11 février 2017

François Loncle ne nous avait pas habitués à tant d'immodestie

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« Ce sera facile de battre Priollaud lors des prochaines législatives. » Cette phrase, prononcée par François Loncle, député, lors d’un entretien avec un journaliste de La Dépêche en a fait sursauter plus d’un. J’imagine que nous sommes légion à marquer notre étonnement pour ne pas dire plus. Prononcer une phrase pareille, c’est ou faire preuve d’un optimisme excessif ou bien exprimer une opinion totalement subjective. François Loncle, député depuis 1981, devrait savoir qu’il est totalement impossible, six mois avant une élection, d’en prévoir l’issue. Sauf à faire preuve d’une immodestie à laquelle il ne nous avait pas habitués.

Cette opinion — je retiens l’hypothèse la plus favorable pour le député de Louviers — relève de la méthode Coué ou de la langue de bois. Alors qu’on ignore encore quels seront les candidats à l’élection présidentielle, qu’on ne sait rien de la personnalité du futur vainqueur, comment peut-on parier sur le résultat d’une élection législative fort dépendante du contexte national ? Le sort des candidats de gauche, notamment, ne sera pas le même en cas de victoire d’un président de droite voire d’extrême droite. Il sera également différent selon que François Loncle se représentera ou laissera la place à un successeur dont on ignore encore le niveau d’engagement et de notoriété de même que sa place sur l’échiquier politique. Il est de toute façon bien prétentieux de mépriser ses adversaires.

Formulons quelques hypothèses. Si Fillon est plombé et va au bout de sa candidature, je donne peu cher de ses chances. La droite éliminée, Marine Le Pen en profitera à la marge. Alors ? Hamon ou Macron pour disputer la finale ? Si les sondages actuels fournissent quelques indications (méfions-nous des sondages), la fille Le Pen sera battue. Si le vainqueur est Emmanuel Macron, Bruno Questel, candidat à l’investiture macroniste aura quelques chances…tandis que Richard Jacquet (PS) sera un meilleur postulant en cas de victoire de Benoît Hamon.

Tout laisse penser, cependant, que la droite ne restera pas inerte. Certes l’éventuel KO de la droite à la présidentielle ne favorisera pas François-Xavier Priollaud car depuis l’inversion du calendrier voulue par Jospin et Chirac, les Français(e)s choisissent souvent de donner une majorité au nouveau président. Mais la volatilité de l’électorat est telle qu’à Louviers comme ailleurs, écrire l’histoire avant qu’elle ne se présente procède de la conjecture hasardeuse. Il reste une solution. François Loncle, en suggérant dès aujourd’hui que battre Priollaud sera facile veut tout simplement dire qu’avec lui, candidat, le maire de Louviers n’aurait aucune chance. Gonflé, non ?

10 février 2017

A quoi ressemble la droite de François Fillon ? Par Reynald Harlaut


Qui gravite autour de François Fillon ? C’est la question à laquelle répondent les sociologues François Denord et Paul Lagneau-Ymonet avec un remarquable article paru dans la dernière livraison du Monde diplomatique intitulé « De qui François Fillon est-il le prête-nom ? »

Nous nous garderons de reprendre ici leur inventaire de ses principaux soutiens. Il suffit pour cela d’acheter ce mensuel totalement indépendant. Nous nous contenterons plus modestement de proposer une mise en perspective des conclusions auxquelles les auteurs de cet article sont parvenus.

Pour cela, rappelons que la Droite se compose dans ce pays de deux grands courants de pensée. Le premier est ce qu’il est convenu de nommer la Droite bonapartiste. C’est une droite populaire dans laquelle s’inscrit le Gaullisme qui, de la Libération jusqu’à l’achèvement du dernier mandat de Jacques Chirac, a largement dominé le paysage politique. Cette droite, plus ou moins sociale selon les périodes, farouchement indépendante  — d’où le retrait de l’OTAN et la mise en place de la force de frappe nucléaire — est pro-européenne, mais soucieuse de la souveraineté nationale.

