Libérer la parole raciste c’est
comme ouvrir les vannes d’un barrage. Vous ne retiendrez plus l’eau tout comme
vous ne freinerez plus les pires outrances verbales. C’est bien pourquoi si on
a fustigé pendant des années le verbe décomplexé d’un Jean-Marie Le Pen (à
nouveau condamné ces derniers jours) on devrait adopter la même attitude à l’égard
de Nicolas Sarkozy et son entourage. Tous ceux — les personnages publics en
particulier — qui ne se contrôlent pas (ou mal), qui choisissent d’opposer plutôt
qu’apaiser, qui pratiquent la politique du pire, ne méritent pas la confiance
des électeurs(trices). Sarkozy est de ceux-là.
Le restaurateur qui, hier en
région parisienne, a littéralement agressé deux femmes voilées (le voile n’est
pourtant pas interdit) les sommant de débarrasser le plancher de son établissement
(1) a évidemment été inspiré, j’allais écrire autorisé, par le contexte général
et surtout par les propos de politiciens imprudents ou cyniques.
Réfléchissons deux minutes. Daech,
l’Etat islamique, cherche à tout prix à opposer les différentes religions et à
semer la pagaille au sein des démocraties occidentales, symboles aux yeux des
fanatiques, du mal absolu et du pourrissement des idées et des mœurs. Selon la doctrine de l'EI
les femmes et leurs corps surtout, appartiennent aux hommes et celles-ci
doivent leur être soumises. En occident et en France, en particulier, la
situation de la femme a changé dans la société. Même si c’est assez récent, les
femmes ont conquis des droits qui eussent paru invraisemblables au début du 20e
siècle. Hier donc. Non seulement elles votent mais en plus, elles disposent
librement de leur corps et maîtrisent leur fécondité.
Que des femmes musulmanes vivant en France ne
soient pas prêtes, pour des raisons choisies ou imposées (eh oui la culture !)
à adopter le style de vie occidental ne doit pas être condamné par les lois si
leur pratique ne porte aucun préjudice à autrui et ne nuit pas à l'ordre public. C’est ce que le Conseil d’Etat
a redit avec pertinence dans son ordonnance visant à suspendre l’application
des arrêtés pris par les maires contre le port du burkini mais pas seulement.
Manuel Valls a tort, lui aussi, de remettre du charbon dans la chaudière en
assurant que le débat n’est pas épuisé avec la décision de la haute autorité
administrative. Le gouvernement ne légifèrera pas, soit, cela ne dispense pas
le chef du gouvernement — comme le fait bien Bernard Cazeneuve — de rester
raisonnable et pédagogue. Evitons donc de servir la soupe à Daech, d’alimenter
la machine à rumeurs et de lancer des anathèmes. Laissons cela aux fanatiques.
(1) « Les terroristes sont
des musulmans, les musulmans sont des terroristes » a-t-il crié
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