30 décembre 2019

« J'aime pas Proust », première conférence de la SED le 16 janvier prochain


La première conférence de la SED de Louviers aura lieu le jeudi 16 janvier, à 18 h 30, dans la salle du Moulin, rue des Anciens combattants d’Afrique du Nord. La SED organise, en partenariat avec l’Université populaire, la projection du film documentaire de Christian Clères consacré à l’écrivain Marcel Proust, J’aime pas Proust. La projection se déroulera en présence du réalisateur et sera suivie d’un débat avec la participation (sous réserve) de Philippe Delerm.
Encore aujourd’hui, Marcel Proust (1871-1922), est l’un des écrivains les plus vénérés au monde. Il symbolise à lui seul la littérature française. Mais voilà : à cause de ses phrases si longues, de ses descriptions interminables, de ses digressions incessantes, bon nombre de ses lecteurs n’ont jamais pu dépasser le premier chapitre de n’importe lequel de ses livres. Dans ce film passionnant, le réalisateur Christian Clères, qui, dit-il, n’aime pas Proust, cherche à comprendre pourquoi, cent ans après son Prix Goncourt, Marcel Proust est toujours autant admiré et pourquoi il faudrait, à notre époque web 2.0, prendre le temps de lire ou de relire les 3 000 pages d’À la recherche du temps perdu.
Le film, nous n’en doutons pas, intéressera ceux qui ont déjà lu Proust comme ceux qui ont toujours redouté d’aborder son oeuvre. Nous connaissons d’ailleurs le talent de Christian Clères : il est également l’auteur du film Michel Bussi et le roman populaire, que la SED et l’Université populaire avaient projeté dans la salle du Moulin en avril 2018.

Tout n'est pas permis. Gabriel Matzneff aurait dû le savoir. Il était grand temps de l'apostropher !


Gabriel Matzneff. DR
Gabriel Matzneff, écrivain et intellectuel français distingué, a connu son heure de gloire dans les années 70-80. Il s’est particulièrement illustré lors d’une émission littéraire de Bernard Pivot (Apostrophes) où il était présent pour défendre l’un de ses livres vantant la pédophilie…Denise Bombardier, une écrivaine canadienne invitée lors de la même émission, contesta l'œuvre et les actes de Matzneff. Elle n’eut droit qu’au mépris de ceux qui voyaient en Matzneff le comble de l’élégance et de la jouissance. Philippe Sollers, son éditeur de l’époque, lé défendit bec et ongle rejetant les arguments d’une société dite ouverte où la morale n’avait pas toute sa place. Seule « le talent » pouvait justifier de tels égarements. Ils présentaient même la pédophilie comme une pratique émancipatrice pour l’enfant, et donc révolutionnaire parce qu’elle remettait en question l’ordre social bourgeois, fondé sur la famille notamment. 
Il est vrai que mai 1968 avait transformé les rapports entre les sexes et au sein des sexes. La société embourgeoisée avait cadenassé les sentiments et les rapports entre individus de telle sorte que la liberté de « jouir sans entrave » figurait en tête des revendications d’une jeunesse économiquement — c’est toujours vrai — et sexuellement opprimée. Fallait-il pour autant en tirer la conclusion que tout était permis et que rien ne valait plus rien ? Certains virent en mai 68 une forme de nihilisme faisant fi de toute morale et de toute barrière. C’était un point de vue minoritaire. Matzneff s’est engouffré dans la brèche pour assouvir des penchants que rien n’autorisait alors ni n’autorise aujourd’hui. Surtout quand le prédateur s’en prenait à des jeunes adolescentes ou adolescents. Même en faisant des efforts, il est impossible de tolérer les comportements déviants d’une homme de 50 ans à l’égard d’une fillette ou d’un garçonnet de 14 ans. Cela peut faire joli dans un roman. Dans la vraie vie, il s’agit d’un viol des corps et des consciences. Bernard Pivot a récemment affirmé qu’on ne peut juger le passé en 1970 à l’aune de 2019. Sans justifier le moins du monde le comportement de Gabriel Matzneff, Il a tout de même admis que ces années-là nous faisaient vivre dans un autre monde que le monde actuel plus répressif et moins relatif. Les mouvements tels que mee-too montrent pourtant que les femmes ont décidé, justement, de ne plus accepter les vieilles règles non écrites qui faisaient d’elles des objets ou des témoins passifs. Depuis deux ans, la parole des femmes se libère, elle inonde le monde d’une révolte encore à ses débuts. Bien des hommes ont compris cette nécessité. Malgré les résistances, liées à l’histoire, l’éducation, le conformisme, chaque jour qui passe nous enseigne que le consentement, donné dans des conditions d’âge et de raison fixées par la loi, demeure un garde fou essentiel contre les fantasmes des pédophiles et des désirs pervers d’adultes abusifs.

15 décembre 2019

Philippe Brun dans les pas de Pierre Mendès France ? Réussira-t-il l'union de la gauche à Louviers ?


Philippe Brun n'est pas seul. ©Jean-Charles Houel
L’article que j’ai consacré à la réunion organisée par la liste « Changer Louviers » a suscité réactions et commentaires. Je m’y attendais car on ne peut comparer impunément un homme comme Pierre Mendès France et un jeune homme politiquement en devenir en la personne de Philippe Brun. PMF fut une conscience de la gauche française mais surtout un homme à la rectitude exemplaire et  il n’est pas surprenant que Nicolas Sarkozy, hier et Edouard Philippe très récemment, l’ait associé plus ou moins directement à leur attitude publique. Que des hommes de droite se réclament de PMF peut paraître surprenant. S’ils le font c’est qu’ils misent sur l'image d'un homme exceptionnel car la vérité fut son chemin et le calendrier sa contrainte. Mais n’est pas PMF qui veut.