Le second courant est celui qu’on nomme généralement la Droite orléaniste. C’est la partie la plus réactionnaire de cet ensemble formant deux mondes bien distincts. Viscéralement anticommuniste, c’est une droite légitimiste, bourgeoise, catholique, affairiste. C’est celle dite des « Deux cents familles » d’avant-guerre, à la tête de l’industrie, de l’assurance et de la finance. Son assise sociologique est par conséquent beaucoup plus étroite. Ces deux mondes se côtoient par nécessité mais ne se mélangent pas.

Entre les deux, perdure, de génération en génération, une rancœur tenace. Parce que la Droite orléaniste est aussi pour l’essentiel la Droite de Vichy, celle qui a pactisé avec l’occupant nazi. Celle dont un certain nombre de ses membres les plus éminents a vu ses industries, ses entreprises ou ses banques saisies et nationalisées au lendemain de la Libération par le gouvernement du général De Gaulle comprenant des ministres communistes. Celle enfin dont les plus compromis furent à la même époque, condamnés à des peines de prison ou à l’indignité nationale en raison même de cette collaboration avec l’ennemi.

Cette droite-là a été, à quelques exceptions près, écartée durablement du pouvoir par le général De Gaulle lui-même et par ses successeurs gaullistes. Elle pointe, le bout de son nez pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing avec par exemple le prince Louis de Broglie dont on sait ce qu’il advint. Mais c’est Nicolas Sarkozy qui, avec le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, signe l’arrêt de mort du gaullisme. Et simultanément rouvre les portes du pouvoir à cette droite orléaniste tenue si longtemps à distance, pour en recueillir le soutien.

Cette droite revancharde, antisociale, réactionnaire et affairiste est celle-là même qu’incarne François Fillon. Il en a fait siens tous les codes. Il n’est que de connaître les principales lignes de la politique qu’il entendait mettre en œuvre dans son programme de la Primaire pour s’en convaincre. Ce serait une régression sociale d’une brutalité inouïe.

Identifiant les personnes qui font cercle autour de François Fillon, François Denord et Paul Lagneau-Ymonet apportent les preuves irréfutables de son appartenance à ce groupe. Oui, son entourage est bien constitué de la descendance de cette France de Vichy, de la Révolution nationale : celle des maîtres de forges, des grands capitaines d’industrie — aujourd’hui encore du grand patronat — des banquiers d’affaires et autres assureurs, prêts à tout pour rattraper le temps perdu et asseoir leur domination.

Reynald Harlaut

François Denord & Paul Lagneau-Ymonet, Le Concert des puissants, Éd. Raisons d’agir, Paris, 2016

9 février 2017

Nicolas Dhuicq ? Un député (LR) pro russe à la mords-moi le nœud


Nicolas Dhuicq, un député pro russe.
« Concernant sa vie privée, ça commence à se savoir à l’heure où nous parlons. Macron est quelqu’un qu’on appelle le 'chouchou' ou le 'chéri' des médias français, qui sont détenus par un petit nombre de personnes, comme tout le monde le sait. Par ailleurs, l’un de ses soutiens est le célèbre homme d’affaires Pierre Bergé, un associé et amant de longue date d’Yves Saint Laurent, qui est ouvertement homosexuel et défend le mariage pour tous. Il y a un très riche lobby gay qui le soutient. Cela veut tout dire. »

Qui évoque ainsi la vie privée d’Emmanuel Macron ? Un député LR, psychiatre qui plus est, du nom de Nicolas Dhuicq. Je ne connais pas suffisamment cet élu du peuple. Mais cette phrase prononcée dans une interview accordée à un média russe spécialisé dans la désinformation, devrait scandaliser tous les Français et notamment les Français de droite qui, au café du commerce ou ailleurs, ne se privent pas de répercuter cette assertion destinée à nuire à Emmanuel Macron.

