20 février 2020

La mort de Jean Daniel : le fondateur du Nouvel Observateur fut un grand « mendésiste »


Jean Daniel avec Jack Lang.© JCH
Nous qui avons été nourris au lait du Nouvel Observateur, sommes en deuil. La mort de Jean Daniel, son directeur pendant des décennies, marque la fin du règne d’une forme de journalisme intelligente, engagée, un journalisme n’ayant rien à voir avec le sensationnalisme, le voyeurisme ou encore le vide de la pensée. Avec Jean Daniel, c’était du lourd. La rédaction comprenait des hommes et femmes de presse écrivains, intellectuels, politiques dans le meilleur sens du terme, capables de nourrir la réflexion contemporaine et de participer aux choix de société dans ce qu’ils avaient de plus avancés sur leur temps. Qu’il s’agisse de l’avortement, du droit des homosexuels, de la liberté de conscience, Jean Daniel se tint toujours du bon côté de la barrière encourageant l’émancipation des opprimés et le mouvement de libération des femmes comme celui des mœurs.
Dans toute sa carrière Jean Daniel eut d’abord à choisir Pierre Mendès France. Il le soutint de toute son âme et de toute sa conviction. Il est d’ailleurs resté membre de l’Institut Mendès France jusqu’à très récemment, la maladie et le grand âge l’empêchant de fréquenter les colloques et conférences organisés autour de l’action de l’ancien Président du Conseil. Chez PMF, Jean Daniel trouvait matière à croire en l’homme et en l’efficacité gouvernementale construite sur des valeurs : le parlementarisme, le dialogue avec le citoyen. Cela explique que ses rapports avec le général De Gaulle furent plus conflictuels qu’amicaux, le directeur du Nouvel Obs n’ayant jamais admis que la prise de pouvoir du général se fît sous la menace d’une guerre civile et sur l'avenir de l’Algérie, ce pays qui l’avait vu naître ! Plus tard, il accompagna François Mitterrand dans sa marche vers l’Elysée tout en reconnaissant les limites de ses encouragements et de son implication. Il ne fit pourtant jamais défaut à la Gauche qui ne lui a pas toujours reconnu suffisamment ses mérites.
Au plan international Jean Daniel fut sur tous les fronts. Et notamment au Moyen Orient où il fit ce qu’il put pour encourager le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. La situation de guerre permanente le désolait comme le désolait le relatif échec des printemps arabes lui qui connaissait le Maghreb sur le bout des ongles. Qu'il s'agisse de l'empire français ou des empires coloniaux étrangers, Jean Daniel demeurait favorable à l'autodétermination et à l'indépendance. Sur l'Algérie il assuma crânement ses différences avec Albert Camus, né dans ce pays comme lui.
Mort à l’aube de ses cent ans, Jean Daniel laissera une trace plus qu’essentielle dans le paysage intellectuel du 20e siècle. Ses livres, ses articles, ses éditos…autant de témoignages de son talent et de son engagement jusqu’à son dernier jour.

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