PMF possédait une intelligence rayonnante, une puissance intellectuelle hors du commun et surtout, comme acteur de notre vie politique, il excellait dans l’analyse des situations et dans les choix nécessaires en découlant. Le tout guidé par le souci « du progrès et du bien public » ainsi que l’affirmait l’ancien maire de Louviers. Axelle Lemaire, en dressant le portrait de Philippe Brun, semble croire à des ressemblances et surtout semble le croire avec sincérité, ce qui, dans le monde politique actuel (mais pas seulement) est notable. En me donnant rendez-vous en 2035 pour apprécier le déroulement de « carrière » de Philippe Brun, elle fixe un point d’arrivée optimiste. J’aurais préféré quelques points d’étapes car en 2035 j’aurais atteint (si je vis encore) un âge avancé et j’espère que mon jugement sera encore conscient. Philippe Brun sera, lui, dans la force de l’âge et peut-être aura-t-il abandonné sa profession de juge administratif pour exercer sa passion : la défense de l’intérêt général.

Tout cela est très hypothétique. Les chemins de la démocratie, locale ou plus largement, sont semés d’embûches. L’obstacle principal, heureusement d’ailleurs, s’appelle le suffrage universel. Nul ne peut s’en exonérer. Nul ne peut y échapper. Pour qu’une personnalité politique « réussisse » il faut à un moment ou à un autre que sa conduite personnelle, ses propositions collectives, ses qualités humaines ou son charisme si l’on veut, soient en adéquation avec les revendications et les besoins des citoyens. S’agissant du programme de Philippe Brun et de ses amis (car il n’est pas seul) son caractère novateur est évident. Aura-t-il de l’écho dans la population ? Sa campagne de porte à porte, ses réunions publiques…tout dépendra de sa capacité à faire passer son message. La présence à ses côtés d’Ingrid Levavasseur, de Lovériens de tous âges et de toutes extractions sociales, devrait lui permettre de faire face à une campagne électorale très ouverte. Pourra-t-il réussir l’union de la gauche ? Parviendra-t-il à trouver les failles de la majorité sortante ? Sans attendre 2035, nous serons fixés le 22 mars 2020…

14 décembre 2019

Pour Axelle Lemaire, ancienne ministre, Philippe Brun sera le Mendès France de demain…


Philippe Brun, Ingrid Levavasseur et Axelle Lemaire. ©JCH
Gonflée ! Quand Axelle Lemaire, ancienne députée et ministre, après une présentation élogieuse voire dithyrambique de Philippe Brun, a conclu son portrait en comparant sa personne, son engagement et ses convictions à ceux de Pierre Mendès France, j’ai osé susurrer : « C’est gonflé. » Finalement, moi qui suis membre de l’Institut Mendès France, acquis à la personne et à l’histoire du grand homme de Louviers, je finis par me demander si elle n’a pas raison. Agé de 28 ans (1) ce déjà « jeune-ancien » de la politique semble en effet posséder toutes les qualités d’un leader à l’écoute, qualités qu’il souhaite mettre au service de l’intérêt général puisque tel serait son destin.

Au cours de la rencontre d’hier soir, tenue dans la salle des colonnes, celle-là même qui connut dans les années trente les premières réunions publiques de l’ancien maire de Louviers, j’ai découvert un Philippe Brun affûté, travailleur, n’hésitant pas à bousculer les dogmes et les us d’une gauche dont l’issue nationale demeure inconnue. Il s’agissait pour la tête de liste de « changer Louviers » d’avancer ses propositions en matière d’emplois et de commerce, le tout sous la contrainte exigeante du « durable ». Là est toute la force des propositions novatrices de la liste « Changer Louviers ». Car il ne s’agit plus seulement pour elle d’accompagner le quotidien mais de le transformer en tenant compte des réalités locales pas toujours positives puisque le taux de pauvreté à Louviers dépasse les 20 % et que 60 cases commerciales du centre-ville…sont vides.
Le PMF de demain ?

Après les témoignages de colistiers artisans ou commerçants constatant les changements d’habitudes des chalands locaux, Philippe Brun déplore que les artisans, les PME-PMI souffrent. Ils souffrent « d’une concurrence mondialisée, d’une pression fiscale locale élevée et d’une perte d’attractivité. » Il faut dire que les zones commerciales de Tourville et d’Evreux saignent à blanc notre région et ses commerces. Qu’en sera-t-il quand le village des marques de Douains aura ouvert ses portes et contre lequel les élus locaux ne se sont pas battus avec toute l’ardeur nécessaire ?
Face à ces dangers Il faut une vision. Défendre le commerce de proximité, voilà l’un des remèdes à la morosité. La puissance publique (ville et agglomération) peut beaucoup. Par la commande publique, justement, les élus doivent privilégier les ressources locales et favoriser les entreprises soucieuses de leur impact environnemental et social. Les orateurs — car Philippe Brun n’est pas seul — ont beaucoup insisté sur le durable. Les échanges de savoirs, le recyclage des matériaux, sans oublier le bio, maître mot des écologistes présents sur la liste « Changer Louviers » à l’image d’Alexis Fraisse, veilleur de bonnes pratiques.

Les lecteurs de ce blog liront ci-contre le programme synthétisé rendu public hier soir. Quand ils apprendront sur une question de Nathalie Bellevin, que la liste conduite par Philippe Brun et Ingrid Levavasseur est évidemment ouverte au dialogue avec les autres listes de gauche, que si l’union ne se fait pas avant le 15 mars, tout sera possible le 16, quand ils sauront, sur question de Sophie Ozanne, que la rencontre avec le réel nécessite concessions et compromis en refusant tout enfermement idéologique, quand ils auront compris que le monde change et le monde local aussi, ils liront avec un autre regard et une autre approche électorale les propositions d’une liste déjà bien ancrée dans le paysage lovérien.

