9 février 2020

« J'avais 10 ans et je ne savais pas où aller ». Larissa Cain raconte ses souvenirs du ghetto de Varsovie


Larissa Cain et Claude Cornu. ©JCH
La destruction des juifs d’Europe fut un des pires moments de l’histoire humaine. Jamais une politique, un gouvernement, une armée, une industrie, ne se mirent à ce point à l’unisson pour faire disparaître de notre continent des hommes, des femmes, des enfants de tous âges et de toutes conditions uniquement parce qu’ils étaient juifs.
Dès 1933 et la prise pouvoir d’Hitler en Allemagne, les juifs étaient en danger. Le livre écrit par Hitler « Mein Kampf »  dans les années vingt annonçait la douleur. L’ennemi juré serait le juif qu’il faudrait exterminer !
Larrisa Cain, invitée ce samedi par la société d’études diverses de Louviers, jeune juive du ghetto de Varsovie, demeure un témoin survivant de ces années noires. A l’occasion du 75e anniversaire de la libération des camps, Jean-Pierre Binay et Claude Cornu souhaitaient inscrire au calendrier un événement relatif à cette période. Ils ont été entendus puisque la salle Pierre Mendès France s’est avérée bien exiguë pour accueillir le public intéressé par le témoignage de Mme Cain. Un témoignage émouvant, parsemé d’anecdotes et de souvenirs encore très présents dans sa mémoire et écoutés dans un silence religieux par les dizaines de Lovériens (ou non) intéressés.
« J’avais 10 ans quand on m’a extrait du ghetto et je ne savais pas où aller. » Perte des parents, perte de repères, souffrances physiques (la faim) psychologiques, affectives, Larissa Cain raconte comment « la chance » qui l’a accompagnée a fait d’elle une femme debout, auteure de plusieurs livres. Comment elle a trouvé en la France sa nouvelle patrie, sa nouvelle langue et son nouvel avenir. Au passage elle aura été accueillie par des Polonais courageux risquant la mort pour oser abriter des juifs et des juives et devenus des « justes parmi les nations » avec leur nom inscrit sur le monument de Yad Vashem (1) en Israël. Grâce à Internet, une famille polonaise a même retrouvé la trace de Larissa Cain. Avec émotion, elle raconte comment, aujourd’hui encore, elle fréquente cette famille devenue « sa famille polonaise. »
Mon but n’est pas de revenir en détail sur l’histoire du ghetto de Varsovie. Sachons qu’il se composait de deux quartiers, peuplés de 400 000 personnes, où la faim, la terreur, la mort régnaient en maîtres. Ici comme ailleurs dans le gouvernement général (2), les Nazis voulaient faire disparaître toute trace de la race dite inférieure. En avril 1943, à la suite d’un patient travail de collecte et une organisation secrète, des armes sont entrées dans le ghetto permettant une insurrection — vouée à l’échec contre des forces bien supérieures — mais qui dura tout de même 27 jours et permit à quelques dizaines de combattants de fuir (par les égouts notamment) et de continuer le combat dans la résistance. L’autre insurrection à Varsovie eut lieu en août 1944. Elle fut l’œuvre de cette résistance polonaise qui crut, naïvement, à l’assistance de l’armée soviétique laquelle n’avança pas d’un mètre pour lui venir en aide.
Bien des questions ont été posées à Mme Larissa Cain. Elle y répondit méthodiquement faisant de cette conférence un moment privilégié pour celles et ceux qui ont eu le bonheur de partager cet intense moment d’une mémoire dont on souhaite que la flamme brûle encore très longtemps.
(1)  Mémorial vivant du peuple juif en souvenir de la Shoah, Yad Vashem œuvre à préserver la mémoire du passé et à lui donner un sens pour les générations à venir.
(2)  La Pologne a été divisée en trois dès 1939. La partie orientale pour les soviétiques, la partie occidentale pour les Allemands, la partie centrale étant appelée Gouvernement général de Pologne (en allemand : Generalgouvernement Polen, Generalna Gubernia pour les Polonais) une entité administrative mise en place sur une partie du territoire, contrôlée – mais non incorporée – par le Troisième Reich selon le décret signé par Hitler le 12 octobre 1939.

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