Ce dernier a, avec humour et sens de la répartie, expliqué publiquement quelles étaient ses préférences sexuelles. Il est hétéro et Brigitte, son épouse, pourra le confirmer. Mais même s’il avait été homo, de quel droit un Dhuicq pro russe se permettrait-il de mettre en cause la vie privée de M. Macron ? Que Dhuicq le veuille ou non, l’homosexualité n’est plus un crime depuis longtemps en France. Fini l’époque où les homosexuels devaient raser les murs ! Même le mariage gay est entré dans nos mœurs, approuvé par une large majorité de Français.

Que M. Poutine bombe le torse (nu) et joue les machos de service ne doit pas aveugler ses soutiens les plus fanatiques. Il paraît que la France va faire l’objet de cyberattaques nombreuses de la part des hackers ex-soviétiques et du pouvoir russe qui ne jure que par Marine Le Pen et François Fillon. Non seulement des Russes ont pollué la campagne présidentielle américaine mais en plus ils voudraient salir les hommes (et les femmes ?) politiques occidentaux en France voire en Allemagne où Angela Merkel doit déjà essuyer des critiques virulentes. Originaire d’Allemagne de l’Est, elle sait de quoi étaient capables la STASI et le KGB dont l’un des responsables était, justement, Vladimir Poutine.

Durant les mois à venir, nous allons devoir faire preuve d’une grande vigilance et ne pas nous laisser embobiner par les Dhuicq et consorts chargés des basses besognes. Aujourd’hui, on attaque Emmanuel Macron ? Et demain, ce sera le tour de qui ? Un Français prévenu en vaut deux. Notre démocratie mérite mieux que ce Dhuicq à la mords-moi le nœud.

8 février 2017

Les législatives dans la circonscription de Louviers : Richard Jacquet peut faire gagner la gauche


Richard Jacquet à la CASE.
L’affaire Fillon n’en finit pas. L’acte de contrition du candidat de la droite est entré en collision avec la nouvelle salve du Canard enchaîné affirmant que Pénélope Fillon avait touché 45 000 euros d’indemnités de licenciement et de prime tandis que le Parisien Libéré nous apprend que Mme Pénélope Fillon (et son hologramme ?) ont occupé deux postes à temps complet pendant plusieurs mois en même temps. Les casseroles n’ont donc pas fini de tintinnabuler.

Et les législatives ? Notamment dans la circonscription de Louviers, celle qui intéresse les lecteurs de La Dépêche. La droite semble avoir choisi son candidat en la personne de François-Xavier Priollaud, actuel maire de Louviers (1) . Le sort final du membre de l’UDI dépendra, évidemment, du sort de François Fillon. Comment FXP va-t-il « vendre » sa candidature aux Lovériens qui l’ont élu en mars 2014 ? Lors des municipales, M. Priollaud n’avait pas informé les Lovériens de ses velléités nationales. Atteint qu’il serait par la loi sur le cumul (2), qui le remplacerait à la tête de la mairie ? Serait-ce un (ou une) maire à plein temps ? Une marionnette dont M. Priollaud tirerait les fils ? Après trois ans de mandat, le maire actuel doit encore faire ses preuves. Il aurait dû labourer le terrain encore et encore. A mon avis, et malgré des ambitions toujours légitimes, abandonner la mairie serait un choix hasardeux (pour l'avenir de la droite) sauf si, évidemment, François Fillon demeure plombé sans plan B car alors les chances de FXP d’être élu au Palais Bourbon seraient bien minces.

Et à gauche ? Je passe sur M. Bernard Frau dont l’intrusion au sein de la France insoumise fait tache sur le blason de Jean-Luc Mélenchon. Arnaud Levitre (PCF) maire d’Alizay a rendu publique sa candidature. François Loncle, élu depuis 1981 (avec une brève interruption de 1993 à 1997) aurait enfin décidé de prendre sa retraite. Qui soutiendra-t-il : Richard Jacquet, maire de Pont-de-l’Arche, candidat PS pressenti ou Bruno Questel, maire de Bourgtheroulde son suppléant actuel, recyclé chez Emmanuel Macron après avoir soutenu Arnaud Montebourg lors de la primaire citoyenne ! Le Bruno, on ne le refera pas. Le Loncle Vallsiste choisira-t-il la dissidence ou au contraire sera-t-il fidèle à Richard Jacquet (qu’il a longtemps tanné pour lui succéder) et au parti socialiste à qui il doit beaucoup sinon tout ? Le suspense est à son comble.
A l’extrême-droite, peu importe le nom du ou de la candidate. Les électeurs(trices) FN votent pour Le Pen, père, fille ou nièce. Des soutiens de famille en un mot.

