29 mars 2011

« Cessez le matraquage fiscal, dites la vérité aux Lovériens »


 J'ai décidé de publier le texte complet, même s'il est un peu long, de la déclaration faite par Christian Renoncourt au nom du groupe d'opposition PS-PC-DG lors de la réunion du conseil municipal de Louviers, hier soir. Le maire y voit un effet de loupe quand nous, nous y voyons surtout la mise en cause d'une situation financière «fiable» sur le plan de la régularité des comptes (c'est bien le moins) mais très risquée pour le contribuable lovérien. Surtout, le niveau d'endettement demeure considérable. Le maire a pourtant annoncé une reprise de sa politique d'investissement. Une façon d'aller dans le mur en klaxonnant ?

Christian Renoncourt (photo JCH)
« Le rapport d’observations sur la gestion de la commune par la Chambre régionale des comptes au cours de la période 2003-2008 nous rappelle que c’est cette gestion-là qui nous a conduits à émettre différents signaux d’alerte que vous n’avez pas entendus et poussé l’adjoint aux finances qu’était notre ami Michel Doucet à affirmer à plusieurs reprises que cette gestion nous conduisait droit dans le mur.
Ce rapport m’oblige à détailler les remarques et critiques des rapporteurs de la Chambre régionale et donc à ausculter les pratiques mises en œuvre dont nous nous sommes désolidarisés à l’été 2007.
Je ne m’attarderai pas sur les différentes erreurs ou mauvaises inscriptions liées à la non application stricte des textes. Ce qui nous semble plus grave, toutefois, c’est le manque de rigueur déploré par la Chambre et une forme de laxisme ne permettant pas de connaître les réels objectifs de la municipalité et donc les moyens de les atteindre. Ce rapport met en avant des approximations notamment en matière d’animation et de communication et s’agissant de ce chapitre, je me permettrai d’utiliser le terme de dissimulation. On sait tous ici l’énergie que vous déployez pour que ces dépenses soient noyées dans la masse afin d’éviter un chiffrage précis, ce que la Chambre vous reproche. J’espère que vous en tiendrez compte pour présenter vos futurs documents budgétaires.
Situation stabilisée sans s'être améliorée
Avant d’examiner les remarques des rapporteurs, une indication générale : vous avez chargé les investissements en début de mandat puis vous vous êtes essoufflé en seconde partie face à la charge de la dette et à l’incapacité d’autofinancer certains projets. Qu’écrit la Chambre : « La situation financière de la commune depuis 2003 s’est stabilisée sans s’être notablement améliorée. Les indicateurs tels que la capacité d’autofinancement et le ratio de désendettement se sont légèrement dégradés et méritent une surveillance attentive. »
Durant la campagne électorale de 2008, nous avons vu votre programme mirifique mais il n’était que miroir aux alouettes. Vous saviez ne pas pouvoir l’engager faute de pouvoir le financer, exception faite de quelques urgences comme l’école de musique ou l’église Notre-Dame qui menace ruine. Les Lovériens vous ont réélus sur la base d’un contrat léonin. La seule façon pour vous de vous sortir du pétrin est aujourd’hui de faire payer vos plans par la CASE. Qu’il s’agisse de mutualisation de charges et de personnels ou de programmes d’investissements comme la maison de l’emploi ou la nouvelle piscine.

Imputations erronées ou imprécises
En 2004 lors du précédent rapport de la Chambre régionale, la situation financière de la ville n’était pas considérée comme alarmante mais elle manquait de stabilité pour reprendre les mots des rapporteurs. Comme manque de clarté les dépenses de communication et d’animation dont, je cite : « les imputations budgétaires erronées ou imprécises altèrent la pertinence de l’analyse que l’on peut faire sur ces comptes. » Depuis des années, nous demandons une transparence sur ces chapitres. Nous ne l’obtenons toujours pas. Les rapporteurs de la Chambre, plus qualifiés que nous, non plus. L’avenir nous dira si vous allez changer.
J’en viens à une constatation plus grave. La Chambre régionale vous reproche clairement de ne pas avoir demandé le surclassement démographique lié au quartier Maison Rouge classe en Zone urbaine sensible. « La non application de ces dispositions prive la commune d’une majoration sensible de sa dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale. » Comment avez-vous pu commettre une pareille bévue ? Alors que vous imposez lourdement les Lovériens depuis 2009, vous privez le budget de recettes de l’Etat par ignorance ou incompétence. C’est tragique. Je sais que vous trouverez des excuses ici ou là pour justifier ce choix mais la réalité des chiffres demeure têtue.

