31 décembre 2010

« Stéphane Hessel ou le charme rompu » par Reynald Harlaut

« Le personnage a quelque chose de fascinant. Son parcours de vie exemplaire d’abord, qui le mena très jeune homme à s’engager dans la résistance et à subir la déportation au cours de laquelle il échappera de peu à la mort à plusieurs reprises. Puis au sortir de la guerre, à être aux côtés de Jean Monnet, au moment de la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, en 1948, et à défendre les acquis du Conseil national de la Résistance. Et encore sa brillante carrière de diplomate et sa prise de position courageuse sur le conflit israélo-palestinien. Tout cela suffit évidemment à en faire un homme hors du commun. Son grand âge aujourd’hui enfin, qui lui conférait le rôle du sage parmi les sages. À 93 ans, Stéphane Hessel a conservé une merveilleuse jeunesse d’esprit, une lucidité et une capacité à s’indigner que nous lui envions.

Le succès de son petit ouvrage « Indignez-vous ! », dont se sont vendus à ce jour plus de 500.000 exemplaires, pour surprenant qu’il puisse paraître, montre à quel point les Français ont aujourd’hui besoin de référents solides, dans ce monde qui a perdu presque tous ses points de repères, où rien ne vaut plus rien, où l’on confond droite et gauche, où les chantres du libéralisme font l’éloge de la précarité. De consciences qui puissent les éclairer sur la permanence des valeurs qui fondent la démocratie et la citoyenneté et sont le ciment du pacte social et républicain.

Sur ce blog, nous avons dit encore il y a peu, notre admiration et notre respect pour cet homme. Mais voilà, le 29 décembre, en répondant aux questions des journalistes de Rue 89, Stéphane Hessel a rompu le charme.

Stéphane Hessel prend ouvertement parti pour une candidature de Martine Aubry à la prochaine présidentielle qu’il préfèrerait à Dominique Strauss-kahn, dont il dit cependant le plus grand bien. Stéphane Hessel défend la social-démocratie co-responsable avec la droite de la situation dans laquelle se trouvent les peuples des pays formant l’Union européenne. Stéphane Hessel défend sans réserve le gouvernement de Lionel Jospin en oubliant au passage que c’est ce gouvernement qui a traduit dans les lois nationales les directives européennes permettant aujourd’hui la privatisation du marché de l’énergie (gaz, électricité) la mise en concurrence, donc la privatisation progressive de La Poste et demain celle des transports ferroviaires, donc de la SNCF, toutes mesures d’essence libérale dont nous souffrons déjà chaque jour des conséquences.

Stéphane Hessel défend tout cela contre le projet d’un État plus fort, d’une planification écologique, d’un pôle bancaire public pour soutenir l’économie réelle et donc l’emploi, de services publics sans concession, idées d’un Jean-Luc Mélenchon qu’il range à l’extrême-gauche et écarte d’une phrase en le trouvant très sympathique.

Stéphane Hessel est sorti de son rôle de sage et de l’impartialité qu’il lui assurait. Il est descendu du podium sur lequel nous le placions pour être un simple partisan, parmi tant d’autres. Et en cela, il nous déçoit terriblement. D’homme de gauche qu’il était, indiscutablement, il est devenu en un jour un homme du Parti socialiste, ce qui est terriblement réducteur. Et décrédibilise la belle démarche qui était la sienne par les contradictions que ses derniers propos véhiculent. »

Reynald Harlaut
Parti de Gauche

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