Certes, et la présence hier soir de Diego Ortega (2) l’attestait, il reste une campagne à mener. Les choses sérieuses démarreront dans les premiers jours de janvier. La qualité des programmes et la force de conviction des listes de gauche ne seront pas de trop face à une équipe sortante pas moins motivée et non encore atteinte par la lassitude du pouvoir. Après, les rapports de force joueront leur rôle.

(1)  Axelle Lemaire connaît Philippe Brun depuis qu’il a 19 ans. Elle le considère comme son mentor. Un homme inventif, fort en droit, qui l’a accompagnée dans son ministère et l’a soutenue…même dans la tempête.
(2)  Diego Ortega sera la tête de liste de « Louviers ensemble demain », une liste située à gauche et ouverte elle aussi à l’union.
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11 décembre 2019

Faire et défaire c'est toujours travailler. A Louviers sur la place Thorel aussi.


Faire et défaire c’est toujours travailler. Les salariés des sociétés engagées dans les travaux de la place Thorel en savent quelque chose depuis que des observateurs attentifs et des travailleurs eux-mêmes se sont rendu compte que le rayon de braquage des poids lourds et des bus s’avérait bien trop court pour leur gabarit sur cette place circulaire. Ainsi, il a été décidé récemment de modifier des travaux déjà réalisés en élargissant d’un mètre cinquante — par endroits — la chaussée autour du rond central.
Au delà de la dépense supplémentaire qui demeurera marginale eu égard au coût total des travaux, on se demande comment des responsables de bureaux d’études techniques ont pu se tromper à ce point. Il suffit de fréquenter les places et carrefours de notre ville pour constater que d’une manière générale les techniciens ont une vision un peu trop étroite de l’espace. C’est le cas, par exemple, au carrefour de la Villette (près du barrage) où les poids lourds avec remorques sont systématiquement contraints de rouler sur les trottoirs !

10 décembre 2019

Les collectivités territoriales de gauche attendent une nouvelle loi de décentralisation


(photo Jean-Charles Houel)
Les relations entre Emmanuel Macron et les élus locaux sont placées, depuis son élection, sous le signe du paradoxe. Après deux années horribilis pendant lesquelles le président a ignoré les élus de terrain, il a mis un peu d’eau dans son vin et semble aujourd’hui plus à l’écoute des maires et des présidents de départements et de régions. Comme ces associations sont présidées par des opposants déclarés du président, (MM. Baroin, Bussereau et Muselier, notamment, tous de droite) la suspicion est permanente. Elle l’est d’autant plus qu’après les années Hollande avec son lot d’atteintes à la liberté et l'autonomie des collectivités, Emmanuel Macron a lui aussi paru décidé à passer outre les avis et les volontés des élus locaux.
Hier soir, à Rouen, les sénateurs socialistes et républicains tenaient leur 6e réunion régionale destinée à présenter les doléances des territoires à l’égard du pouvoir central lesquelles feront l’objet d’un livre blanc édité avec la participation de la Fondation Jean Jaurès dont on dit qu’elle est proche des socialistes. Qu’elle soit à gauche c’est bien le moins mais que ce think thank soit identifié au PS ne correspond pas à la réalité.
Toujours est-il que la salle de réunion rouennaise de la Halle aux toiles a accueilli des élus locaux et des militants représentants les citoyens trop souvent oubliés afin qu’ils nourrissent le débat et permettent à Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat et Didier Marie, sénateur de Seine-Maritime d’assurer les remontées. Nicolas Bouillant représentait la fondation Jean Jaurès où il anime le pôle innovations locales.
Que retenir de cette soirée ? Que les élus s’estiment suffisamment murs et expérimentés pour affronter une nouvelle phase de décentralisation tant il est vrai que la subsidiarité (1) si elle joue au niveau européen devrait également être appliquée dans les régions et les départements. Le problème ? Il est résumé en un mot : l’Etat central ne veut rien lâcher ! Il faudrait sans doute un nouveau Gaston Deferre au gouvernement pour oser remettre en cause la recentralisation et la reconcentration à l’œuvre…
Didier Marie a très bien expliqué pourquoi la suppression de la taxe d’habitation, si elle réjouit les classes moyennes, n’apporte pas de pouvoir d’achat aux plus pauvres qui ne paient ni l’impôt sur le revenu ni les taxes locales. De fait l’Etat reprend la main et rien ne prouve que, demain, la taxe foncière et ce qui a remplacé la taxe professionnelle ne seront pas appelées à disparaître également. Où sera la liberté des collectivités locales si elles ne peuvent plus agir fiscalement ? Chacun admet que les bases locatives datant des années 70 sont inadaptées et injustes. Le gouvernement a promis une révision en…2026 ! Autre souci des sénateurs : le statut de l’élu. C’est l’arlésienne. En parler toujours, le faire jamais !
Un élu d’une commune maritime a évoqué le fonctionnement des EPCI, métropoles,  agglomérations, communautés de communes. Ce fut l’occasion pour Yvon Robert, maire de Rouen, de déplorer une fois encore le trop grand nombre de collectivités dans ce pays : « Tout le monde veut s’occuper de tout » c’est très Français, n’est-ce pas ? Toujours est il que le citoyen connaît bien son maire mais ignore le plus souvent qui  dirige l’agglomération et quelles sont les compétences de cet outil. Faut-il une élection au suffrage universel des élus représentants les communes ? Mais alors à quoi serviront les maires ? Les élections aux EPCI deviendront des élections politisées sans qu’il soit possible de fonctionner au consensus comme aujourd’hui. Ou du moins jusqu’aujourd’hui. Tout prouve, au contraire, qu’au lendemain des municipales, de nouvelles règles devront être adoptées…pour éviter les choix plus politiques qu’économiques constatés ici ou là dans certains territoires. Là encore, il faudrait s’adresser à la sagesse des hommes plus qu’à leurs émotions. Vaste programme surtout si l’on songe que François Baroin, ministre des finances en 2010, appelait les collectivités locales à économiser 11 milliards d’euros, les mêmes euros qu’il exige du gouvernement actuel dans ses fonctions de président de l’association des maires de France. Quelle contradiction et quelle hypocrisie !
(1) Tout échelon supérieur s'interdit de réaliser lui-même ce qu'un échelon inférieur pourrait faire. Il s'agit d'une délégation à l'envers par rapport au système où le président déléguait ses pouvoirs à la base.

