Le ministre de l'Intérieur vient de signer un nouveau décret autorisant les policiers municipaux à faire usage du Taser (1) ce pistolet si décrié. Une fois de plus, un membre du gouvernement utilise un fait divers et ses conséquences émotionnelles légitimes puisqu'une jeune policière municipale a été tuée, pour modifier les missions normalement assignées aux polices municipales.
On voit bien quels desseins se cachent derrière cette nouvelle réaction du chef de la police nationale et de la gendarmerie. Au fil des années, en effet, les missions des polices municipales ont évolué. A l'origine, ces policiers, sous les ordres du maire qui les emploie, devaient avant tout faire respecter les arrêtés municipaux de circulation et de stationnement. Ils veillaient également à patrouiller dans les quartiers pour se faire connaître et tenter de régler des litiges mineurs.
Désireux de baisser les dépenses, les gouvernements de droite ont supprimé de nombreux postes dans la police nationale, critiqué sévèrement la police de proximité, encouragé l'installation de la vidéosurveillance (qui peut servir après et pas avant !) et transféré de nouveaux pouvoirs (application du code de la route, agents de police judiciaire etc.) aux policiers municipaux payés par les contribuables locaux. Ce mouvement de transferts de pouvoirs régaliens est très inquiétant. Non pas qu'il faille suspecter les personnels de la police municipale mais sous les ordres d'élus de diverses opinions politiques, on peut malheureusement imaginer le pire (2) et maintenant qu'ils vont être équipés de Taser, craindre de graves incidents.
Les policiers municipaux demandent dans leur majorité à être armés. Si leurs missions deviennent des missions de maintien d'ordre public ou des missions d'enquêtes judiciaires dangereuses, on ne voit pas pourquoi on leur refuserait la protection dont bénéficient les policiers nationaux et les gendarmes. Dès lors, des problèmes se posent : celui de la formation par exemple, celui des salaires aussi, celui du déroulement des carrières. Et celui du transfert permanent des charges de l'Etat sur le dos des collectivités locales.
Derrière ce décret pris dans l'urgence et la précipitation, Brice Hortefeux s'oppose frontalement au Conseil d'Etat qui avait interdit l'usage du Taser par les policiers municipaux. Je ne doute pas que la haute instance administrative sera à nouveau saisie pour limiter l'extension de l'usage d'une arme qui a quelques bavures à son actif. En attendant, n'utilisons pas les polices municipales pour tenter d'arrêter des braqueurs fous dangereux.
(1) L’arme à impulsion Taser à décharges électroniques est une arme d’une portée maximale de 7,60 mètres qui propulse deux électrodes (à la vitesse de 50 mètres par seconde) reliées à un fil isolé. Au contact de sa cible, le pistolet Taser libère une onde de 2 milliampères pour 50 000 volts. Cette onde électrique bloque le système nerveux. Le pistolet envoie alors un signal appelé « ondes Taser », semblables à celles qu’utilise le cerveau pour commander le corps, qui bloque les signaux normaux des fibres nerveuses.
Bien que non létale cette arme aurait provoqué la mort de personnes atteintes par les décharges électriques.
(2) Un maire d'extrême-droite pourrait tout à fait faire de sa police municipale une milice idéologique.
2 commentaires:
C'est scandaleux, mais l'autorisation ne veut pas dire obligation d'utilisation, donc une police municipale peut très bien ne pas en faire usage.
Sylvia Mackert
Juste quelques interrogations :
1. Si la personne en face n'est pas armée mais agitée et même très agitée, pour ne pas dire violente, les agents municipaux n'utiliseront-ils pas de préférence leur PIE (Pistolet à impulsions électriques) à tout autre moyen pour la maîtriser ? Où sera alors la légitime défense car n'oubions pas que le Taser n'est pas une arme non létale mais à létalité réduite, donc une arme qui, par définition, peut tuer ? Dès lors, avant d'en équiper les agents de police municipale ne faudrait-il pas songer d'abord à améliorer en priorité leur formation dans le domaine du self-défense et des GTPI (Gestes et Techniques Professionnels en Intervention) ?
2. Si la personne est victime de plusieurs décharges électriques (comme cela a été déploré outre-Atlantique), n'y a-t-il pas alors une dérive vers une forme de torture légalisée ?
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