Le style de Jean-Luc
Mélenchon, c’est ce qui fait son succès d’ailleurs, est franc, brutal, non critiquable…de
son point de vue. Sur son blog, récemment, il a appelé à la « haine » générale
contre les médias qu’ils jugent inféodés au pouvoir de l’argent — ce qui n’est
pas tout à fait faux — et soumis
au pouvoir politique, ce qui n’est pas démontré. Le mot haine est un mot fort. Quand
un homme politique aussi intelligent que lui l’emploie, c’est qu’il a une
stratégie : valider une théorie complotiste à vocation populiste. Le président des insoumis,
très chatouilleux en matière de vocabulaire, ne l’a évidemment pas choisi au
hasard. Il s’agit pour lui de constituer des bataillons de militants, le
couteau entre les dents, prêts à agresser tout ce qui bouge dans le monde de la
presse. Mais la haine est plus du ressort des tripes que de la raison. La
haine, c’est le carburant du pauvre. C’est un sentiment négatif, défensif, un
aveu d’impuissance. La haine c’est aussi la colère des faibles.
Que Jean-Luc Mélenchon se
sente « isolé » dans le monde des médias est une évidence. Il se sent traqué,
attaqué, diffamé. Comment pourrait-il en être autrement quand un leader
politique important (3e à la présidentielle !) vous abreuve
d’insultes caricaturales ! Pour avoir porté sur lui, un temps, un regard
bienveillant, mon opposition à son égard est devenue aussi tenace que réfléchie.
Au fil des années, j’ai vu avec quel mépris, quelle condescendance, quelle
arrogance ils traitaient tous ceux et toutes celles qui ont vocation d’informer
pour le meilleur souvent et pour le pire parfois. Jeunes, vieux, hommes,
femmes, service public, chaînes privées, personne ne trouve grâce aux yeux de
Mélenchon, guidé qu’il est par son seul discours, raidi par sa personnalité «
exceptionnelle », animé par sa seule vérité. Au point même que son entourage
est devenu une phalange d’admirateurs béats, copiant les tics du maître,
reprenant les mots du gourou, nourrissant le flot de la subjectivité
anti-médias. Dans ce domaine Alexis Corbière (qu’on voit sur tous les
plateaux pourtant) mérite la palme d’or.
Face à ce mur d’hostilité, Jean-Luc
Mélenchon croyait avoir trouvé la parade. En suscitant la création d’un « média
» (1) forcément différent, forcément militant, animé par des proches ou des
supporteurs, il pensait sortir enfin de la pensée « unique » et atténuer les
effets du soi disant Mélenchon-bashing. Il imaginait trouver parmi les millions
de Français qui ont voté pour lui en mai dernier un public attentif. Mais,
patatras, on apprend que des dissensions internes à la rédaction, des
comportements autoritaristes, des prises de position étranges (sur la Syrie
notamment) mettent à mal l’apparente unanimité des journalistes invités à la
fête.
Noël Mamère a quitté le
navire très tôt. Des personnalités, peu suspectes d’être des agents du pouvoir
actuel, retirent leur soutien. Gérard Miller, la cheville-ouvrière du projet, a
du mal à se dépêtrer des contradictions mises au jour. Autrement dit, informer
n’est pas une sinécure. Il ne suffit pas de rassembler quelques amis (même
compétents) pour devenir crédibles. Il ne suffit pas de créer un média pour
qu’il devienne fréquentable. Bien des partis — dont le PS — ont cru que
disposer de son propre outil d’information pourrait suffire à faire oublier le
bruit de fond. Avec le temps, on sait que c’est peine perdue. Mélenchon est en
train de l’apprendre à ses dépens.
(1) Ce média nouveau genre a
même trouvé le moyen d’annoncer que le candidat insoumis de la législative
partielle de Guyane faisait la course largement en tête cette nuit. En réalité,
il finit second à 8 % derrière le candidat sortant de la République en Marche
favori du second tour. Méfions-nous des « vérités » provisoires et des fake
news.
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