Entendre les maires (ruraux
le plus souvent) se plaindre et larmoyer m’est insupportable. Dans leurs
récriminations répétées, ils mettent en avant leur dévouement, leur bénévolat,
leur disponibilité et j’en passe, ce qui justifierait pleinement leurs plaintes
constantes contre l’Etat et ceux qui le représentent. Que le maire de
Saint-Etienne raconte sa rencontre avec Emmanuel Macron sous la forme d’un
dîner de cons démontre bien qu’il s’agit là d'une posture politicienne conforme au
conservatisme inhérent à l’engagement politique d’un nombre incalculable d’élus
de petites ou de grandes communes. Tout est bon pour mener le combat
idéologique contre un pouvoir qu'il ne respecte pas (1).
C’est si vrai qu’il suffit
de regarder de près les résultats obtenus par Marine Le Pen et François Fillon,
ou lors des sénatoriales par les candidats de la droite, pour comprendre que
ces maires, soi-disant victimes, sont des relais efficaces pour un Wauquiez par
exemple, ou d’autres élus d’une espèce non en voie de disparition. Les maires
dits ruraux et « apolitiques » sont, pour la plupart d’entre eux, de fieffés
militants de droite (ils en on le droit évidemment). Ceux que j’ai connus
pendant ma carrière (sauf exception) cultivaient un relationnel étroit et
efficace avec les associations qu’ils finançaient ou flattaient d’une manière
ou d’une autre. Il a fallu, par exemple, des efforts considérables de la part
des élus de Louviers et Val-de-Reuil (avec Incarville) pour construire une
intercommunalité qui, depuis, a fait toutes ses preuves. Dieu sait s’ils s’y
sont opposés pendant des années !
Pendant les dernières
décennies, les maires des 36 000 communes de France (une exception
européenne !) ont été bercés, encouragés par des parlementaires sous
influence, aux petits soins pour ces relais d’opinions. La réserve
parlementaire jouait alors à plein ! Quand j’entends, donc, leurs
gémissements devant les micros qu’on leur tend avec facilité, je me dis : rien
ni personne n’oblige qui que ce soit à se présenter à une élection ! Rien
ni personne ne contraint qui que ce soit à accepter d’être le représentant
d’une population et d’agir en son nom ! Si les élus des communes se sentent
humiliés, qu’ils démissionnent (comme le groupe d’opposition à
Val-de-Reuil) ! Si les élus locaux n’ont pas compris que les temps changent,
que leurs investissements ne sont pas tous utiles ou nécessaires — je pense à
la halle couverte de Louviers à un million d’euros ! (2) — Ils doivent
changer leur logiciel et ne pas se plaindre de la volonté de l’exécutif actuel
de modérer les dépenses.
« Nous sommes là pour rendre service », voilà le leitmotiv permanent entendu au congrès des
maires. Mais l’élection ne survient jamais par hasard. Pourquoi des citoyens
ordinaires acceptent-ils d’inscrire leur nom sur une liste ? Par goût du
pouvoir, parfois. Par souci de reconnaissance, aussi. Par narcissisme ou comme
moyen de gagner sa vie, et donc par profession, souvent. L’expérience nous impose
de ne jamais être dupe. Il n’est qu’à voir le nombre d’élus battus (avec les
dépressions) tellement addictifs au pouvoir qu’ils sont constamment obsédés par
leur retour. Même si, heureusement, il existe bien des élus désintéressés qui
ont compris que l’exercice du pouvoir permet de partager des richesses locales,
d’accroître les services publics, de résoudre des problèmes collectifs ou
individuels. La construction d’équipements sociaux, culturels, sportifs, des
logements ou des voiries, le fonctionnement de ces équipements avec des moyens
souvent coûteux prouvent que la gestion d’une ville, d’un département, d’une région
peut améliorer la vie. Il n’en demeure pas moins que le niveau d’impositions
locales peut être tel qu’il nuit au développement d’une ville et le maire
actuel de Louviers, par exemple, a compris qu’il ne pouvait plus accroître
l’endettement sous peine de chasser un peu plus les foyers soumis à l’impôt.
Des maires ? Il en
faut. Leur rendre justice c’est ne pas s’apitoyer sur leur sort et réserver la meilleure
part au jeu politicien. Le diner de cons dont parle le maire de Saint-Etienne
n’est, au fond, qu’une amertume et un désamour face à un pouvoir qu’il aimerait
autre.
(1)
Le maire LR de
Saint-Etienne est bien mal placé pour reprocher à Emmanuel Macron sa volonté d’économies
(13 milliards sur le quinquennat) quand Fillon proposait de réduire de 20
milliards d’euros les dépenses ! Il avait même projeté de supprimer 500
000 emplois de fonctionnaires dont plusieurs dizaines de milliers dans la
fonction publique territoriale. Un peu de cohérence SVP.
(2)
Cette halle fait
beaucoup jaser dans les chaumières. J’avoue que j’entends tout et son contraire
sur cet équipement censé favoriser le commerce local. Est-ce bien le cas ?