9 décembre 2019

La condamnation de Jean-Luc Mélenchon à trois mois de prison avec sursis sanctionne son manque de sang froid


Le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny condamnant Jean-Luc Mélenchon à trois mois de prison avec sursis et quelques milliers d’euros d’amende peut satisfaire le chef de la France Insoumise. Si une peine d’inéligibilité avait été requise et acquise, il ne fait aucun doute que le tribun de LFI aurait eu du mouron à se faire. Ceux qui ont vu les images de JLM lors de la perquisition du siège de son parti et qui l’ont entendu éructé contre les policiers et les magistrats du parquet sont encore sous le coup de l’étonnement.
Comment cet homme de courage politique, habituellement respectueux des règles et des lois, a-t-il pu se laisser dominer par une colère non jouée devant la France entière alors même que les investigations des magistrats n’avaient d’autre fin que de déterminer si les assistants parlementaires de LFI au parlement de Strasbourg font bien leur travail et ne sont pas payés par l’Europe pour des tâches relevant des activités partisanes. Contrairement à ce qu’il a souvent affirmé, Jean-Luc Mélenchon n’est pas l’objet d’un règlement de comptes personnel. Il a beau invoqué une vengeance des socialistes, je crains fort que le député de Marseille se soit fourvoyé. C’est si vrai que Marine Le Pen et François Bayrou (dont le parti — le MODEM — est membre de la coalition au pouvoir) sont eux-mêmes mis en examen pour les mêmes raisons et que des perquisitions ont eu lieu chez les uns et les autres.
Jean-Luc Mélenchon a le droit de protester contre cette mise en examen et contre les actes judiciaires liés à cette situation. Il n’a pas le droit d’empêcher la justice de faire son travail en application du code procédure pénale. En France, personne n’est au-dessus des lois et seuls les complotistes peuvent imaginer (comme Fillon par exemple) qu’il existe des cabinets noirs ! On n’est plus au 19e siècle ! J’imagine que JLM va faire appel de cette condamnation en espérant une relaxe. S’il ne le faisait pas il serait sous la menace d’une récidive (peu probable) très inquiétante car alors la peine de prison deviendrait ferme en cas de seconde condamnation !
Le plus important est ailleurs. Le mauvais résultat de la France insoumise lors des élections européennes est (en partie) dû à l’attitude de Jean-Luc Mélenchon lors de cet épisode judiciaire. Les Français ont jugé que le 3e de la présidentielle n’avait pas les qualités de sang froid et de retenue indispensables à la pratique de la fonction la plus haute. Le bruit et la fureur s’accommodent mal de la démocratie représentative.

8 décembre 2019

Axelle Lemaire à Louviers le 13 décembre aux côtés de Philippe Brun


Il suffisait de se promener sur le marché de Louviers, samedi, pour comprendre que la campagne électorale des municipales à Louviers est bel et bien partie. Les équipes aptes à la victoire étaient présentes, bien sûr, non parce qu’elles croient en la vertu cardinale de la distribution de tracts mais parce qu’il faut assurer une notoriété acquise ou en devenir.
François-Xavier Priollaud, maire, entouré d’Anne Terlez et de M. Wuilque, en a profité pour regretter quelques « fake news » (comme on dit dans le jargon des anglicismes courants) narrées par ses adversaires et justifier ses vives répliques que j’ai qualifiées d’agressives. Diego Ortega distribuait avec ses amis le tome 2 de ses propositions qui, je dois le dire, me semblent très détaillées et consacrées à l’emploi, le commerce, l’attractivité du centre-ville où chacun craint la réalisation du village des marques de Douains. Ce village créera une concurrence évidemment sensible à l’égard des centres commerciaux d’Evreux, Vernon, Louviers dont certains élus ont fait montre de timidité pour empêcher la réalisation de cette zone de chalandise attractive. Diego Ortega, confiant, annonce la parution d’un tome 3 de ses propositions consacrées à la santé, le logement, le patrimoine et les finances. FX Priollaud ne cache pas que la baisse des impôts, même microscopique, qu’il a engagée, est de nature à soutenir avantageusement la comparaison avec les gestions passées. Il n’empêche que les taux d’imposition à Louviers demeurent toujours élevés par rapport à la moyenne des villes de cette strate.

Je n’ai pas vu Philippe Brun. Il devait préparer la réunion qu’il proposera ce vendredi 13 décembre dans la salle des colonnes des jardins de l’Hôtel de ville puisqu’il y a invité Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d’Etat au numérique, démontrant la volonté de son équipe d’inscrire les techniques modernes dans ses priorités. Philippe Brun à l’intention d’expliquer comment joindre l’utile (le commerce) l’indispensable (le développement durable) et la solidarité (la lutte contre la pauvreté).

