1 octobre 2022

La disparition de Suzanne Lipinska : une page noire sur le livre d'or du Moulin d'Andé

Suzanne Lipinska (à droite) lors d'un tournage au Moulin d'Andé en 1976

J’ai appris avec une énorme stupeur et une profonde tristesse le décès, hier dans l’hôpital où elle avait été admise en début de semaine, de Suzanne Lipinska, à l’âge de 94 ans. Le Moulin d’Andé et les nombreux amis qui soutiennent l’action de l’Association culturelle tournent ainsi une page bien noire de sa longue et belle histoire.

Suzon était à la fois le cœur et l’âme de ce lieu qu’elle avait façonné à son image : un phalanstère privilégié pour les artistes et les créateurs quels que soient leurs domaines d’épanouissement. La littérature et le cinéma, bien sûr. Mais aussi la musique, le théâtre, la sculpture, la fête aussi. Ce qui n’aurait pu être que pur divertissement est devenu au fil des décennies partage, générosité et profond humanisme, autant de ressorts de l’action de la belle meunière. Au fil des ans, le Moulin s’est, en effet, transformé, à la fois dans ses murs mais plus encore dans la diversité de ses actions au service des arts. La création du Centre des écritures cinématographiques fut sans doute l’une de ses plus belles réussites. La musique est ensuite devenue une ressource essentielle de la vitalité du Moulin avec des classes de perfectionnement, des concerts, la venue de solistes et d’ensembles de très haut niveau. Le festival Alexandre Paley s’est inscrit dans la durée et était un moment très attendu de la saison par les mélomanes et les amateurs de piano.

Facétieuse aussi…

Si on doit louer l’une des plus belles qualités de Suzanne Lipinska c’est sans doute cette ouverture au monde qu’elle avait choisie dès sa prime jeunesse. Elle ignorait les frontières, les barrières linguistiques, les statuts sociaux, elle méprisait les racistes de tout poil. Elle soutint autant qu’elle put les amis des peuples luttant contre les méfaits du colonialisme. Elle accueillit nombre d’exilés avec la complicité de celui qui devint son compagnon de route et de vie, l’écrivain Maurice Pons, dignement fêté lors du 60e anniversaire de la création de l’association au mois de juillet dernier.

La mort en juin 2016 de Maurice Pons a beaucoup affecté Suzanne Lipinska. Elle a constamment ressenti l’absence d’une personnalité aussi originale qu’exceptionnelle. Maurice était toujours là pour elle et pour le Moulin. Dominant son chagrin, Suzon a souhaité que la roue de ce dernier continue de tourner sous la houlette de l’un de ses petits-fils, Stanislas, qui devient de fait, son successeur à la tête de l’association et chef d’une entreprise alliant la culture et l’économie. Mais il n’est pas seul. Il sait pouvoir compter sur Christine l’une des filles de Suzon, Charlotte, l’une de ses petites-filles, sans oublier les autres membres de la famille et du conseil d’administration ainsi que les institutions publiques dont le soutien va s’avérer décisif.

Avec JP Rappeneau, Alain Cavalier et son petit-fis Stanislas lors du 60e anniversaire.

Il y a peu de temps, Suzanne Lipinska s’était vu remettre la croix d’officier de la Légion d’honneur par Sébastien Lecornu, ministre de la Défense. La cérémonie eut lieu en petit comité et ce fut là la dernière apparition publique de Suzon. Quant à moi, grâce à elle et son moulin, j’ai fait des rencontres d’une grande richesse intellectuelle donnant naissance à des amitiés solides. Car Suzon savait provoquer les rencontres, les faire s’épanouir, les enrichir. Pour le journaliste que j’étais le Moulin était « le lieu de tous les possibles », une formule qu’appréciait celle dont la présence irradiante va terriblement nous manquer.

A Anne, Christine, Stéphane, ses enfants, à ses petits-enfants, sa famille, ses proches, je souhaite témoigner toute ma sympathie et aussi toute mon amitié. Je ne doute pas qu’une cérémonie aura lieu un jour prochain, pour unir dans une même communion de pensée ceux et celles qui ont eu la chance de la connaître et de l’apprécier.

 

 

 

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