15 mai 2018

Bien sûr la nostalgie. Bien sûr les retrouvailles. Le CAG tel qu'en lui-même au Moulin.


Hélène Hatzfeld et moi-même. © Patricia Houel-Deschamps
Bien sûr, il y a la nostalgie. Bien sûr, il y a longtemps qu’on s’était rencontrés. Mais nous avions tant à partager. Quelle belle soirée. Hélène Hatzfeld ! Quelle intelligence, quelle maîtrise des concepts, quelle domination dans l’ordre des idées. Jamais, elle n’a dérogé aux faits, à la chronologie, à la narration historique d’une vérité issue de cinq ans d’enquêtes, de recherches et d’écriture. 

En ouvrant le Moulin à l’histoire du Comité d’action de gauche, François-Xavier Priollaud a laissé se rouvrir la plus grande page d’émancipation que nos citoyens, quel que soit leur âge, ont connue au cours des quatre dernières décennies.
Il est vrai que le livre d’Hélène Hatzfeld (1) est un support indispensable pour comprendre comment une soixantaine d’hommes et de femmes liés par l’action, la nécessité de faire, de servir l’intérêt général, ou par des sentiments élevés ont partagé les meilleures années de leur vie militante. Comment une ville moyenne, menacée par la centralisation des pouvoirs d'Etat, l’ignorance des besoins ou l’agressivité d’une opposition active, est devenue un lieu de non violence pour les bébés, de liens solides entre les générations, et un creuset miraculeux pour l’expression libre, l’art, la culture placés au rang de priorités cela reste encore du domaine du mystère. Même la presse parisienne s'y est perdue !

Le duo formé par Hélène Hatzfeld et moi-même n’avait d’autre objectif que de restituer dans leur pâte originelle, les efforts, les batailles, aussi, conduites par Ernest Martin, d’abord et l’équipe Martin-Fromentin, ensuite, dans la lignée d’un Pierre Mendès France dont les mânes ont plané sur le Moulin pendant toute la soirée d’hier. Si on avait omis de saluer la mémoire du grand Lovérien, Françoise Chapron se serait fait un devoir de nous ramener dans le droit chemin. 

Heureusement, Hélène Hatzfeld n’avait rien oublié : ni « Devenir » ni l’autogestion avec son point d’interrogation, ni Wargny, ni le PSU, ni le fonds Singeot, ni les GAM, ni la démocratie participative, ni le service famille si essentiel dans le dispositif, ni la profession de foi de mars 1965, support définitif des 20 ans à venir, sans oublier le fameux « information, participation, contrôle » toujours d'actualité.

Dans son introduction, le maire s’est dit enrichi d’avoir découvert cette page d’histoire lovérienne qu’il a trouvée passionnante. Nous qui l’avons écrite, raturée, corrigée, embellie sans doute, nous ne nous lassons pas de la lire et de la relire sous la plume de Mme Haztfeld. Racontons la aux citoyens dont le seul devoir « est de ne point espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » Cette citation attribuée à Guillaume d’Orange, Ernest Martin l’a prononcée devant moi tant de fois. Lui, jamais il ne baissa les bras. Jamais le désir ne fut absent de ses devoirs d’élu même en 1968 quand, stipendié par une droite apeurée, il prit la tête du cortège ouvrier afin d’ouvrir les routes des victoires futures.

(1) La politique à la ville. Inventions citoyennes à Louviers (1965-1983) par Hélène Hatzfeld. Éditions Presses universitaires de Rennes. 25 euros.

13 mai 2018

La mort d'Alain Lantenois, ancien adjoint d'Odile Proust, de 1983 à 1995


Il est difficile d’écrire sur la mort d’un adversaire politique. Trop de complaisance confinerait à l’hypocrisie et un ton par trop agressif ne siérait pas au respect dû à ceux et celles qui disparaissent. Adversaires politiques, nous le fûmes cependant, sans concession, sans compromis. Et les disputes entre nous, par journaux interposés, furent épiques autant que convaincues.
Élu au sein de la municipalité Proust dès 1983, Alain Lantenois avait la charge des finances et il en devint l’adjoint jusqu’en 1995 lors de la défaite de son équipe. Après la gestion Fromentin, le nouvel argentier trouva matière à polémiques. Tous les maires nouveaux s’appuient, en effet, sur des audits qui les arrangent. Dans ses interventions, Alain Lantenois mettait de la passion, de la fougue, habitué qu’il était à diriger une entreprise importante de la région de Gaillon (la CFPI) et à imposer un style qui admettait difficilement la contestation.
Politiquement, Alain Lantenois sans appartenir à ma connaissance à un parti (?) était très clairement favorable au RPR devenu UMP. Ce gaulliste convaincu, comme Odile Proust d’ailleurs, ne ratait pas une occasion de célébrer le souvenir de l'homme de la France libre.
Au plan local, ses accrochages verbaux avec Ernest Martin, d’abord et Franck Martin, ensuite, ont fait vibrer les murs de l’Hôtel de ville. Il m’arriva même, comme journaliste, d’être poursuivi pour diffamation devant le tribunal correctionnel d’Evreux pour avoir osé, dans un article, comparer Alain Lantenois à « un Pinochet au petit pied » dans l’affaire du Drugsport et du musée Wakévitch dont l'inauguration fut marquée par quelques incidents. Le tribunal n’accepta ni ma bonne foi, ni la vérité des faits que j’avais cru pourtant établir. Je fus condamné à lui verser 1000 francs de dommages et intérêts sous la forme d’un chèque que jamais il n’encaissa. Il préférait donc les victoires symboliques à la recherche du profit immédiat.
Dernier sur la liste de François-Xavier Priollaud, lors des dernières élections municipales lovériennes, pour marquer le lien entre la droite ancienne et la droite nouvelle, Alain Lantenois se contentait du rôle du sage, prodigue en conseils, d’autant que sa compagne, Marie-Dominique Perchet occupe le poste d’adjointe en charge des Affaires Générales, de la Politique Sociale, du Logement et de la Démocratie Municipale.
Atteint d’un cancer depuis plusieurs mois, Alain Lantenois est décédé à l’âge de 81 ans. Une cérémonie religieuse aura lieu à l’église Notre-Dame mercredi.