10 juin 2018

L'hommage de François Loncle à Maurice Séveno, disparu récemment…


Avant d'être député, François Loncle était journaliste à la télévision. Il a présenté le journal télévisé à maintes reprises et a donc côtoyé tous les journalistes de ce qui était la première chaîne voire la chaîne unique pendant longtemps. Il devint l'ami de Maurice Séveno et leur vie fut souvent une aventure partagée. Voici pourquoi Stanislas, le fils de Maurice Séveno, a demandé à François Loncle de dire quelques mots lors de la cérémonie d'obsèques organisée à la semaine dernière Paris en présence de la famille et de nombreux amis.
« Sous le ciel bleu et le soleil de Normandie, dans le paisible cimetière de Trouville, face à la mer, nous avons samedi matin, la famille et quelques amis, dispersé comme on dit les cendres de Maurice Séveno, notre Maurice, Momo comme l'appelaient Dominique  Merlin, Adolphe Drhey et ses bons copains. Maurice était devenu en quelque sorte partout et nulle part, mais nous savions tous et vous tous ici qu'il est désormais dans nos cœurs pour toujours.
Après 93 ans d'une belle et pleine vie, mais huit années d'effacement douloureux pour lui et tous ceux qui l'aimaient, un grand journaliste, un authentique personnage, un homme épatant nous a quittés....Quel rayonnement, quelle carrière, quelle aventure que le parcours de Maurice Séveno ! On ne peut pas tout raconter bien sûr, mais tout de même...
Au sortir d'actes de Résistance dans le Tarn où il combat et s'évade, Maurice entre à la radio (RDF) en 1944. Il y rejoint Pierre Sabbagh, Claude Darget, Jacques Sallebert, Raymond Marcillac et d'autres qui le côtoient dans la célébrité. Puis c'est la télé, rue Cognacq Jay. En 1949, il participe au premier journal télévisé  (vu par moins de 1000 téléspectateurs) avec Pierre Tchernia, Pierre Dumayet, Georges Sabbagh et une poignée de futures vedettes de ce qu'on appelait alors le petit écran.
Mais Maurice ne s'éternise pas. Au delà de la télé, il y a la vie, la liberté à laquelle il tenait tant.  Il devient attaché de presse du Lido, compose des chansons avec Boris Vian, travaille aux cotés d'Eddy Barclay, puis retourne à la radio (France Inter, Europe numéro 1, Radio Luxembourg) , avant de retrouver la télévision, où avec Léon Zitrone, Georges De Caunes, Jean Lanzi, il devient présentateur vedette du journal de 20h00.
Le 22 Novembre 1963, à 20 heures précise, on lui apporte une dépêche au moment même  ou il ouvre le journal comme présentateur unique. Une ligne: Attentat contre Kennedy.  En moins d'une demie heure c'est une incroyable dramatique qui se joue et que Maurice Seveno maitrise parfaitement.  20h29 :  le Président Kennedy est mort.
C'est la belle époque de la télé, celle d'autres grands journalistes, François de Closets, Frédéric Pottecher, Emmanuel de La Taille, Mario Beunat et tant d'autres, celle aussi du service des sports avec Roger Couderc, Thierry Roland, Robert Chapatte, François Janin, Michel Drucker.....Ce sont aussi les magazines d'infos auxquels  Maurice participe comme grand reporter: Ecouter Voir, 5 Colonnes à La Une, avec Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet et Igor Barrère, puis Panorama.
C'est précisément la censure exercée par le gouvernement le 10 Mai 1968 à l'encontre d'une séquence de Panorama devant relater la révolte étudiante qui déclenche la longue grève de l'ORTF du 21 Mai au 19 Juillet. Incroyable mouvement civique, comme le qualifie justement François de Closets, qui aboutira à une vraie libération des ondes, un an plus tard grâce au Premier ministre Jacques Chaban Delmas, puis en 1981 avec les lois Fillioud que j'ai eu l'honneur de voter. Mais tout cela au prix du licenciement de 102 journalistes de la radio et de la télévision.
Maurice, président de l'Union des Journalistes de Télévision, a eu un rôle majeur dans ce combat à la fois cruel et victorieux. Exclu de l'ORTF, Maurice travaille alors à Télé Monte Carlo puis RTL,  écrit des livres ( Télé Mon Aventure, La Vie Traversée). Il joue au cinéma grâce à François Truffaut (notamment dans le superbe film "La Nuit Américaine") et Claude Lellouch. Il crée ensuite la structure audiovisuelle du Parti Socialiste UNITELEDIS avec Jean Pierre Locatelli . Il conseille François Mitterrand lors des campagnes présidentielles de 1974 et 1981, siège au conseil municipal de Trouville et réintègre la télévision pour deux années sur France 3. Il entre à mon cabinet du Ministère de La Ville et du Plan en 1992.
Maurice Séveno était fier et heureux d'avoir été fait et décoré Chevalier de La Légion d' Honneur par le Président François Mitterrand à l'Elysée. Puis la vie continue, ses passions, ses loisirs (les courses hippiques, le vélo) et ultime bonheur, la naissance de ses petits enfants....Je terminerai par une invitation, un conseil, regardez sur internet un document INA  (lien ci joint)
http://www.ina.fr/video/I00004312/pierre-tchernia-presente-l-equipe-du-journal-televise-de-1949-video.html
extrait d'une émission réalisée en 1971,  en public et en direct, où Pierre Tchernia célèbre l'anniversaire du premier  journal télévisé de 1949...on y voit Maurice ovationné. Cher Maurice je ne veux pas oublier une chose : nous avons beaucoup, énormément ri avec toi. »
François Loncle

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