5 janvier 2019

Grand débat national : la démocratie participative doit respecter le dyptique « formation-information »


Les citoyens dans l'hôtel de ville de Louviers en 1977.©Jean-Charles Houel
Le Conseil économique, social et environnemental a lancé, à la fin de l’année passée, une consultation ouverte à tous et toutes afin de connaître les revendications des Français, qu’ils soient gilets jaunes ou sans gilets. Cet appel au peuple a été l’occasion d’une manipulation qui fait craindre les pires conclusions en cas de prise en compte (un jour ?) des pétitions sur Internet. Devinez quel sujet est jugé prioritaire par des internautes ayant répondu aux sollicitations du CESE ? Je vous le donne en mille : L’abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous. Alors que les gilets jaunes n’ont à aucun moment, remis en cause cette loi, on découvre avec effarement que cette loi progressiste, égalitaire, est toujours contestée par les divers mouvements radicaux liés à l’intégrisme catholique dont « la manif pour tous » qui n’est en réalité qu’une manif pour quelques uns. Les suppôts de la manif pour tous continuent d’occuper les réseaux sociaux d’où le résultat enregistré par le CESE.

Cela montre, tout simplement, qu’ouvrir le robinet des doléances, sans cadres, sans précautions légales, pourrait aboutir à l’adoption de textes issus de minorités agissantes susceptibles d’influencer et de dominer une majorité silencieuse ou indifférente. Il existe, historiquement, en France des mouvements ou partis dont l’agitprop est le principal mode d’intervention publique. Joindre l’agitation collective à la propagande individuelle, c’est une méthode que les communistes soviétiques ont longtemps utilisée avec la conclusion que l’on sait. Il en va ainsi dans tous les pays totalitaires et dans les démocratures à l’œuvre à l’est de l’Europe. 

Ayant, par ailleurs, participé pendant longtemps aux commissions extramunicipales créées à Louviers (Eure) dans les années soixante-dix et quatre-vingt, je puis affirmer que le premier souci des citoyens alors présents le situait devant leur porte. C’est un lieu commun de constater que les soucis individuels priment toujours l’intérêt général et qu’il y a fort à craindre que le grand débat national proposé par le président de la République soit plutôt un grand déballage de frustrations, de jalousies et de vengeances diverses. Accordons quand même aux organisateurs le bénéfice du doute mais si j’en juge par la constatation citée plus haut, n’attendons pas trop des trois mois à venir.

Le mieux serait que des sujets soient proposés, des volontés exprimées, le tout enveloppé d’une information complète comprenant les projets, leur financement, leurs conséquences sur notre vie quotidienne, sur l’environnement, afin que la consultation nationale débouche sur de véritables interrogations et réflexions. Il est du rôle de l’exécutif de proposer son programme et, éventuellement, de vérifier que les Français sont toujours branchés dessus. La démocratie a besoin de respiration…pas d’asphyxie violente ou sournoise.

4 janvier 2019

Eric Drouet affirme qu'il n'a pas voté Le Pen : Qui peut le croire ?

Décidément, monsieur Eric Drouet occupe la une de l’actualité. Mais si, comme il l’affirme, il n’a pas voté pour Marine Le Pen aux deux tours de la dernière élection présidentielle, j’ai compté parmi ceux qui ont propagé une fausse nouvelle et c’est éminemment regrettable. Rappelons en deux mots qui est M. Drouet. Avant de devenir un homme fascinant pour Jean-Luc Mélenchon, il a été l’un des initiateurs du mouvement des gilets jaunes en novembre dernier et surtout un porte parole d’une partie des protestataires n’hésitant pas au passage à relayer des thèses complotistes du genre : « le pacte de Marrakech » ouvre la voie à « une immigration massive en France. La France s’est vendue, etc.etc. » Eric Drouet est donc un gilet jaune d’un genre particulier.

Revenons sur son affirmation. Il assure ne pas avoir voté pour Marine Le Pen mais se dépêche d’ajouter : « Et même si j’avais voté pour elle, le problème n’est pas là. » Un psychanalyste serait très intéressé par cette phrase. Car elle ouvre la porte à toutes les interprétations et en particulier, elle nous permet de croire que M. Drouet a bien voté pour Mme Le Pen à la présidentielle. Ses postures, la matraque présente dans son sac lors d’une manifestation à Paris (il sera jugé pour ce fait en juin prochain) la proposition d’aller occuper l’Elysée…ses appels à manifester (sans déclaration ni autorisation) tout concourt à en faire un homme fascinant, en effet, mais pas pour les raisons qu’avance le chef de la France insoumise.

Certes, Eric Drouet bénéficie de la présomption d’innocence. Comme tout un chacun et c’est heureux. Mais il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Quand Jean-Luc Mélenchon exige des excuses de Benoit Hamon (1), il se fout de la G……du monde. La récupération politique est si voyante (à quelques mois des européennes) si indélicate, si méprisante (Mélenchon n’a que faire de M. Drouet) qu’elle le disqualifie pour parler au nom de la gauche. 

N’oublions pas que J.L. Mélenchon était mitterrandien, pas mendésiste. Il admirait dans l’ancien président de la République « socialiste » l’homme rusé, théâtral, littéraire, l’homme cultivé, tribun comme lui. Comment aurait-il pu se reconnaître dans l’ancien maire de Louviers, épris de vérité, de respect pour le citoyen, de dignité dans l’art de pratiquer la politique ? Autrement dit, je ne crois pas un mot de Drouet comme je ne crois pas un mot des lamentations de Mélenchon, un artiste du verbe qui finirait par nous faire croire ce qu’il dit.