(1)  Dans un communiqué adressé à la presse aujourd’hui, François-Xavier Priollaud annonce sa candidature aux législatives et le nom de son suppléant, Antoine de Cosmi, Conseiller municipal (LR) de Gaillon et Conseiller communautaire d’Eure Madrie-Seine.
(2)  La loi sur le cumul des mandats applicable en 2017 ne permet pas à un parlementaire d’être responsable d’un exécutif : mairie, département, région…M. Priollaud, s’il est élu député, ayant choisi de demeurer conseiller municipal de Louviers devra démissionner du conseil régional.


7 février 2017

Imagine-t-on le général de Gaulle s’excuser auprès des Français pour une erreur qu’il aurait commise…


« Mon Dieu, j’ai un très grand regret de t’avoir offensé, parce que tu es infiniment bon, et que le péché te déplaît. Je prends la ferme résolution avec le secours de ta sainte grâce de ne plus t’offenser et de faire pénitence. » François Fillon le Chrétien, comme il l’a affirmé lui-même à la télévision, devra réciter dix fois cet acte de contrition pour obtenir le pardon de ses offenses. Si toutefois il se confesse auprès de l’abbé de Solesme.

Devant une France médusée — imagine-t-on le général de Gaulle s’excuser auprès des Français  pour une erreur qu’il aurait commise — l’ancien Premier ministre a reconnu hier que la pratique des emplois familiaux n’avait plus lieu d’être, que les Français n’acceptaient plus que les épouses, les fils et les filles, «collaborent» avec leur mari ou père parlementaires d’autant plus, comme l’a répété M. Fillon, que le contenu de leur travail et l’effectivité de celui-ci ne regardent personne et surtout pas la justice au nom de la séparation des pouvoirs (1) !

Circulez, il n’y a rien à voir ! François Fillon, après sa prestation millimétrée, en est-il pour autant quitte envers les Français et notamment ceux et celles qui ont voté pour lui lors de la primaire de la droite et du centre parce qu’il croyait en sa probité et son honnêteté ? Il est tout de même paradoxal que François Fillon s’appuie sur ce vote pour justifier son maintien comme candidat incontournable alors que les faits et les actes dont il s’excuse sont aux antipodes des mobiles de ses électeurs. Ce hiatus regarde la droite et les sondages, auxquels M. Fillon ne croit pas, nous donneront dans quelques jours, une idée de ce qui va se jouer dans les semaines à venir.

Si j’osais, je dirais que François Fillon très involontairement sans doute rend service à la gauche. Un animal blessé, animé d’une colère froide, crée un danger, certes, mais la vulnérabilité de François Fillon l’affaiblit et surtout affaiblit les propositions de son programme. C’est là que les Français l’attendent. Car la baisse de Fillon dans les sondages a débuté bien avant le Pénélope Gate. Quand les Français ont lu et compris le sens de sa candidature, quand ils ont intégré les immenses sacrifices demandés aux classes modeste et moyennes, ils ont marqué plus que des réticences. Maintenant qu’on sait que François Fillon et sa famille s’exonéraient des sacrifices collectifs, qu’il était entouré et conseillé par des financiers et autre assureurs à l’affût (2), il est bien évident que sa parole portera moins haut et moins loin car sa crédibilité est sérieusement entamée. Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais. Amen.

(1) Par un communiqué publié hier soir, le PQN, le parquet financier national a confirmé sa compétence et sa capacité à continuer de diriger l'enquête préliminaire.
(2) « De qui François Fillon est-il le prête-nom ? » à lire l'excellent article du Monde diplomatique de ce mois.

6 février 2017

Affaire Fillon : attention de ne pas se tromper de coupable !


