2 janvier 2019

Benoit Hamon ne comprend plus rien à Jean-Luc Mélenchon. Nous non plus.


Dans un texte publié sur son blog, dans un style dont il a le secret, (emphatique, coloré, imagé) Jean-Luc Mélenchon tresse une couronne de lauriers à Eric Drouet, le chauffeur–routier-gilet-jaune que le leader de la France insoumise compare au Drouet qui reconnut le roi Louis XVI en fuite à Varennes. Pour un admirateur de Robespierre, la comparaison était plus que tentante. Nul n’ignore plus depuis la fameuse perquisition que JLM, député, « est la nation » « la République » à lui tout seul. Le tribun de la France insoumise n’hésite donc devant aucune comparaison, aucun rapprochement, lui donnant l’occasion de sublimer les gilets jaunes, oubliant au passage que le monsieur Drouet qui, selon lui, possède tant de qualités est aussi celui qui, sur sa page Facebook, n’hésite pas à dénoncer « l’immigration massive » et à utiliser le mot racailles dans son acception la plus vile. Son penchant pour la droite extrême n’en est que plus évident.

Comme il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, reconnaissons que Jean-Luc Mélenchon n’a pas tort quand il dénonce une société injuste, un capitalisme rapace, des inégalités révoltantes. Il encourage donc les gilets jaunes à poursuivre leur mouvement de protestation, à l’amplifier même puisque 80 % de leurs propositions figureraient dans le programme de la France insoumise. J’ai le privilège (utilisons le JE comme Mélenchon) d’avoir une certaine expérience politique et d’avoir suivi la carrière d’un homme élu depuis longtemps, tantôt sénateur socialiste, tantôt secrétaire d’état de François Mitterrand, tantôt conseiller général, tantôt député européen et aujourd’hui, député de Marseille. Ces différents mandats électifs, acquis dans le cadre d’une démocratie représentative, ont donc permis à Jean-Luc Mélenchon de presque toujours vivre de la politique, cette tare qu’il reproche à tant d’autres qui, comme lui, n’ont connu que les bancs des assemblées si éloignés, selon lui, de la vraie vie.

Parmi les propositions des gilets jaunes, il en est une qui doit interpeller les démocrates. C’est celle du référendum d’initiative citoyenne dont j’ai déjà dit tous les défauts sur ce blog. Mélenchon approuve des deux mains cette proposition. Il l’a transforme même puisqu’il suggère l’adoption d’un référendum révocatoire dont la motivation principale serait simple comme bonjour : « Vous n’êtes pas content d’un élu, Virez-le ! » On dirait du Trump tout craché. Ce référendum révocatoire n’est pas né en France. Il existe dans un pays d’Amérique du Sud, le Venezuela, pour ne pas le nommer, où la démocratie est fort malmenée pour ne pas dire inexistante. Demandez aux Colombiens ce qu’ils pensent des files d’attente aux frontières de citoyens fuyant le chavisme et Maduro. Les remèdes seraient-ils pires que les maux ?

La grande Révolution française ne fut pas le résultat d’un mouvement de quelques milliers de personnes, respectables au demeurant. La Révolution a été animée et suscitée par le tiers Etat représentant une majorité de Français. Certains Gilets jaunes sont nourris au lait des réseaux sociaux et des fake news, d’autres aux injonctions de Marine Le Pen, d’autres encore se réclament clairement d’un fascisme militarisé (Vive le général de Villiers !) d’autres encore, se déclarent heureux d’avoir trouvé au rond point du coin une solution à leur solitude et leur mal-être. Qui niera la réalité de cette situation ? Qui peut faire l’impasse sur l’arrogance d’une président « trop intelligent » ( !) Qui peut se satisfaire d’un système global qui détruit la faune et la flore avant que l’espèce humaine elle-même soit menacée d’une disparition plus du tout impossible. 1789 fut le fruit d’un soulèvement global, parisien et provincial. De nos jours, l’école républicaine a façonné des citoyens éduqués, de plus en plus formés et informés à la vitesse de la lumière.

Le rapport aux élus change avec le temps. Les dernières élections présidentielle et législative ont connu une assez faible participation dû à un senti d’impuissance du politique apparemment sans influence sur la vie des gens. L’arrogance d’Emmanuel Macron n’a rien arrangé. Le mépris engendre l’humiliation, la révolte puis la violence. On en est là. Et 10 milliards d’euros (utiles certes) ne modifieront pas en profondeur des décennies de coupure entre la France d’en haut et celle d’en bas.

Faut-il en revenir à cette bonne vieille lutte des classes et des rapports de force ? Le grand débat de trois mois proposé par le pouvoir peut-il déboucher sur une gouvernance plus horizontale, moins jupitérienne ? Adepte de la démocratie participative, malgré ses échecs et sa chronophagie, je soutiendrai tout mouvement allant dans le sens d’un plus grand respect du citoyen dont il ne faut pas attendre de miracle.  Mais je suis comme Benoit Hamon, je ne comprends plus rien à un Jean-Luc Mélenchon dont Hamon dit qu’il a quitté les rives de la Gauche. Eric Drouet, qui fascine Mélenchon, a voté pour Marine Le Pen aux deux tours de la présidentielle ! Alors non, merci bien.

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