(photo Jean-Charles Houel) |
Les relations entre Emmanuel
Macron et les élus locaux sont placées, depuis son élection, sous le signe du
paradoxe. Après deux années horribilis pendant lesquelles le président a ignoré
les élus de terrain, il a mis un peu d’eau dans son vin et semble aujourd’hui plus
à l’écoute des maires et des présidents de départements et de régions. Comme
ces associations sont présidées par des opposants déclarés du président, (MM. Baroin, Bussereau et Muselier, notamment, tous de droite) la
suspicion est permanente. Elle l’est d’autant plus qu’après les années Hollande
avec son lot d’atteintes à la liberté et l'autonomie des collectivités, Emmanuel Macron a lui
aussi paru décidé à passer outre les avis et les volontés des élus locaux.
Hier soir, à Rouen, les
sénateurs socialistes et républicains tenaient leur 6e réunion
régionale destinée à présenter les doléances des territoires à l’égard du
pouvoir central lesquelles feront l’objet d’un livre blanc édité avec la
participation de la Fondation Jean Jaurès dont on dit qu’elle est proche des
socialistes. Qu’elle soit à gauche c’est bien le moins mais que ce think thank
soit identifié au PS ne correspond pas à la réalité.
Toujours est-il que la salle
de réunion rouennaise de la Halle aux toiles a accueilli des élus locaux et des
militants représentants les citoyens trop souvent oubliés afin qu’ils nourrissent
le débat et permettent à Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat et
Didier Marie, sénateur de Seine-Maritime d’assurer les remontées. Nicolas
Bouillant représentait la fondation Jean Jaurès où il anime le pôle innovations
locales.
Que retenir de cette
soirée ? Que les élus s’estiment suffisamment murs et expérimentés pour
affronter une nouvelle phase de décentralisation tant il est vrai que la
subsidiarité (1) si elle joue au niveau européen devrait également être appliquée
dans les régions et les départements. Le problème ? Il est résumé en un
mot : l’Etat central ne veut rien lâcher ! Il faudrait sans doute un
nouveau Gaston Deferre au gouvernement pour oser remettre en cause la
recentralisation et la reconcentration à l’œuvre…
Didier Marie a très bien
expliqué pourquoi la suppression de la taxe d’habitation, si elle réjouit les
classes moyennes, n’apporte pas de pouvoir d’achat aux plus pauvres qui ne
paient ni l’impôt sur le revenu ni les taxes locales. De fait l’Etat reprend la
main et rien ne prouve que, demain, la taxe foncière et ce qui a remplacé la
taxe professionnelle ne seront pas appelées à disparaître également. Où sera la
liberté des collectivités locales si elles ne peuvent plus agir
fiscalement ? Chacun admet que les bases locatives datant des années 70
sont inadaptées et injustes. Le gouvernement a promis une révision
en…2026 ! Autre souci des sénateurs : le statut de l’élu. C’est
l’arlésienne. En parler toujours, le faire jamais !
Un élu d’une commune
maritime a évoqué le fonctionnement des EPCI, métropoles, agglomérations, communautés de
communes. Ce fut l’occasion pour Yvon Robert, maire de Rouen, de déplorer une
fois encore le trop grand nombre de collectivités dans ce pays : « Tout le
monde veut s’occuper de tout » c’est très Français, n’est-ce pas ? Toujours
est il que le citoyen connaît bien son maire mais ignore le plus souvent
qui dirige l’agglomération et
quelles sont les compétences de cet outil. Faut-il une élection au suffrage
universel des élus représentants les communes ? Mais alors à quoi
serviront les maires ? Les élections aux EPCI deviendront des élections
politisées sans qu’il soit possible de fonctionner au consensus comme
aujourd’hui. Ou du moins jusqu’aujourd’hui. Tout prouve, au contraire, qu’au
lendemain des municipales, de nouvelles règles devront être adoptées…pour
éviter les choix plus politiques qu’économiques constatés ici ou là dans
certains territoires. Là encore, il faudrait s’adresser à la sagesse des hommes
plus qu’à leurs émotions. Vaste programme surtout si l’on songe que François
Baroin, ministre des finances en 2010, appelait les collectivités locales à
économiser 11 milliards d’euros, les mêmes euros qu’il exige du gouvernement
actuel dans ses fonctions de président de l’association des maires de France. Quelle
contradiction et quelle hypocrisie !
(1) Tout échelon supérieur s'interdit de
réaliser lui-même ce qu'un échelon inférieur pourrait faire. Il s'agit
d'une délégation à l'envers par rapport au système où le
président déléguait ses pouvoirs à la base.
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