J’invite, enfin, les différents leaders des listes sérieuses à nous faire part de leurs propositions pour que les citoyens de la communauté d’agglomération comprennent mieux comment fonctionne son exécutif et surtout comment les habitants peuvent être mieux associés aux décisions qui les concernent.

6 décembre 2019

Les élections municipales à Louviers : le feuilleton qui s'ouvre prendra fin le 20 mars 2020. Cinq ou six listes en présence ?


Toute période électorale suscite son lot de bilans, de promesses, de projets. Comme Louviers est la ville que je préfère (non par chauvinisme mais par la qualité de vie que j’y ai construite) je m’attacherai, dans les semaines et les mois qui viennent à commenter — c’est le privilège des retraités du militantisme actif — la vie politique locale.

Louviers, ne l’oublions pas, a été la ville de Pierre Mendès France, d’une part, et d’Ernest Martin et Henri Fromentin, d’autre part. Chacun, à sa manière, a marqué notre ville d’une empreinte indélébile l’un en faisant du jardin de la maison des Monts la dernière pièce du puzzle de sa vie (1) et les deux autres en mettant en place des services publics fondés sur les besoins des classes populaires bien avant que les gilets jaunes ne réclament dignité et reconnaissance. Chacun se souvient des ateliers d’expression libre, de la culture pour tous et des transports accessibles par tous sans oublier les services de la famille avec ses modes de garde d’enfants révolutionnaires pour l’époque. Ces exemples n’ont évidemment rien d’exhaustif.

En 2014, Franck Martin, maire sortant, après s’être inspiré de l’action de son père lors de son premier mandat, a été battu à la fois pour des raisons de politique nationale (une vague anti gauche et anti socialiste) et de stratégie locale, Anne Terlez et Jacky Bidault apportant à François-Xavier Priollaud, leur position centrale sur l’échiquier politique local. Je passe sur certaines erreurs mais qui n’en fait pas ? Louviers, malgré son passé ouvrier, n’est pas (plus ?) une ville de gauche à l’image de la France d’ailleurs. Pour que la gauche y triomphe ou marque des points, il a fallu des personnalités exceptionnelles (PMF, Ernest Martin…) ou de graves erreurs des gestionnaires de droite (les impôts augmentés sensiblement pour Rémy Montagne en 1971 ou les Témoins de Jéhovah pour Odile Proust en 1995). Les municipales de 2020 se présentent plus ouvertes. C’est si vrai qu’on devrait compter cinq, voire six, listes en lice le 15 mars : la liste du maire sortant, une liste RN, trois listes de gauche et, peut-être une liste LREM…

Le paysage local
Quel est donc le paysage local à plus de trois mois du premier tour des élections municipales ? FX Priollaud se représente à la tête d’une liste bigarrée de continuité composée de centristes, de militants de droite (LR), et d’électrons libres sensibles « aux gestes » de la municipalité sortante. Dans un quatre pages de démarrage de campagne, habillé de vert (la couleur des écolos) le maire mêle habilement les réalisations municipales et celles de la communauté d’agglomération, les Lovériens n’étant pas forcément informés des nuances de compétences et de résultats. La patinoire, c’est l’agglo ! La halle c’est la ville ! La place Thorel et le Parvis de l’église, c’est l’agglo ! La salle des associations et la piste Carrington c’est la ville ! Même si des subventions croisées permettent de jouer sur les mots. Franck Martin avait lui aussi essayé de vendre le centre sportif CASEO comme essentiellement lovérien. Les écharpes jaunes n’avaient rien changé à l’humeur maussade des habitants.
Anne Terlez et F.X. Priollaud.

En lisant ce quatre pages avec attention, j’ai noté que le « cœur de Louviers s’était enfin remis à battre. » Il a donc fallu que ce cœur se fût arrêté et que la ville ait connu un collapsus inquiétant ! L’image est, certes, belle puisque les amis de FXP ont Louviers « au cœur ». Fort heureusement, ils ne sont pas les seuls et j’en connais (j’en suis) qui aiment Louviers depuis plus longtemps qu’eux et au moins aussi sincèrement. Je reconnais que les campagnes électorales impliquent de faire simple (pas simpliste) et direct. FXP aurait ainsi pu se dispenser de traiter ses adversaires de « candidats du déni et du mépris. » Etre candidat n’implique pas non plus qu’on soit forcément démagogue…ou qu’on fasse des promesses faciles. Le sérieux est plus répandu qu’on le croit.
En tant que maire sortant, FX Priollaud ne devrait pas ouvrir les hostilités. Personne, à ma connaissance, ne remet en cause sa légitimité ou sa tentative d’être réélu. Les oppositions ont quand même bien le droit de se présenter et de vanter leurs différences avec la liste de la majorité sortante, non ? Il reste que, sur le papier, et après un premier mandat sans erreurs grossières, M. Priollaud a aujourd’hui un certain avantage. Qu’en sera-t-il après trois mois de campagne ?

En face les troupes s’organisent.
Bruno Questel, député En Marche, a déclaré ne pas soutenir la liste Priollaud qui compte, pourtant, dans ses rangs des adjoints adhérents récents de LREM. La raison ? Je le répète : la présence auprès du maire sortant d’élus républicains hostiles au gouvernement tels que M. Jubert ou Mme Perchet alors que le MODEM de Mme Terlez soutient Emmanuel Macron. Pour autant y aura-t-il une liste LREM présente le 15 mars ? Des bruits circulent sur cette tentative. Trouver 33 noms (avec la parité) est un exercice difficile surtout quand le gouvernement doit faire face au mouvement social que l’on connaît et qui rassemble deux tiers des Français.
Diego Ortega avec Fabrice Le Moal.

