20 juin 2012

« Le barreau de Paris a un devoir de mémoire et une exigence de transmission »

Charles Libman. (photo JCH)
Charles Libman est un grand avocat. Il a défendu des victimes de renom ou des mis en cause d'affaires célèbres. Il est aussi celui qui permit de mieux connaître les crimes de Klaus Barbie ou les errements de Paul Touvier sans oublier les instructions concernant Jean Leguay ou le criminel de guerre Aloïs Brunner. Qui ne souvient du procès de Jean-Marc Deparrois dit  « affaire de la Josacine » ou celui de Christine Malèvre, accusée d'avoir écourté la vie de personnes condamnées par l'âge ou la maladie.
Formé au cabinet de René Fleuriot, Charles Libman est un homme passionné de la justice, constamment en recherche de la vérité et toujours en lutte contre le racisme et l'antisémitisme. N'oublions pas non plus qu'il fut un farouche opposant à la peine de mort, heureux de constater qu'un gouvernement et Robert Badinter, notamment, surent faire le bon choix quand la société, disait-on, n'était pas assez mûre.
Hier, au Palais de justice de Paris, dans la magnifique bibliothèque, en présence de Dominique Baudis, défenseur des Droits, et de hautes personnalités judiciaires, Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier de l'ordre des avocats, a reçu des mains de Charles Libman un document exceptionnel en sa possession depuis 1979 : la liste nominative des étudiants juifs admis à s'inscrire à la faculté de droit de Toulouse pendant l'année scolaire 1942-1943 dans le cadre du numérus clausus imposé par la loi du 21 juin 1941 limitant l'accès des étudiants juifs à l'enseignement supérieur.
Un pays, la France, un pays, le nôtre, s'est doté de loi excluant de la vie économique, professionnelle, culturelle, médicale…des Français uniquement parce qu'ils étaient de confession juive. Eux ou leurs parents ou leurs grands-parents. Un pays démocratique, républicain, passé sous la botte nazie, devenu un état autoritaire a autorisé des crimes contre des Français de tous âges, de toutes professions, parce qu'un vieillard cacochyme a voulu stigmatiser une catégorie singulière de notre société.
Compte tenu des temps qui courent, des sentiments xénophobes qui animent certains mouvements politiques, on ferait bien de tenir le plus grand compte de ce qui s'est passé entre 1940 et 1944 dans notre pays. Heureusement, il y a des Charles Libman pour réveiller les consciences ou éveiller celles des jeunes générations.
Christiane Féral-Schuhl a profité de l'hommage rendu à notre ami Charles Libman, habitant de la Croix Saint-Leufroy pendant de nombreuses années avec sa compagne Guylaine Guy, pour rappeler que les responsables de l'Ordre des avocats de 1941 ne dirent pas un seul mot contre les lois racistes, ne firent pas un seul geste pour protéger les 221 avocats radiés purement et simplement du barreau de Paris. Parmi eux nombreux furent ceux qui ont trouvé la mort dans les camps de déportation ou ont été fusillés pour faits de résistance.
Charles Libman, au soir de sa vie, a souhaité rendre hommage à tous ceux et toutes celles qui lui ont permis d'accomplir un parcours haut en valeurs « lui dont la famille fut victime des camps d'extermination, lui qui a expérimenté dans sa chair la haine et l'exclusion. Cette expérience, ce vécu, a souligné le bâtonnier, sont autant d'appels à témoigner, à lutter, à faire de sa vie un combat. »
Mme Christiane Féral-Schuhl se voit offrir par Charles Libman l'original de la liste des étudiants juifs frappés par le numérus clausus. Elle l'a remise ensuite au président de l'association du Mémorial de la Shoah. Cette association fait vivre la mémoire d'une période noire et triste de l'histoire de France. Afin que nul n'oublie. (photo Jean-Charles Houel)

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