19 juin 2018

Les « Ecrits de résistance » du « Français libre » Pierre Mendès France à la Fondation Jean Jaurès


PMF et le général De Gaulle à Louviers.
Quelle bonne idée d’avoir fait éditer les « Ecrits de résistance » de Pierre Mendès France. On y découvre plusieurs visages du grand homme. Le combattant rageur, courageux, animé d’une forme d’héroïsme nécessaire, le mari dont l’épouse et les enfants ne sont plus vus depuis plusieurs années, le politique, le « parlementaire » insatiable imaginant la France des années d’après-guerre. Les mois passés au sein du groupe Lorraine, les bombardements effectués sur la France afin de limiter les effets et la durée de la présence allemande ont permis à Pierre Mendès France de retrouver son honneur et sa dignité bafoués par le jugement inique de la justice de Vichy. « Français libre » — comme Romain Gary — PMF sous l’uniforme a retrouvé l’estime de lui-même et la confiance du général De Gaulle, lequel l’a d’ailleurs contraint de le suivre à Alger pour entrer au sein du gouvernement provisoire de la République.
Pour évoquer ces « Ecrits de Résistance », Vincent Duclert, de la Fondation Jean Jaurès avait invité en ce 18 juin — une date précieuse — les petits fils ou fils d’hommes de la France Libre mus par une émotion palpable et des historien(ne)s dont les propos brefs mais ciselés vous projettent dans le monde intellectuel sensible.
Michel Crémieux, Jean-Pierre Worms et Miguel Brossolette Franco se sont souvenus de leur jeunesse, quand parents et grands-parents narraient les récits et les actions de leurs fils dont la vie ne tenait qu’à un fil. Pierre Brossolette se défenestra pour échapper à la gestapo et ses tortures, Jean Worms fut pendu par les Nazis à Flossenburg comme agent des services secrets britanniques, seul Jean-Louis Crémieux-Brilhac put rentrer en France sain et sauf à la Libération, son seul regret étant de ne pas avoir participé les armes à la main au rétablissement de la République et de l’indépendance de la France.  
Miguel Brossolette Franco, JP. Worms, Michel Crémieux et Vincent Duclert (de g à dr).©Jean-charles Houel
Les trois historiens invités : Anne Simonin, Stéphane Audoin-Rouzeau et Alain Chatriot, tous professeur(e)s éminents, au CNRS, à Sciences Po Paris ou encore à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales. Chacun(e) dans leur style aussi subtil que documenté ont commenté ces écrits de résistance. Ce qui domine : l’urgence ! L’urgence de combattre, l’urgence de vivre et de survivre, l’urgence de témoigner, pour soi-même et pour les autres. Leur découverte du personnage Mendès France, notamment avec ses carnets de guerre, les a surpris. Cet homme, droit comme un I, eut même l’obsession morale de réduire à néant (en attendant le jugement de cassation qui le maintint comme déserteur !) par le droit, pour le droit, cette atteinte à sa personne qu’il considérait comme un tout : patriote, juif, franc-maçon, homme de gauche, de progrès, parlementaire, aimé des Lovériens (qui le trahirent pourtant en 1958) dont la ville fut presque survolée par le groupe Lorraine…Il faut lire cette page dans laquelle le navigateur PMF, à bord de son bombardier, suggère « sa maison des Monts, ses arbres, son jardin » qu’il pourrait presqu’apercevoir.
Je vous invite, toutes affaires cessantes à vous procurer ces « Ecrits de résistance ». Ils font honneur à l’homme PMF dans toute sa complexité, ses contradictions mais aussi sa sublime solitude quand il lui faudra, plus tard, par exemple affronter des adversaires résolus, souvent antisémites, et qu’il se séparera du général De Gaulle qu’il avait pourtant tant admiré. Pour lui le 13 mai 1958 était un sale coup. Un coup d’Etat.
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