André Comte-Sponville (photo ci-contre) est évidemment un philosophe important. Il appartient en tout état de cause à cette élite intellectuelle dont les propos pèsent dans les débats qui intéressent les Français notamment à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle. Invité dans l’émission C polémique sur la 5, hier, consacré à « morale et politique » André Comte-Sponville a prononcé une phrase dont je ne suis pas certain qu’il en ait mesuré toute la portée. S’adressant à une journaliste de Mediapart, au demeurant pertinente et remarquable dans ses propos, le philosophe s’est aventuré sur un terrain scabreux. « Et si Pénélope ou François Fillon en venait à se suicider…» a-t-il lancé pour interpeller les journalistes d’investigation et les conduire à s’interroger sur leur comportement à l’égard du couple Fillon. Celui-ci est pris dans une tourmente qu’Henri Guaino, également invité, juge oppressante, politiquement et psychologiquement. Ce que M. Comte-Sponville a voulu dire est simple : « votre responsabilité morale de journaliste serait engagée, pourriez-vous vous regarder dans un miroir ? »

C’est ce qu’on appelle inverser la charge de la preuve. Les coupables ne seraient pas ou plus les auteurs de l’éventuel délit mais bien les journalistes dont les écrits et les révélations pourraient pousser nos politiques aux actes extrêmes. Soyons clairs : les journalistes décrivent les turpitudes des politiques. Ils accomplissent leur mission et personne, à condition qu’ils s’appuient sur des faits étayés et recoupés, ne peut leur reprocher d’exercer leur métier. Personne ne peut les «accuser» de révéler des faits permettant de comprendre la personnalité des protagonistes à l’élection suprême et d’interroger la cohérence de leur comportement individuel eu égard à leurs propositions collectives. Eva Joly a raconté comment des journalistes d’investigation avaient « fouillé » dans sa vie en Norvège et en Islande lors de sa candidature aux présidentielles : « On exige probité et exemplarité de la part de ceux et celles qui aspirent aux plus hautes fonctions et c’est normal. »

Ce qui choque dans l’affaire Fillon, c’est évidemment et d’abord le montant des sommes versées à Pénélope Fillon (peut-être pour un emploi fictif) mais c’est aussi et surtout le choc créé par cette situation de favoritisme et le contenu du programme abrasif, pour le moins, du candidat de la droite et du centre. Un programme fondé sur le serrage de ceinture. Henri Guaino n’est pas un gauchiste. Depuis la publication des principales mesures du projet Fillon, il dénonce les excès et les outrances de ce programme. M. Comte-Sponville a donc tort de chercher je ne sais où les responsabilités dans l’affaire Fillon. François Fillon est le seul à pouvoir et à devoir répondre de ses actes si tant est que sa femme n’ait été qu’un instrument — c’est du moins l’opinion de Ségolène Royal ! — dans ce qu’on pourrait lui reprocher. Il appartiendra à la justice de dire si François Fillon est coupable ou non. Les citoyens jugeront.

Eva Joly, députée européenne, a intelligemment commenté les propos des uns et des autres : le salaire d’un parlementaire permet de vivre très correctement, en un quart d’heure elle peut justifier du travail effectif et concret de ses trois assistants parlementaires. Il serait, selon elle, abusif de condamner à une inéligibilité à vie tout élu condamné pour corruption ou détournement de fonds publics car dans notre droit, les peines sont individualisées et adaptées à chaque situation. Elle précise que les journalistes jouent un  rôle de vigie et sont indispensables au bon fonctionnement de la démocratie.

Sachant que la démocratie à un prix et donc un coût, la compétence et l’efficacité de nos élus se mesure-t-elle au montant de leurs indemnités ? « Comment convaincre des jeunes, intelligents, compétents, courageux, de se lancer dans la vie politique si le privé leur offre des salaires trois ou quatre fois supérieurs ? » C’est une vraie question et M. Comte-Sponville a raison de la poser. Avec la fin du cumul des mandats et donc celui des indemnités, le prochain gouvernement devra moraliser, encore et encore, les conditions d’exercice du mandat parlementaire. En réduisant le nombre de députés ? En augmentant leurs indemnités ? En supprimant le Sénat ? En contrôlant mieux l’usage de l’IRFM (1) ? En interdisant d’employer des membres de sa famille comme assistants parlementaires ?

