Virlouvet, Pierre Bigot, Didier Bureau, sans oublier les chroniqueurs sportifs grâce auxquels j’ai débuté dans le métier.
A lire les noms on voit peu celui de femmes. A cette époque, les rédactions étaient majoritairement masculines. Les temps ont heureusement changé. Aujourd’hui, on compte dans les quotidiens nationaux ou régionaux, les agences de presse, les hebdomadaires (je n’oublie pas La Dépêche bien sûr) un grand nombre de journalistes professionnel(le)s issues des écoles ou formé(e)s sur le tas, à l’école de la vie. Un mélange des genres et des styles.

Prenons des nouvelles des ami(e)s
Suzanne va bien…
On est confiné, certes, mais pas sans moyens de communication. Ce bon vieux téléphone fixe a beau être délaissé, nous avons en mains des outils informatiques formidables. Ils nous relient à nos voisins, nos amis, et au monde entier. On aurait tort de ne pas prendre de nouvelles de personnes que l’on estime, que l’on admire, ou que l’on aime. Il paraît que si les images et les vidéos ont du succès, elles ne diront jamais autant que la parole autrement dit la voix. La voix dit tout de nous. Elle exprime nos craintes, nos angoisses mais aussi le bonheur que nous apportent les beaux et bons messagers : acteurs, comédiens, poètes, écrivains, parents, frères, sœurs et tout ceux et celles qui comptent pour nous. Ecoutons donc avec encore plus d’attention — on a le temps n’est-ce pas ?— les voix de ceux et celles à qui l’on pense de manière à entretenir cette musique éloquente qui ne s’éteindra qu’à notre dernier jour, comme le fut aujourd’hui pour le chanteur Christophe ce 17 avril victime du Covid 19 même si sa famille parle de problèmes pulmonaires sans citer le nom de ce satané virus.
Ainsi, cet après-midi, j’ai décidé d’appeler Suzanne Lipinska pour prendre des nouvelles de sa santé et aussi de l’énergie qu’elle a emmagasinée pendant des décennies pour faire de son Moulin d’Andé un lieu irremplaçable, inusable, intemporel. Suzanne a atteint un âge respectable, elle appartient à la catégorie des personnes fragiles mais sa volonté de vivre et surtout de partager l’a toujours emporté sur la tristesse de voir ses amours et ses amis partir avant elle ce qu’elle ne doit pas déplorer puisque nous sommes des centaines, des milliers peut-être, à tenir à sa présence et à son histoire, un peu la nôtre aussi. Suzanne va bien, n'est-ce pas l'essentiel…

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