(1) Benoit Hamon a été l'un des premiers à reprendre un texto de Jean-Michel Apathie qui affirmait qu'Eric Drouet avait voté Le Pen.

2 janvier 2019

Benoit Hamon ne comprend plus rien à Jean-Luc Mélenchon. Nous non plus.


Dans un texte publié sur son blog, dans un style dont il a le secret, (emphatique, coloré, imagé) Jean-Luc Mélenchon tresse une couronne de lauriers à Eric Drouet, le chauffeur–routier-gilet-jaune que le leader de la France insoumise compare au Drouet qui reconnut le roi Louis XVI en fuite à Varennes. Pour un admirateur de Robespierre, la comparaison était plus que tentante. Nul n’ignore plus depuis la fameuse perquisition que JLM, député, « est la nation » « la République » à lui tout seul. Le tribun de la France insoumise n’hésite donc devant aucune comparaison, aucun rapprochement, lui donnant l’occasion de sublimer les gilets jaunes, oubliant au passage que le monsieur Drouet qui, selon lui, possède tant de qualités est aussi celui qui, sur sa page Facebook, n’hésite pas à dénoncer « l’immigration massive » et à utiliser le mot racailles dans son acception la plus vile. Son penchant pour la droite extrême n’en est que plus évident.

Comme il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, reconnaissons que Jean-Luc Mélenchon n’a pas tort quand il dénonce une société injuste, un capitalisme rapace, des inégalités révoltantes. Il encourage donc les gilets jaunes à poursuivre leur mouvement de protestation, à l’amplifier même puisque 80 % de leurs propositions figureraient dans le programme de la France insoumise. J’ai le privilège (utilisons le JE comme Mélenchon) d’avoir une certaine expérience politique et d’avoir suivi la carrière d’un homme élu depuis longtemps, tantôt sénateur socialiste, tantôt secrétaire d’état de François Mitterrand, tantôt conseiller général, tantôt député européen et aujourd’hui, député de Marseille. Ces différents mandats électifs, acquis dans le cadre d’une démocratie représentative, ont donc permis à Jean-Luc Mélenchon de presque toujours vivre de la politique, cette tare qu’il reproche à tant d’autres qui, comme lui, n’ont connu que les bancs des assemblées si éloignés, selon lui, de la vraie vie.

Parmi les propositions des gilets jaunes, il en est une qui doit interpeller les démocrates. C’est celle du référendum d’initiative citoyenne dont j’ai déjà dit tous les défauts sur ce blog. Mélenchon approuve des deux mains cette proposition. Il l’a transforme même puisqu’il suggère l’adoption d’un référendum révocatoire dont la motivation principale serait simple comme bonjour : « Vous n’êtes pas content d’un élu, Virez-le ! » On dirait du Trump tout craché. Ce référendum révocatoire n’est pas né en France. Il existe dans un pays d’Amérique du Sud, le Venezuela, pour ne pas le nommer, où la démocratie est fort malmenée pour ne pas dire inexistante. Demandez aux Colombiens ce qu’ils pensent des files d’attente aux frontières de citoyens fuyant le chavisme et Maduro. Les remèdes seraient-ils pires que les maux ?

La grande Révolution française ne fut pas le résultat d’un mouvement de quelques milliers de personnes, respectables au demeurant. La Révolution a été animée et suscitée par le tiers Etat représentant une majorité de Français. Certains Gilets jaunes sont nourris au lait des réseaux sociaux et des fake news, d’autres aux injonctions de Marine Le Pen, d’autres encore se réclament clairement d’un fascisme militarisé (Vive le général de Villiers !) d’autres encore, se déclarent heureux d’avoir trouvé au rond point du coin une solution à leur solitude et leur mal-être. Qui niera la réalité de cette situation ? Qui peut faire l’impasse sur l’arrogance d’une président « trop intelligent » ( !) Qui peut se satisfaire d’un système global qui détruit la faune et la flore avant que l’espèce humaine elle-même soit menacée d’une disparition plus du tout impossible. 1789 fut le fruit d’un soulèvement global, parisien et provincial. De nos jours, l’école républicaine a façonné des citoyens éduqués, de plus en plus formés et informés à la vitesse de la lumière.

Le rapport aux élus change avec le temps. Les dernières élections présidentielle et législative ont connu une assez faible participation dû à un senti d’impuissance du politique apparemment sans influence sur la vie des gens. L’arrogance d’Emmanuel Macron n’a rien arrangé. Le mépris engendre l’humiliation, la révolte puis la violence. On en est là. Et 10 milliards d’euros (utiles certes) ne modifieront pas en profondeur des décennies de coupure entre la France d’en haut et celle d’en bas.

Faut-il en revenir à cette bonne vieille lutte des classes et des rapports de force ? Le grand débat de trois mois proposé par le pouvoir peut-il déboucher sur une gouvernance plus horizontale, moins jupitérienne ? Adepte de la démocratie participative, malgré ses échecs et sa chronophagie, je soutiendrai tout mouvement allant dans le sens d’un plus grand respect du citoyen dont il ne faut pas attendre de miracle.  Mais je suis comme Benoit Hamon, je ne comprends plus rien à un Jean-Luc Mélenchon dont Hamon dit qu’il a quitté les rives de la Gauche. Eric Drouet, qui fascine Mélenchon, a voté pour Marine Le Pen aux deux tours de la présidentielle ! Alors non, merci bien.