3000 manifestants dans le centre-ville de Rouen. ©Jean-Charles Houel |
Il est évidemment facile de
s’appuyer sur les actes et excès violents de certains gilets jaunes plus
prompts à cogner du flic qu’à s’accorder sur des revendications claires et
solides. Il n’empêche qu’après réflexion, je me demande si « le mépris » que
certains constatent (voir l’attitude d’Emmanuel Macron en diverses
circonstances) ne sert pas à discréditer un mouvement dans son ensemble alors
même qu’il est une mosaïque pas facilement lisible.
Dans la rue du Gros Horloge à Rouen. ©Jean-Charles Houel |
Pour autant, le saccage du
temple du Grand Orient de France (temple de la franc-maçonnerie locale) à
Tarbes, montre bien que la société française conserve la mémoire des jours
terribles. Même si je n’échappe pas au point Godwin (1) je ne peux m’empêcher
de penser au régime de Pétain qui interdisait : socialisme, syndicalisme
ouvrier, communisme, franc-maçonnerie, stipendiait les homosexuels, bannissait
les juifs, en chantre du vieux Maurras.
Il est remarquable qu’il
ait fallu le mouvement des gilets jaunes pour que des haines recuites
autorisent François Ruffin à écrire, s’agissant d’Emmanuel Macron : «Votre tête ? Les visages
sont marqués, normalement on y devine la trace de la souffrance. Mais vous,
non, c’est sans cernes : vous transpirez l’assurance. Vous exhalez
une classe. Vous portez en vous une suffisance. Ce rejet physique, nous
sommes des millions à l’éprouver». Le directeur de la publication de fakir n’y va pas avec le dos de la
cuiller. Il cogne et ça fait mal.
Jean-Marie Le Pen, en 1956, n’écrivait-il pas, parlant de Pierre Mendès
France : "Vous n’ignorez pas que vous cristallisez sur
votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques et presque
physiques ». Ainsi la boucle serait bouclée. Les adversaires
politiques seraient transformés en objets auxquels on ne reconnaîtrait plus le
caractère personnel immuable de chacun mais dans lesquels on ne verrait que
rejet individuel et attaques personnelles sans autre argument que les cernes
sous les yeux ou la taille des oreilles. C’est minable.
Je n’irai pas, comme l’a
écrit Edwy Plenel, directeur du site d’informations Mediapart à écrire que le
mouvement des gilets jaunes c’est « la victoire des vaincus ». Pour cela, il
faudrait des résultats matériels tangibles. C’est en tout cas, à défaut de
victoire, une revanche sur des élites souvent sourdes et aveugles, souvent
étrangères au monde réel du quotidien. Si, dans quelques semaines ou quelques
mois, le regard porté sur ceux qu’on « méprise » se modifie en un certain
respect, les actes 17, 18 ou 19 ne seraient pas inutiles.
(1) Godwin donne un point à chaque fois qu'une discussion ou un argument aboutit à une référence à la seconde guerre mondiale.
(1) Godwin donne un point à chaque fois qu'une discussion ou un argument aboutit à une référence à la seconde guerre mondiale.
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