Vue partielle de Val-de-Reuil en I982. (photo Jean-Charles Houel). |
Je savais que M. Sébastien Lecornu, président du
conseil départemental n’était pas bon mais j’ignorais à quel point il pouvait être
mauvais. En décidant, sans vote du conseil réuni en séance plénière, de fermer
définitivement le collège Pierre Mendès France de Val-de-Reuil, M. Lecornu
commet une faute contre l’intelligence pour des raisons évidemment politiques
ce qu’il contestera sur la forme sans convaincre qui que ce soit.
Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil exprime,
ci-dessous, une colère bien légitime. Comment accepter la disparition d’un collège
du territoire de sa commune quand ce collège porte le nom d’un éminent homme d’Etat
originaire de l’Eure, qu’il s’inscrit pleinement dans la mémoire de la ville,
et joue évidemment un rôle essentiel au sein du réseau d’éducation prioritaire,
élément fondamental de l’ascenseur social.
J’ignore si les actions que ne vont pas manquer d’entreprendre
les élus de Val-de-Reuil mais également certains maires des communes concernées,
permettront de remettre les idées de M. Lecornu à l’endroit. Le fait est qu’ils
ne doivent pas être nombreux en France, les élus conduits à fermer des collèges
quand le bon sens voudrait qu’on les rénove s’ils ne sont plus adaptés. Peut-être
M. Destans, ancien président du conseil général, se mord-il les doigts pour
avoir trop tardé dans son programme de rénovation rolivalois. Décidément, Val-de-Reuil sera toujours dans le collimateur de la droite !
Le communiqué de Marc-Antoine Jamet :
« On n'ignorait pas depuis
son élection — et même avant — l’actuel conseil départemental fâché avec le
monde de l’éducation, de l’école, des études. La preuve en est administrée
puisque l’Eure, dirigée par la Droite, n’a eu de cesse, hélas, d’en diminuer les budgets comme elle s’en est
prise à ceux de tous les services publics locaux. On sentait la récente majorité
par nature, par conviction conservatrice, peu amie des professeurs, des
instituteurs et des maîtres. Il ne fallait pas être grand clerc pour le deviner.
Elle n’en compte quasiment aucun dans ses rangs. On mesurait, à chacun de ses
gestes, à chacun de ses mots, le divorce définitif qui existait entre le jeune
Président du CD27 et toute idée de pédagogie, de culture ou d’enseignement. Ressentiment
personnel ou obscurantisme idéologique, il ne voulait manifestement pas de cet
ascenseur social pour la République. L’extrême brutalité avec laquelle il s’en était
pris, dès l’aurore de son règne, comme s’il n’y avait pas d’autres priorités, aux
élèves désirant parfaire leur connaissance des langues par un séjour à l’étranger,
supprimant les bourses qui leur étaient destinées, en témoignait clairement. Pourtant,
cela ne lui a pas suffi pas.
M. Lecornu
vient avec la même violence de rayer de la carte scolaire plusieurs collèges de
l’Eure. Pierre Mendes France, à Val-de-Reuil, en fait malheureusement partie.
Devant cette décision purement arbitraire, puisque le crypto-maire de Vernon s’est
arrogé, sans la moindre légitimité pour le faire, un droit de vie ou de mort
sur des établissements que, selon son bon vouloir du moment, alternativement il
reconstruit ou démolit, deux étonnements d’abord. Le premier est éthique. On
veut espérer que ce n’est pas le nom d’un homme juste, efficace et intègre que
le nouveau monarque départemental a voulu effacer, que ce n’est que, par
ignorance, inadvertance ou désinvolture, bref involontairement, que, dans la
circonscription qui l’a tant aimé, il fait disparaître d’un claquement de doigt
énervé un symbole de l’intelligence et de grandeur de l’Eure. Cet exemple en
forme de contrepoint ne lui était quand même pas à ce point insoutenable ?
Le second est professionnel. On découvre, à cette occasion, les talents profondément
cachés et les savoir-faire parfaitement insoupçonnés de l’ancien/toujours
attaché parlementaire de M. Lemaire. Il s’enorgueillissait naguère d’être
gendarme de réserve. Le voici également devenu recteur par auto-proclamation et
par raccroc.
En effet, cette
décision sans doute improvisée un soir de banquet, sur le coin de table des
primaires de l’ex-UMP, n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni du terrain et
je pense avant tout aux directeurs des écoles qui dépendent du collège Pierre
Mendès France, ni des autorités académiques compétentes, rectorat et DASEN qui ont
appris le caprice de l’exécutif/exécutant départemental en lisant le journal,
ni des élus qui représentent au quotidien la population du territoire concerné
et dont l’avais a été méprisé. Pas une minute de concertation avec la communauté
éducative, les formateurs, les parents, les collégiens. Pas une seconde pour
prendre le conseil ou consulter ceux qui, à l’éducation nationale, sont en
charge de nos enfants. Un despotisme pas même éclairé. La méthode n’est pas
seulement détestable. Elle est nulle.