Pas attendre de miracles des impôts
La Chambre régionale indique qu’il ne faut pas attendre de miracles des impôts. Malgré un taux supérieur à la moyenne de la strate, le potentiel fiscal lovérien est relativement faible. Avec un taux supérieur de dix points (vous avez bien entendu,  10 points) supérieur au taux moyen, le produit fiscal du foncier bâti par habitant est de 247 euros contre 230 euros pour le produit moyen. Ce qui veut dire que les Lovériens ne sont pas riches. Qu’il est indécent de leur taper dessus tous les ans alors que la crise économique, encore plus dure aujourd’hui qu’elle ne l’était pour la période considérée, affaiblit leurs moyens d’existence.

La ville est bien malade
L’autofinancement ? Un autofinancement correct est un signe de bonne santé. La ville de Louviers est bien malade : je cite « Sur la période considérée, la capacité d’autofinancement brut, en diminution a été insuffisante pour faire face aux annuités d’emprunts. Le remboursement du capital n’a donc été rendu possible que par la mobilisation des recettes propres de la section d’investissement. » Cela traduit une situation déséquilibrée budgétairement et financièrement. La mobilisation des emprunts a dépassé le montant des dépenses d’équipement. Je cite : « ce sont les subventions et l’emprunt qui ont financé l’équipement de la ville ». Je retiendrai un chiffre : Le montant de la dette par habitant à Louviers est de 1899 euros contre 951 pour la moyenne des communes de même strate. S’il est un domaine où nous sommes les champions, c’est bien dans celui de l’endettement. Conclusion de la chambre régionale : « ce montant demeure trop élevé au regard de la faiblesse de l’autofinancement dégagé. » Autrement dit nous vivons au-dessus de nos moyens. Nous l’affirmons depuis longtemps. Quand nous le disions, vous nous toisiez, quand ce sont les rapporteurs de la Chambre des comptes qui l’affirment, vous ne pouvez qu’encaisser.
La Chambre en vient à examiner les risques financiers extérieurs au seul budget principal. Elle énumère les activités du CCAS et la Villa Calderon… je cite : « les engagements pris par le CCAS pourraient à l’avenir conduire la commune à augmenter sa subvention annuelle ». Je passe rapidement sur la Caisse des écoles et la régie des deux airelles même si la Chambre déplore que la rentabilité du service ne se soit pas améliorée.

Le Kolysé ou Le Colisée ?
Plus intéressantes sont les remarques de la Chambre régionale sur la gestion du Kolysé. Cet équipement dont vous n’êtes pas le promoteur idéologique pèse très lourd sur la gestion de la ville. De ces remarques, je retiens : la multiplicité des actions financières ou sportives pour sauver l’équipement, le report à 2013 de la réalisation du nouveau pôle salle polyvalente — mais se fera-t-il jamais ? — l’abandon du plan visant à associer la CASE et le département dans le fonctionnement de cet équipement unique dans l’Eure. C’était pourtant la seule manière de donner un avenir à la patinoire. Cela ne devrait pas vous empêcher de régulariser la situation juridique de la SEM puisque les capitaux publics dépassent le maximum admis soit plus de 85 %.
Les associations. Vous avez raison d’aider les associations et de leur attribuer des subventions annuelles. La Chambre souhaite que vous précisiez toutes les prestations fournies en plus de cet argent afin qu’elle soient valorisées dans les comptes des associations et dans le budget communal. Il serait bon, en effet, de mesurer l’aide financière et technique réelle de la ville en faveur des associations afin de comparer ce qu’elles font et ce qu’elles reçoivent du budget de la ville tous chapitres confondus.
Concernant le cinéma Forum, il semble bien que le montant de l’aide de la ville soit largement supérieur au versement de la seule subvention compte tenu des prestations en nature fournies par la ville.
L’organisation et le contrôle de gestion. Vous vous vantez souvent d’être le premier en ceci, le meilleur en cela. La chambre régionale des comptes regrette pourtant l’absence de programmation pluriannuelle pourtant imposée par la loi. Elle déplore que la présentation faite par la ville mélange charges de fonctionnement et d’investissement et n’apporte aucun élément d’information sur l’équilibre budgétaire réel. Allez-vous modifier votre présentation prochaine pour tenir compte de cette exigence ? La Chambre régionale insiste sur un autre point : Elle déplore l’absence du suivi de contrôle de gestion et d’un suivi patrimonial qu’elle juge même défaillant.