Diego Ortega sans s’inscrire publiquement dans les pas de Franck Martin ne peut pas renier son passé de fonctionnaire territorial proche de l’ancien maire. Il a autour de lui d’anciens adjoints ou élus aux côtés de Martin 2. Mais il a su élargir son équipe et gommer les défauts de l’ancienne trop marquée par la personnalité du leader déchu. Diego Ortega est un homme de dialogue. Il a tenté de réunir dès le premier tour les opposants de gauche sur une liste d’union. Mission impossible eu égard à l’ostracisme des uns (M. Hacen Mohamedi) l’affirmation d’une identité nécessaire (Philippe Brun) sans omettre le rôle du NPA qui se pose en vigie attentive et donneuse de leçons sans intention de concourir faute de combattants et aussi d’influence. Affirmer cela n’est pas insultant pour une gauche extrême bien implantée à Louviers. Cette dernière doit faire face au vieillissement des troupes et à l’usure du message porté. En cas de second tour serré, les voix des sympathisants du NPA pourraient peser lourd. Quant à Diego Ortéga il a réussi à convaincre Fabrice Le Moal, docteur en médecine, de le rejoindre. Fabrice, médecin humanitaire et humaniste, sera un soutien de poids compte tenu de sa notoriété et de la défense des valeurs qui animaient Ernest Martin, lui aussi médecin des pauvres et des laissés pour compte.
Ingrid Levavasseur et Philippe Brun. ©JCH

Reste la liste sans doute la plus inattendue et la plus originale. Celle que conduisent Philippe Brun et Ingrid Levavasseur. Tous deux sont aussi différents qu’ils sont complémentaires. Philippe Brun (Sciences Po, ENA) est magistrat. Il est encore jeune mais fait preuve d’une culture locale étonnante eu égard à sa date d’entrée sur la scène municipale. Il semble avoir la tête bien faite et possède des qualités indispensables pour réussir dans la voie qu’il a choisie : la volonté, le courage, et aussi des convictions assises sur une histoire lovérienne peu avare en matière de démocratie participative et de défense des services publics. Ingrid Levavasseur est la personnalité charismatique de cette liste « Changer Louviers ». Elle a connu l’aventure des gilets jaunes, animée qu’elle était par des objectifs apparemment naïfs mais devenus des mots d’ordres courants dans les manifestations qui jalonnent les fins de semaine depuis un an. En s’éloignant des violents et des extrémistes, en publiant un livre de témoignage émouvant, elle a gagné en  crédit et pourrait toucher les indécis ou les abstentionnistes…
En rejoignant Philippe Brun, Ingrid Levavasseur fait preuve d’une lucidité intelligente et a appris sur les ronds-points et les péages qu’il faut fonctionner en équipe (avec les écolos de M. Fraisse, les insoumis…) collectivement, plutôt que de s’en remettre à un chef fût-il génial. Elle propose par ailleurs une action sans agressivité à l’égard de ceux et celles qui pensent différemment.
Je n’ai pas évoqué la liste de M. Hacen Mohamedi. Ses membres se font discrets. S’agit-il d’une stratégie ? Quoiqu’il en soit, pour gagner, une liste d’union à gauche devra se constituer avant ou après le 15 mars 2020. Le feuilleton ne fait que commencer. Nous aurons le temps d’en étudier les différents chapitres.
(1) Pierre Mendès France a souhaité que ses cendres soient répandues dans le jardin de sa propriété des Monts à Louviers. C’est dire l’attachement affectif qu’il éprouvait pour cette ville.
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2 décembre 2019

Les socialistes eurois appellent à la grève le 5 décembre prochain


On nous communique :
« En entretenant volontairement le flou sur une réforme qui semble conçue uniquement dans une logique comptable au détriment du niveau des pensions et de la solidarité collective, le président de la République et le gouvernement méprisent les craintes légitimes de nos concitoyens.

Jeudi 5 décembre, nous ré-affirmerons notre attachement à un système de retraite qui place en son cœur la solidarité par la répartition, qui prend pleinement en compte la pénibilité du travail, qui reconnaît les carrières longues et le droit à une retraite progressive, et qui assure à tous les retraités un revenu juste et décent.
Mais cette mobilisation est devenue plus qu’un rassemblement pour la défense des retraites. Chaque jour, nous mesurons la volonté d’un nombre croissant de citoyens de poser un acte de combat face aux inégalités qui déchirent le pacte social, face aux politiques du gouvernement qui précarisent les plus fragiles et renforcent les plus privilégiés au détriment des classes moyennes et populaires.

Réforme des retraites, de l’assurance-chômage, dégradation des services publics – l’état de l’hôpital public est l’exemple le plus criant – précarisation croissante du travail illustrée par la situation des travailleurs des plateformes numériques, ou encore colère croissante de la jeunesse face à ses conditions dégradées de vie, d’études, ou d’entrée dans la vie active. Voilà autant de raisons supplémentaires de se mobiliser le 5 décembre pour dire STOP à une politique néolibérale qui fait système et sape les fondements de notre pacte social par la destruction de l’État social, l’accroissement des inégalités dans les territoires, l’individualisation des mécanismes de solidarité et l’escamotage permanent du dialogue social.

Pour toutes ces raisons, la Fédération de l’Eure du parti socialiste appelle à rejoindre le cortège départemental ce jeudi 5 décembre à 13h30, devant la gare d'Evreux. 

Ensemble, défendons notre modèle social et les services publics qui sont nos biens communs ; ensemble, appelons au retour de réformes solidaires et de progrès social ; nous voulons une vie digne pour toutes et tous, un salaire juste, une action publique au service de l'émancipation et de la solidarité collective. »

Timour VEYRI, Premier secrétaire fédéral.

