Aurore Lalucq a quitté Benoit Hamon pour Raphaël Gluksmann. Ici à Val-de-Reuil.©JCH |
Les exégètes professionnels n’en
finissent pas d’analyser les résultats des élections européennes. Mais à
entendre les politiciens de service, il ne semble pas qu’ils aient tout à fait
compris ce que les électeurs et électrices ont voulu signifier par leur vote.
Leurs propos, comme autant d’éléments de langage soigneusement préparés par des
communicants, ne font qu’effleurer le vrai sens des messages adressés aux uns
et aux autres. Maniant la langue de bois à qui mieux mieux, les gagnants et les
perdants se cachent derrière des mots et des phrases dont le contenu inquiète.
Le résultat de la liste
LR-Bellamy est calamiteux. Wausquiez a été contraint de démissionner, sa stratégie
de la droite «dure-dure» ayant piteusement échoué. Ses cadres peuvent toujours tourner autour
du pot et accuser tel ou tel de la médiocrité de son score, la réalité est là,
terrible. Marcher sur les brisées du Front national ne lui a apporté ni
crédibilité ni électeurs. Avec son 8,5% des suffrages, le parti « Les
républicains » est devenu un groupuscule même s’il tient encore nombre de
régions, de départements et de mairies. Gérard Larcher dit vouloir se dévouer
pour assurer l’avenir de la droite et du centre. Sa petite réunion d’hier ne
laisse pas d’inquiéter les jeunes « Les Républicains » dont l’horizon se bouche
le tapis glissant sous leurs pieds. Quant à Bellamy, devenu député européen, il
s’est mis à genoux, a demandé pardon et a disparu des écrans. La droite
Trocadéro nous fera toujours pitié. Après Fillon, Wauquiez, à qui le tour après
Wauquiez ?
Jean-Luc Mélenchon assure
qu’il continue le combat mais se met en retrait. Pas en retraite. L’autre dimanche
il a pris un grand coup sur la tête. Lui non plus ne devrait plus faire long
feu chez les insoumis. Il n’y a guère que Manon Aubry pour affirmer que LFI
s’inscrit durablement dans le paysage politique ! Avec un score pareil
(6,5%) La France insoumise rejoint, elle aussi, les rangs d’une gauche radicale rachitique. Il
n’y a guère que LO pour faire pire ! Je suis très inquiet d’un sondage (même
si les instituts se trompent souvent) affirmant que 60 % des électeurs(trices)
de Mélenchon sont prêts à donner leurs voix à Marine Le Pen en 2022 en cas de
second tour avec Macron. Malgré les dénégations d’amis proches de LFI, on sent
bien que la haine est mauvaise conseillère et le dépit aussi. Choisir le pire
pour éviter le moins bien a déjà été expérimenté en politique, cela mène droit
à la catastrophe. Ce qui est rassurant c’est qu’il reste trois ans avant l’échéance
et que l’eau coulera sous les ponts. Un temps suffisant pour retrouver ses esprits ?
Raphaël Gluksmann n’est pas
antipathique. Ses maladresses comportementales et verbales, preuves d’un
amateurisme avéré n’en font, cependant, pas un homme d’estrade et encore
moins un homme d’avenir du paysage
politique. En philosophe il maîtrise les concepts mais n’a rien d’un tribun
affectif et émotionnel. Qui a-t-il fait vibrer ? Quel message retenons-nous ?
Sans des militants aguerris et convaincus (comme à Val-de-Reuil) et avec 6,3%
des voix, cette liste « Place publique »…place le PS en grand danger de
disparition sous sa forme actuelle. Le seul mérite de Gluksmann aura été
d’avoir envoyé six élus à Bruxelles.
Anne Terlez, future Marianne lovérienne ? |
L’autre dimanche soir au
Moulin, les macronistes dont Anne Terlez (51e sur la liste Renaissance)
n’en menaient pas large au début du dépouillement. La soirée passant et les
sondages se transformant en votes réels, ils reprenaient du poil de la bête et
retrouvaient un sourire de soulagement. Je ne vous décrirai pas le visage de la
candidate en apprenant que LR faisait 8 % des suffrages ! Finalement, à
Louviers et en France, la République en marche (avec les écologistes Verts) a
bien tenu le choc après le mouvement (permanent) des gilets jaunes et de
l’affaire Benalla. Comme je l’avais prévu dès le 18 novembre, la bénéficiaire
de la protestation a bien été Marine Le Pen dont les cadres ont été archi
présents sur les ronds-points. Jordan Bardella, la tête de liste RN, par ses
mensonges et ses bobards, n’a pas dissuadé les citoyens (40 % des ouvriers !)
de lui apporter leurs suffrages. Il n’est pas si étrange que la carte du vote montre
une similitude certaine entre le vote PC d’antan et le vote RN d’aujourd’hui. L’Outre
mer parvient même à encenser Marine Le Pen honnie pendant tant d’années eu égard
aux positions racistes et xénophobes de la patronne de l’ex-FN.
Quels seront les effets
locaux du vote européen ? Déjà, des reclassements s’opèrent. Certains
(ex-LR) rejoignent LREM à Louviers comme ailleurs. Les appels du pied de
Sébastien Lecornu ne laissent pas insensibles la France macron-compatible de la
droite et du centre. Je crois même que François Loncle est à la manœuvre avec d’autres
au plan national (Le Canard enchaîné en parle) pour soutenir Jean-Yves Le Drian
et la jambe gauche du macronisme. Il faut dire que ce dernier boitait fort et
penchait trop à droite. Quand André Malraux affirmait qu’entre De Gaulle et le
PCF, il n’y avait rien, peut-on affirmer qu’entre Emmanuel Macron et Marine Le
Pen, c’est le grand vide ? Ça en prend le chemin.
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