Identification impossible
Plus drôlatique mais pas anecdotique votre présentation des autorisations de programmes et des crédits de paiements. Je cite : « La ville a modifié la présentation. Les AP et CP sont regroupés autour de verbes symboliques : accompagne, bouge, construit, dialogique, entreprend, alors que le numéro de chaque opération permettant de consulter son exécution dans le compte administratif disparaît, rendant ainsi son identification impossible ! » On vous savait poète, parfois lyrique, souvent cynique, mais là, les rapporteurs en sont restés baba. Ils écrivent : « La lisibilité et le suivi de chaque opération ont été donc été beaucoup plus difficiles, la modification ne permet plus d’avoir une vision claire des exécutions d’opérations. »
La conclusion que j’en tire est la suivante : voilà des spécialistes des finances communales qui ne s’y retrouvent pas. Comment voulez-vous que des élus, des citoyens s’y retrouvent mieux ? Quel est votre objectif en noyant le poisson ? Comment pouvez-vous exiger de nous une compétence et une rigueur que vous ne vous appliquez pas à vous-même ? Enfin, si les rapporteurs de la Chambre régionale n’y voient pas clair, comment pouvez-vous être crédités d’un souci de transparence si les citoyens sont eux, totalement aveuglés ?
S’agissant du personnel, je note une baisse sensible des effectifs passés de 408 temps plein en 2006 à 354 en janvier 2009 ? Où sont passés ces agents ?

Un agent à la carrière fulgurante
Je vais m’attarder un peu sur le cas d’un agent contractuel, à l’époque, dont la carrière peut être qualifiée de fulgurante ! Sans doute les qualités de cet agent sont elles exceptionnelles ? Sans doute cet ami proche vous est-il indispensable pour accomplir certaines tâches mais les rapporteurs de la Chambre n’y retrouvent pas leurs petits.
Ils consacrent une page entière de leur rapport à décrire comment cet agent est passé, en huit ans, du cadre d’emploi des rédacteurs territoriaux à celle d’attaché principal avec la rémunération correspondante sans passer le moindre concours. Du moins est-ce ce que la Chambre régionale affirme. Elle évoque l’emploi d’artifices pour que cet agent bénéficie d’un salaire pour le moins solide puisque majoré de diverses indemnités et non menacé d’écrêtement. 

Pas de réelles marges de manœuvre
Il existe d’énormes marges de progression dans tous les domaines de la gestion que vous conduisez. Dans la transparence, dans la rigueur, dans la méthode, d’énormes changements peuvent, doivent intervenir. Depuis 2009, les Lovériens sont soumis chaque année à  une augmentation des impôts pour solder des dépenses irréfléchies et des engagements hasardeux, ce que la Chambre appelle avec euphémisme « le lancement de divers projets sans réelle marge de manœuvre financière ».
Cette marge de manoeuvre, vous n’en disposez toujours pas. Alors, je vous le demande, cessez le matraquage fiscal, dites la vérité aux Lovériens, ouvrez les livres de comptes et n’aggravez pas, si c’est possible, leur situation. »

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