M. François Loncle interroge M. le ministre de l’Economie et
des Finances sur l’augmentation des saisies d’argent aux frontières. Un récent fait
divers extravagant a alerté l’opinion publique sur la recrudescence des transferts
illégaux à l’étranger de grosses sommes en liquide. Juste avant d’embarquer
dans le Thalys pour Bruxelles, un sémillant quadragénaire est interpellé, le 31
juillet dernier, par la douane qui lui demande ce qu’il transporte dans son sac ;
il répond qu’il n’a « rien à déclarer ». Inspectant son bagage, les
douaniers y découvrent des enveloppes contenant 350 000 euros – exactement
3 190 billets de 100 euros, 32 billets de 500 euros, 100 billets de 50
euros et 50 de 200 euros – et 40 000 dollars en coupures de 100, soit un
poids total de 3,8 kg. Non seulement il n’est pas en mesure de produire la déclaration
obligatoire pour tout transfert égal ou supérieur à 10 000 euros, mais en
plus il ne peut s’identifier, car il a oublié ses papiers. Or, il s’avère que
cet étourdi n’est autre qu’un ancien conseiller diplomatique d’un ancien président
de la République. Cette double négligence laisse supposer que, dans ce cas, la
fuite des capitaux est plus à craindre que la fuite des cerveaux, d’autant que
cet amateur de montres clinquantes était déjà responsable de maintes bévues. En
tant que représentant de notre pays en Irak de 2009 à 2011, il s’était illustré,
en proclamant que ce pays, ravagé par la guerre, les attentats et les conflits
confessionnels, était, à la fois, « un laboratoire de la démocratie arabe »
et « le marché du siècle » évalué à 600 milliards de dollars. Il
manifestait donc très tôt une appétence particulière pour les activités
lucratives. WikiLeaks a révélé que les diplomates américains en poste à Bagdad
se gaussaient de son « ignorance » et de ses « erreurs »,
alors qu’il se vantait de ses solides connaissances en arabe.
Toujours aussi
sagace, il s’échinait à défendre le colonel Kadhafi qu’il a connu lors de l’affaire
des infirmières bulgares. Il est vrai que le dictateur libyen l’appelait « mon fils », car
il le faisait rire en imitant l’accent berbère. Se référant à Kadhafi, ce
diplomate compréhensif estimait qu’« on fait tous des erreurs et on a tous
droit au rachat ». On peut se demander si ce « rachat » n’est
pas estimé à 350 000 euros et 40 000 dollars. Nommé ensuite
ambassadeur dans la Tunisie en pleine révolution, il multiplie les maladresses.
Ce fougueux play-boy, qui aimait se faire photographier en maillot de bain ou
en smoking à la James Bond, réussit l’exploit de s’attirer, en quelques jours,
l’hostilité de la population tunisienne, au point que les dirigeants de ce pays
refusent d’être vus en sa compagnie.
Adoptant la devise bergsonienne, il prétend
« agir en homme de pensée et penser en homme d’action » - d’action
boursière, probablement. Ayant quitté le service diplomatique, il n’abandonne
pas pour autant les juteuses affaires étrangères puisqu’il se reconvertit dans
le consulting international et part s’installer, comme d’autres aventuriers
fiscaux, en Belgique. Il confie alors, à un grand hebdomadaire qui pèse ses
mots, qu’ « il faut gagner de l’argent maintenant ; c’est le moment
ou jamais ». Il semble y déployer une énergie ardente, n’hésitant pas à « enterrer »
une mallette remplie de billets de banque près de sa cave. Aux douaniers qui l’interpellent
à Paris, il fournit des explications obscures, tout en confessant ne pas avoir été
« à l’aise avec cet argent ». Il indique que cette grosse somme
provient de ses occupations actuelles avec des entrepreneurs irakiens qu’il
aurait connus quand il était ambassadeur, ce qui laisse quelque peu pantois. L’infraction
au code des douanes commise par cet ancien haut fonctionnaire français illustre
la forte augmentation des saisies d’argent liquide non déclaré puisque les
douanes ont intercepté 103 millions d’euros au cours du premier trimestre 2013,
soit un accroissement de 518% par rapport à la même période de l’année précédente.
Il s’agit surtout de l’argent dissimulé pour des raisons fiscales.
M. François Loncle demande au ministre de l’Economie et des
Finances de lui préciser les mesures qu’il compte prendre pour lutter encore
plus efficacement contre l’évasion fiscale qui porte gravement préjudice à l’économie
nationale. Concernant l’affaire rocambolesque de cet ex-ambassadeur, il
voudrait savoir, d’une part, si les résultats de l’enquête menée actuellement
par le service de police judiciaire de la douane seront rendus publics, d’autre
part, si l’origine et la destination des fonds ont pu être clairement établies.
François LONCLE
député de l'Eure
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