5 mars 2018

La « haine » de Jean-Luc Mélenchon à l'égard des médias sera-t-elle contagieuse ?


Le style de Jean-Luc Mélenchon, c’est ce qui fait son succès d’ailleurs, est franc, brutal, non critiquable…de son point de vue. Sur son blog, récemment, il a appelé à la « haine » générale contre les médias qu’ils jugent inféodés au pouvoir de l’argent — ce qui n’est pas tout à fait faux —  et soumis au pouvoir politique, ce qui n’est pas démontré. Le mot haine est un mot fort. Quand un homme politique aussi intelligent que lui l’emploie, c’est qu’il a une stratégie : valider une théorie complotiste à vocation populiste. Le président des insoumis, très chatouilleux en matière de vocabulaire, ne l’a évidemment pas choisi au hasard. Il s’agit pour lui de constituer des bataillons de militants, le couteau entre les dents, prêts à agresser tout ce qui bouge dans le monde de la presse. Mais la haine est plus du ressort des tripes que de la raison. La haine, c’est le carburant du pauvre. C’est un sentiment négatif, défensif, un aveu d’impuissance. La haine c’est aussi la colère des faibles.

Que Jean-Luc Mélenchon se sente « isolé » dans le monde des médias est une évidence. Il se sent traqué, attaqué, diffamé. Comment pourrait-il en être autrement quand un leader politique important (3e à la présidentielle !) vous abreuve d’insultes caricaturales ! Pour avoir porté sur lui, un temps, un regard bienveillant, mon opposition à son égard est devenue aussi tenace que réfléchie. Au fil des années, j’ai vu avec quel mépris, quelle condescendance, quelle arrogance ils traitaient tous ceux et toutes celles qui ont vocation d’informer pour le meilleur souvent et pour le pire parfois. Jeunes, vieux, hommes, femmes, service public, chaînes privées, personne ne trouve grâce aux yeux de Mélenchon, guidé qu’il est par son seul discours, raidi par sa personnalité « exceptionnelle », animé par sa seule vérité. Au point même que son entourage est devenu une phalange d’admirateurs béats, copiant les tics du maître, reprenant les mots du gourou, nourrissant le flot de la subjectivité anti-médias. Dans ce domaine Alexis Corbière (qu’on voit sur tous les plateaux pourtant) mérite la palme d’or.

Face à ce mur d’hostilité, Jean-Luc Mélenchon croyait avoir trouvé la parade. En suscitant la création d’un « média » (1) forcément différent, forcément militant, animé par des proches ou des supporteurs, il pensait sortir enfin de la pensée « unique » et atténuer les effets du soi disant Mélenchon-bashing. Il imaginait trouver parmi les millions de Français qui ont voté pour lui en mai dernier un public attentif. Mais, patatras, on apprend que des dissensions internes à la rédaction, des comportements autoritaristes, des prises de position étranges (sur la Syrie notamment) mettent à mal l’apparente unanimité des journalistes invités à la fête.

Noël Mamère a quitté le navire très tôt. Des personnalités, peu suspectes d’être des agents du pouvoir actuel, retirent leur soutien. Gérard Miller, la cheville-ouvrière du projet, a du mal à se dépêtrer des contradictions mises au jour. Autrement dit, informer n’est pas une sinécure. Il ne suffit pas de rassembler quelques amis (même compétents) pour devenir crédibles. Il ne suffit pas de créer un média pour qu’il devienne fréquentable. Bien des partis — dont le PS — ont cru que disposer de son propre outil d’information pourrait suffire à faire oublier le bruit de fond. Avec le temps, on sait que c’est peine perdue. Mélenchon est en train de l’apprendre à ses dépens.

(1) Ce média nouveau genre a même trouvé le moyen d’annoncer que le candidat insoumis de la législative partielle de Guyane faisait la course largement en tête cette nuit. En réalité, il finit second à 8 % derrière le candidat sortant de la République en Marche favori du second tour. Méfions-nous des « vérités » provisoires et des fake news.

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