Jean Daniel avec Jack Lang.© JCH |
Nous qui avons été nourris
au lait du Nouvel Observateur, sommes en deuil. La mort de Jean Daniel, son
directeur pendant des décennies, marque la fin du règne d’une forme de
journalisme intelligente, engagée, un journalisme n’ayant rien à voir avec le
sensationnalisme, le voyeurisme ou encore le vide de la pensée. Avec Jean
Daniel, c’était du lourd. La rédaction comprenait des hommes et femmes de
presse écrivains, intellectuels, politiques dans le meilleur sens du terme,
capables de nourrir la réflexion contemporaine et de participer aux choix de société
dans ce qu’ils avaient de plus avancés sur leur temps. Qu’il s’agisse de l’avortement,
du droit des homosexuels, de la liberté de conscience, Jean Daniel se tint
toujours du bon côté de la barrière encourageant l’émancipation des opprimés et
le mouvement de libération des femmes comme celui des mœurs.
Dans toute sa carrière Jean
Daniel eut d’abord à choisir Pierre Mendès France. Il le soutint de toute son âme
et de toute sa conviction. Il est d’ailleurs resté membre de l’Institut Mendès
France jusqu’à très récemment, la maladie et le grand âge l’empêchant de fréquenter
les colloques et conférences organisés autour de l’action de l’ancien Président
du Conseil. Chez PMF, Jean Daniel trouvait matière à croire en l’homme et en l’efficacité
gouvernementale construite sur des valeurs : le parlementarisme, le
dialogue avec le citoyen. Cela explique que ses rapports avec le général De
Gaulle furent plus conflictuels qu’amicaux, le directeur du Nouvel Obs n’ayant
jamais admis que la prise de pouvoir du général se fît sous la menace d’une
guerre civile et sur l'avenir de l’Algérie, ce pays qui l’avait vu naître ! Plus tard,
il accompagna François Mitterrand dans sa marche vers l’Elysée tout en
reconnaissant les limites de ses encouragements et de son implication. Il ne
fit pourtant jamais défaut à la Gauche qui ne lui a pas toujours reconnu
suffisamment ses mérites.
Au plan international Jean
Daniel fut sur tous les fronts. Et notamment au Moyen Orient où il fit ce qu’il
put pour encourager le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. La situation
de guerre permanente le désolait comme le désolait le relatif échec des
printemps arabes lui qui connaissait le Maghreb sur le bout des ongles. Qu'il s'agisse de l'empire français ou des empires coloniaux étrangers, Jean Daniel demeurait favorable à l'autodétermination et à l'indépendance. Sur l'Algérie il assuma crânement ses différences avec Albert Camus, né dans ce pays comme lui.
Mort à l’aube de ses cent
ans, Jean Daniel laissera une trace plus qu’essentielle dans le paysage intellectuel
du 20e siècle. Ses livres, ses articles, ses éditos…autant de témoignages de son
talent et de son engagement jusqu’à son dernier jour.
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