Quoi qu’il en
soit, après avoir juré, croix de bois, croix de fer, qu’il écouterait les
arguments du Maire de Val-de-Reuil avant de faire son siège, après avoir promis
d’attendre pour se déterminer les informations que lui donnerait le conseiller
départemental de Val-de-Reuil Jean-Jacques Coquelet, après que l’un de ses
directeurs généraux a affirmé, 24 heures seulement avant l’annonce de cette
suppression qu’elle n’était pas à l’ordre du jour, une courte lettre a suffi au
Jupiter ébroïcien pour accomplir son forfait. Il est vrai qu’il ne s’agit « que »
de la formation de nos enfants. Pourquoi perdrait-on du temps ? Pourquoi
prendre des gants ? Pédagogie, éducation prioritaire, réseau, soutien sont
des gros mots manifestement inconnus de la collectivité départementale et du vocabulaire
politique de son chef. Tout cela a donc été écarté d’une main molle et ennuyée.
Pour masquer sa
très grande légèreté, M. Lecornu évoque en vieux cheval de retour, malgré son âge
encore tendre, en politicien roué, malgré sa relative virginité élective, dans
un grand fourre-tout, censé camoufler son absence de jugeote, de jugement et de
justice, à la fois l’héritage de son prédécesseur qu’il met décidemment sans la
moindre élégance à toutes les sauces les plus nauséabondes, le danger que représente
les CES de type Pailleron que la déconstruction de Pierre Mendès France ne
rendra pourtant pas moins inflammables, un nombre trop faible d’élèves et la sécurité
du collège rolivalois. Ces deux derniers points méritent qu’on s’y arrête. « Qui veut noyer son chien dit qu’il a
la rage ». PMF n’était pas le seul à connaître de faibles effectifs,
mais il était, cas unique dans le département, entouré de 250 logements en
construction. Ajoutons que, depuis des lustres, on sait que de nombreux enfants
habitant les communes voisines parcourent à des horaires déments des centaines
de kilomètres en car chaque semaine simplement parce que la carte des
transports scolaires n’a pas été réajustée depuis la création de la Ville
Nouvelle. Autant de solutions pour l’avenir. Quant à l’ordre et la discipline,
il n’y avait aucun problème sur ce plan et avec mon équipe nous nous attachons
avec assez de volonté à les maintenir pour trouver déplacé qu’un élu d’un
territoire où la police nationale éprouve de lourdes difficultés m’en fasse la
remarque incongrue. Non tout cela n’est que coquecigrues et billevesées. Cette
décision reste irréfléchie, irresponsable, illogique et injuste.
— Elle est irréfléchie,
parce qu’elle a été décidée, comme l’ont été nombre d’actes du département depuis
deux ans, par un homme seul, sans expérience, sans évaluation, sans raison. Pas
le moindre débat dans l’hémicycle d’Evreux. Un flou certain entoure ce mauvais
coup. Que feront les écoles qui effectuaient un travail de proximité avec le
collège Pierre Mendès France ? Où scolarisera-t-on un élève qui ne pourra
plus l’être à Alphonse Allais, l’autre collège de la Ville ?
— Elle est
irresponsable parce qu’elle fait fi d’un réseau d’éducation prioritaire
performant (et des crédits qui vont avec), parce qu’elle ignore royalement que
cet établissement avait été fait premier collège numérique du département, parce
qu’elle méprise le travail des professeurs qui, au plus près d’élèves venant d’une
population souvent en situation de grande pauvreté, font un travail
remarquable.
— Elle est illogique
parce qu’elle crée sur la dalle que l’ANRU, financée par le département de Jean-Louis Destans, avait magnifiquement réhabilitée, au contact
de la Gare où se construit le développement immobilier de la Ville, une friche
administrative dont nul n’imagine le devenir. Avec un cynisme consommé, le président
du Conseil départemental propose même que ce soit sur l’enveloppe du Plan
National de Rénovation Urbaine de Nouvelle Génération, le PNRU2, que l’on
ponctionne les crédits nécessaires à une réaffectation de ces bâtiments, ce qui
signifierait moins de moyens pour réhabiliter le logement, moins de moyens pour
moderniser les services municipaux, moins de moyens pour améliorer les espaces
publics de Val-de-Reuil qui ont un besoin vital de cette ressource qui, loin d’être
une cagnotte, est dédiée à la correction des déséquilibres initiaux dont
souffre la Ville. Un élu qui connaîtrait l’Histoire ce cette partie de l’Eure
ne peut à ce point l’ignorer.
Non, à moins d’un
an de deux élections générales, cette décision est tout simplement injuste. C’est
un mauvais coup porté à la Ville la plus pauvre du département. On renoue avec
la vieille politique de droite qui avait conduit l’un des prédécesseurs de M. Lecornu, M. Collard,
à construire de quelques mètres ridicules le troisième collège de Val-de-Reuil
au Vaudreuil qui accueille donc en majorité des Rolivalois. C’est n’avoir
aucune idée de ce qu’est l’aménagement d’un territoire et comment on peut remédier
par le service public à ses inégalités. C’est n’avoir qu’une vision étroitement
comptable de l’école et ne pas comprendre qu’elle est un outil de promotion
pour ceux qui n’ont pas connu à la naissance la richesse d’un héritage. C’est
ne rien comprendre aux difficultés urbaines. C’est agir en gribouille et penser
en oiselet.
Parce que nous croyons en la nécessité d’une école forte et
vivante, nous refusons cette mesure arbitraire et nous nous opposerons par tous
les moyens à la fermeture du collège Pierre Mendès France. »
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