Rendez-vous chez Jeannette à Muids : La seine par Eric Catherine photographe


Le Café de La Poste, 5 rue Nationale à Muids propose le samedi 7 décembre à 18 heures son « 36e RENDEZ-VOUS CHEZ JEANNETTE ».
Il s’agira d’une Conférence-dédicace avec Eric Catherine, photographe, pour la parution de son livre « La Seine de Sequana aux portes de la mer » (264 p. 35€).
« Nous avons naguère accueilli le photographe Eric Catherine à l’occasion de ses collaborations aux ouvrages d’Yvette Petit-Decroix (Louis Renault et son domaine agricole en Normandie) et de François Caron (Un train dans chaque village). Après quatre années consacrées à suivre les méandres de la Seine depuis sa source bourguignonne jusqu’à l’estuaire où elle rejoint la Manche, Eric Catherine publie un livre magnifique illustré des 400 photographies qu’il a réalisées le long des méandres du fleuve, dont il décrit avec passion les paysages et l’architecture, en nous faisant revivre les métiers de la Seine, le transport fluvial, les loisirs et les sports nautiques, ainsi que l’environnement immortalisé par tant de grands écrivains…»
Entrée libre. Consommation au bar.

27 novembre 2019

Gaston Prunier : « peindre avec humanité » le 14 décembre avec la SED


Autoportrait de Gaston Prunier
La prochaine conférence de la Société d’Études Diverses aura lieu le samedi 14 décembre à 16 heures, dans la salle Pierre Mendès France, à l’Hôtel de Ville de Louviers. La SED accueillera Nicolas Éprendre, cinéaste, réalisateur de documentaires et Lovérien de naissance. Nous avons déjà eu à deux reprises le plaisir de l’inviter : il y a quelques années pour la présentation de son film sur le géographe Élisée Reclus, et plus récemment, en 2018, lors de la projection du documentaire consacré à Michel Bussi, auquel il a contribué comme chef-opérateur. Cette fois, il parlera d’un peintre normand, injustement méconnu, sur lequel il a longtemps travaillé : « Gaston Prunier (1883-1927) : peindre avec humanité ».

Né au Havre en 1883 et mort à Paris en 1927, Gaston Prunier a vécu de son art sa vie durant. Reconnu par ses pairs et les critiques comme un dessinateur et un aquarelliste de grand talent, il est pourtant aujourd’hui largement inconnu et quasi absent des musées nationaux. Paysagiste comme de nombreux peintres de son temps, son travail aurait pu continuer à se fondre dans l’abondante production de la Belle Époque. Mais si les œuvres de Gaston Prunier retiennent aujourd’hui notre intérêt, c’est pour son goût constant pour les scènes industrielles et urbaines. Des docks du port du Havre, où il est né, aux usines de Paris et de sa périphérie, Prunier, à la manière d’un documentariste, se fait le témoin des transformations qui secouent la capitale au début du XXe siècle. En s’appuyant sur ses recherches et l’abondante documentation visuelle présente dans le fonds Gaston Prunier, Nicolas Éprendre propose ue visite dans l’atelier et l’œuvre du peintre qui affirmait vouloir « réaliser un jour, plastiquement, ce que je peux avoir en moi d’humanité ».

14 novembre 2019

Raymond Poulidor était venu dans la région de Louviers. Mais à pied et en voiture.


Poupou. ©Jean-charles Houel
Les hasards du journalisme — c’est ce qui fait le bonheur de ce métier — conduisent à rencontrer des personnalités de tous genres, de tous sexes, de tous les horizons. Durant ma carrière à La Dépêche, j’ai ainsi eu le plaisir de partager un moment avec Raymond Poulidor qui vient de mourir à l’âge de 83 ans. Cette rencontre l’avait rien de sportif mais était tout de même liée au cyclisme puisqu’il représentait dans une grande surface locale une marque de cycles portant son nom et celui de quelques autres.
J’ai le souvenir d’un Raymond Poulidor assez distant, très conscient de son rôle d’homme sandwich utilisé pour sa formidable aura d’éternel second mais surtout d’éternel sportif capable de courir vite et loin jusqu’à 40 ans ! Poulidor c’est 17 tours de France dans le peloton et des dizaines de tours comme accompagnateur, consultant ou commercial. Se recycler, si j’ose dire, c’est dur, même pour un homme de la trempe de Poupou très apprécié par les Français pour sa simplicité et son naturel qu’il lui était impossible de chasser.

13 novembre 2019

Une tribune libre de Cyril Buffet dans La Croix : comment réconcilier les mémoires allemandes ?


Cyril Buffet, ancien assistant parlementaire de François Loncle et de Jack Lang, docteur en relations internationales et en histoire germanique, récemment invité par la Société d’études diverses de Louviers pour évoquer la chute du mur de Berlin a publié le 9 novembre dans le journal La Croix une tribune libre faisant le point sur la situation de l’Allemagne d’aujourd’hui. Cette tribune exprime le point de vue d’un homme libre, curieux observateur de l’Allemagne réunifiée, particulièrement bien documenté et informé pour exprimer sa « vision » d’un pays qu’il apprécie et où il a passé une grande partie de sa vie d’étudiant et où il séjourne régulièrement. J’ai sollicité de Cyril Buffet l’autorisation de publier sur ce blog cette tribune, ce qu’il accepté avec élégance. Je l’en remercie. 

