13 juin 2010

Sarkozy fait pression sur le directeur du journal Le Monde

Après que j'ai vanté l'indépendance et l'esprit libre des journalistes du Canard enchaîné, je ne peux passer sous silence l'intervention de Nicolas Sarkozy dans la recapitalisation du groupe Le Monde. On apprend avec effroi que le directeur du Monde, Eric Fottorino, a été « convoqué » à l'Elysée pour entendre les doléances du Président de la République quant à la personnalité des financiers appelés à sauver le groupe du dépôt de bilan.

Nicolas Sarkozy, c'est de notoriété publique, est ami de Dassault, Lagardère, Bouygues, Bolloré, Minc, etc. tous propriétaires ou tireurs de ficelles dans la presse écrite et télévisée. Le président nomme directement le président du groupe des chaînes publiques ! Et Patrick de Carolis, qui n'a pas démérité, sait qu'il est assis sur un siège éjectable !

Sarkozy n'a pas fait venir M. Fottorino à l'Elysée pour lui parler de la pluie et du beau temps. Il l'a menacé de lui couper les vivres de l'Etat qui subventionne la presse d'information en difficulté financière depuis de longues années si le trio Pigasse-Bergé-Niel (de Gauche…) était choisi pour renforcer l'indépendance du groupe le Monde. C'est inconvenant, anti-démocratique, absolument ahurissant. Les journalistes de la SDR (société des rédacteurs) du journal ont protesté et comme leur vote sera décisif dans le choix final, je parierais gros pour que les désirs du président de la République chef de l'UMP ne deviennent pas des ordres.

On apprend incidemment que le président du groupe Orange dont l'Etat est actionnaire à hauteur de 26 % (comme par hasard) s'intéresse au groupe le Monde et que Claude Perdriel, PDG du Nouvel observateur se verrait bien dans une alliance…un peu téléphonée. J'ose espérer que les journalistes du Monde et leur président vont conserver leur calme, leur lucidité et leur liberté de choix.

Le journal Le Monde, à tort parfois, à raison souvent, est considéré comme un journal important dans le paysage de la presse écrite française. On ne peut nier son rôle ni dans le débat politique ni dans l'analyse globale des événements de France et du monde. Que Sarkozy ait le culot de mander Eric Fottorino pour lui faire la leçon devrait susciter bien des questions de la part de la représentation nationale. Je vais inviter François Loncle à interpeller le gouvernement sur un fait qui est loin d'être anodin.

La concentration de la presse écrite dans les mains de quelques groupes ainsi que les interventions du pouvoir politique actuel sont dangereuses. Elles se font au mépris du pluralisme mais également au mépris du sens critique des citoyens. Ils ont droit à une presse indépendante, libre et, s'il le faut un jour, libérée.

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