(1) L'Indemnité représentative de frais de mandat.

5 février 2017

Le député Julien Auber (LR) a une drôle de conception de l'argent public


« L'enveloppe collaborateur du député, qui lui sert pour fonctionner, a une origine publique mais cela n'est pas pour autant de l'argent public. Ce n'est pas l'origine des fonds qui lui donne son origine publique mais l'organe qui le distribue...Sinon le traitement d'un fonctionnaire ou la pension qu'on verse à un retraité seraient considérés comme de l'argent public, même après avoir été déposés sur leur compte en banque ! »

Julien Auber est l'auteur de « Salaud d'élu. »
Cette phrase du député Julien Aubert est totalement contestable. En voulant à toutes forces défendre l’indéfendable, certains parlementaires se lancent dans des explications oiseuses que tout citoyen un peu réfléchi ne peut que condamner. Oser comparer l’enveloppe « collaborateur » d’un parlementaire avec la retraite d’un fonctionnaire relève bien de l’imposture ! Il faut faire preuve de bien peu de bon sens pour placer sur le même plan les 9561 euros destinés à payer les collaborateurs des parlementaires dont on n’exige rien de particulier et les retraites des fonctionnaires lesquels ont du passer des concours et remplir des fonctions qui n’ont rien de fictives au service de l’Etat, des collectivités, des hôpitaux, des universités, des écoles, de la justice etc.

L’affaire Fillon démontre que les « honorables » parlementaires peuvent employer n’importe qui, n’importe comment et pour faire n’importe quoi et même « repasser des pantalons » selon la formule maintenant célèbre de Julien Dray. Mais cette affaire se corse depuis qu’on sait que le montant de l’enveloppe non distribuée — en deçà des 9561 euros donc — alimentait, au Sénat notamment, une association créée pour procéder à la redistribution de cet argent aux sénateurs eux-mêmes, argent que M. Aubert considère donc comme disponible…

Si tel était le cas, les huit sénateurs actuellement mis en examen ne se verraient pas reprocher ces reversements sur leur compte particulier. D’ailleurs, le candidat de la droite et du centre est lui-même dans le collimateur des juges chargés d’instruire cette nouvelle affaire Fillon puisqu’il aurait touché (quand il était sénateur) la somme de 21 000 euros en sept chèques trimestriels de 3000 euros environ provenant du fameux surplus de l’enveloppe collaborateurs qui se trouve bien être de l’argent public à utiliser à bon escient. Je crains fort pour M. Auber que les juges n’entrent pas dans les subtilités sémantiques qu’il déploie pour savoir si les fonds sont publics ou…d’origine publique. Que M. Auber aille demander aux Français ce qu’ils pensent de son raisonnement !
Il y a mieux dans le texte de M. Auber : « En revanche, vu les horaires et la vie particulière que les députés mènent, certains salarient des membres de leur famille tout simplement pour pouvoir les voir. » C’est ce que j’appelle du grand n’importe quoi ! Payer des membres de sa famille pour être à leurs côtés, j’avoue que cette idée ne m’avait à aucun moment effleuré l’esprit. L’engagement politique est un engagement volontaire. Personne n’oblige qui que ce soit à être candidat aux élections. Cet engagement présente des avantages et des inconvénients. Parmi les avantages, on peut noter une certaine reconnaissance, la volonté de servir l’intérêt général, une façon de donner un sens collectif à sa vie. Parmi les inconvénients, je retiens effectivement une activité chronophage qui éloigne les élus de leurs familles. C’est un choix. Allier sa vie personnelle et professionnelle n’est simple pour personne. Mais c’est bien la première fois que je lis sous la plume d’un parlementaire la nécessité de rétribuer ses proches pour les rencontrer ! Que M. Julien Auber continue d’écrire des énormités pareilles et le fossé entre les citoyens et leurs représentants continuera de se creuser.