Cyril Buffet. ©JCH
«Nous sommes un peuple» criaient à l’automne 1989 les manifestants est-allemands, aspirant à la fin de la division de l’Allemagne. Trente ans plus tard, la réunification est-elle réalisée? Au contraire des célébrations antérieures, le débat public ne tourne plus guère sur le Mur ou sur la RDA. Il se focalise sur l’évolution du pays depuis trois décennies, se demandant si le processus de «l’unité intérieure» est un succès ou un échec.
Les résultats électoraux depuis deux ans laissent croire à la persistance d’une forte distinction entre l’Est et l’Ouest de la République fédérale. Lors du dernier scrutin national, l’AfD a envoyé plus de 90 députés au Bundestag, devenant la troisième force politique du pays. Ce parti est surtout implanté dans les nouveaux Länder où il a remporté de gros succès lors des élections régionales de cet automne, puisqu’il a réuni de 23 à 27% des suffrages en Saxe, au Brandebourg et en Thuringe.


L’AfD s’est imposée comme un mouvement protestataire, xénophobe et nationaliste. Elle s’affiche surtout comme un parti identitaire est-allemand. Elle attire une population frustrée qui se sent abandonnée par l’État et les partis gouvernementaux mais aussi «colonisée» par l’Ouest.
«Des citoyens de seconde classe»
Ses électeurs ont l’impression de vivre dans des régions marginalisées que les jeunes quittent, où la natalité recule, dont la population vieillit. Ils estiment que de fortes inégalités territoriales subsistent entre l’Est et l’Ouest et que la réunification s’est soldée pour eux par un déclassement social: ils ne cessent de répéter que «les Allemands de l’Est sont des citoyens de seconde classe».
Mais ce n’est pas tant un «mur dans les têtes» qui sépare les Allemands qu’un fossé d’incompréhension mutuelle. À leurs compatriotes de l’Est qui se présentent en victimes, les Allemands de l’Ouest leur reprochent leur ingratitude, leur rappelant les 260 milliards d’euros transférés dans les nouveaux Länder au titre du Pacte de solidarité. Après la chute du Mur, la motivation principale des Allemands de l’Est était, selon l’historien Jürgen Reiche, de vouloir rapidement «vivre comme à l’Ouest». Dans cette optique, ils votèrent massivement pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU) qui précipitait le mouvement unitaire.


La réunification s’est opérée sur une double illusion. Les Allemands de l’Ouest ont pensé que le processus ne leur coûterait rien et les Allemands de l’Est ont cru à la promesse d’Helmut Kohl de créer des «paysages florissants». Les premiers ont payé et les seconds ont souffert. Au contraire de la plupart des ménages ouest-allemands dont la vie a continué comme avant, l’existence de très nombreuses familles est-allemandes a été complètement bouleversée. À la suite des privatisations, le tissu industriel périclita, provoquant un chômage de masse qui frappa durement une population qui ne l’avait jamais connu.
Le retard économique a été rattrapé
Ce traumatisme a profondément marqué la psychologie des Allemands de l’Est, d’autant qu’ils eurent le sentiment d’être dépossédés de leur destin puisque s’opéra, dans les années 1990, «un transfert d’élites de l’Ouest vers l’Est». D’après le quotidien berlinois Der Tagesspiegel, seulement cinq des 196 directeurs des 30 plus grandes entreprises allemandes proviennent de l’Est et seulement 6% des juges de haut rang. Cette situation a nourri le mécontentement.



Pourtant, l’Est a largement rattrapé son retard économique. L’économiste Oliver Holtemöller évoque même «une performance sensationnelle». En matière d’infrastructures, les disparités sont désormais minimes entre les anciens et les nouveaux Länder qui disposent du même niveau d’équipements (garderies, écoles, routes, voies ferrées, établissements culturels…) et de salaires presque équivalents. Le chômage a reculé: alors que la moyenne nationale se situe à 4,8%, il atteint 5% en Thuringe. Dresde, Iéna, Leipzig et la région Teltow-Fläming se sont développés en nouveaux centres dynamiques.
Néanmoins, des différences perdurent. Hormis Berlin, l’Est manque de métropoles attractives comparables à Munich, Francfort ou Stuttgart. Les grandes entreprises innovantes y sont absentes et aucune des 30 plus importantes sociétés allemandes n’a son siège à l’Est. La productivité y reste inférieure, représentant 80% de celle de l’Ouest. Mais il y a 30 ans, elle n’était que de 30%!

Prendre en compte le vécu est-allemand
En fait, la ligne de séparation ne court plus tant entre l’Est et l’Ouest qu’entre régions décrochées et régions prospères, entre villes et campagnes. Les inégalités territoriales ne concernent pas seulement les nouveaux Länder, mais également la Sarre, la Ruhr et Brème où le chômage s’élève à 10%.
Depuis 1990, les pouvoirs publics se sont principalement souciés de solidarité économique; ils ne sont guère préoccupés de comprendre les profondes mutations socioculturelles survenues à l’Est. Une nouvelle approche est nécessaire pour renforcer la cohésion nationale. Il convient de prendre en considération le vécu est-allemand depuis la chute du Mur, de l’inscrire dans la conscience collective. C’est un enjeu essentiel.
Il en va même de la stabilité de la République fédérale. En effet, la population est-allemande se montre réservée à l’égard du système démocratique. Selon une récente étude de l’Institut Allensbach, seulement 42% des Allemands de l’Est considèrent la démocratie comme le meilleur régime politique, contre 77% à l’Ouest.
Le gouvernement fédéral semble avoir retenu la leçon puisqu’il a mis en place une commission chargée d’établir «des conditions de vie équivalentes», en luttant notamment contre la désertification de certaines régions. L’anniversaire de la chute du Mur a, en tout cas, mis en valeur la nécessité de partager les expériences vécues de part et d’autre de l’Elbe, de réconcilier les mémoires allemandes. C’est à cette condition que l’Allemagne sera finalement un pays, sinon uni, tout au moins unifié.