2 mai 2016

Les tenants du « tout nucléaire » devront en assumer toutes les conséquences


Une enquête récente diffusée sur la chaîne Arte a mis en évidence les multiples dangers de l’énergie nucléaire. A l’occasion de l’anniversaire (triste) de la catastrophe de Tchernobyl (avril 1986) avec des milliers de morts et de personnes contaminées, nombre de médias se sont penchés sur la situation des centrales nucléaires françaises et étrangères pour que les citoyens sachent bien à quoi ils pourraient s’attendre en cas d’incidents, ou pire, d’accidents dans une de ces centrales. Le responsable de l’ASN (autorité de sureté nucléaire) n’exclut nullement qu’un des réacteurs des nombreuses installations françaises puisse exploser à la manière d’un Fukushima-bis alors même que bien des centrales sont situées près de centres urbains importants ou près de frontières communes avec l’Allemagne ou la Suisse. Il faut savoir regarder plus loin que le bout de sa frontière.

Récemment, un incident (impossible autant qu’improbable d’après les experts) a cependant eu lieu dans la centrale de Paluel, en Seine-Maritime. Un engin de levage mal conduit ou peu approprié a permis la chute d’un générateur de 450 tonnes sur l’enveloppe externe d’un réacteur ne causant, paraît-il, aucun dommage notable. Ainsi, il est une nouvelle fois prouvé qu’une maladresse d’origine humaine peut entraîner une succession de problèmes dont on ignore jusqu’où ils conduiront l’entreprise EDF…tant il est vrai que la France, au contraire des Pays-Bas, par exemple, n’a pas imaginé de mettre en place des actions urgentes et immédiates au bénéfice des populations les plus concernées. La zone des 10 kilomètres semble bien étroite quand le nuage de Tchernobyl a envahi toute l’Europe qu’elle soit orientale ou occidentale.

Au-delà du vieillissement des centrales, des erreurs humaines non toujours maîtrisables, des accidents naturels sismiques ou marins, du recyclage des déchets et surtout de la maîtrise des fermetures de centrales non aboutie, on s’étonne que des Fillon ou des Sarkozy osent vanter l’énergie nucléaire comme une énergie prioritaire dans le paysage français. Sont-ils inconscients, démagogues ou non informés ? Sont-ils à ce point irresponsables qu’ils souhaitent mettre tous leurs œufs dans le même panier alors que l’Allemagne a décidé de mettre fin à sa filière nucléaire, que le Japon réfléchit à des solutions alternatives, et que les centrales EPR de Finlande ou de Grande-Bretagne semblent bien être des puits sans fond ou plutôt des gouffres financiers.

Sarkozy ne veut pas fermer Fessenheim ni réduire à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité en 2025. L’ancien président et, je l’espère, le futur vaincu de la primaire des ex-UMP ou de l’élection présidentielle si par malheur il était le candidat de la droite, est un grand ami du lobby de l’électronucléaire, très (trop) puissant en France. Il ne faut pas chercher ailleurs ses prises de position aussi irresponsables qu’inconscientes et pas à la hauteur d’un projet nouveau et du 21e siècle.

1 mai 2016

Françoise Chapron répond à Jean-Louis Ernis : « Pierre Mendès France fut une sorte de lanceur d'alerte »


M. Jean-Louis Ernis m'a adressé un commentaire publié à la suite de mon billet (1) sur le livre que Mme Françoise Chapron a consacré à l'action de Pierre Mendès France. J'aurais pu à mon tour commenter l'argument de M. Ernis mais j'ai préféré laisser la parole à Mme Chapron. N'ai-je pas écrit qu'elle connaissait Pierre Mendès France comme personne ? Fort aimablement, elle a accepté de répondre à M. Ernis dont elle ne désapprouve pas, par ailleurs, certains des propos.

« J'ai éprouvé quelque perplexité devant le commentaire posté par une personne qui au moins a donné son nom mais que je ne connais pas, à propos de la présentation faite par Jean-Charles Houel  de mon ouvrage consacré à Pierre Mendès France la République en action. Les motivations et éléments avancés ne semblent pas très limpides, voire tendancieux.

Sur le point de litige
L' auteur,  qui se dit admirateur de PMF, avance un fait précis le refus de celui-ci du vote du traité du Marché commun en 1957 comme élément attestant du caractère visionnaire de PMF face à  l'échec aujourd'hui, selon M.Ernis, de ce traité créant une Europe ultra libérale.
Afin de justifier cette opinion  qui appartient à son auteur,  opposant de gauche sans doute au traité de 2005, celui-ci se livre à une attaque en règle de Jean-Charles Houel dans des termes agressifs voire injurieux, au motif que celui ci n'aurait pas cité ce vote négatif dans les moments importants de la carrière de PMF.

Sur la pertinence du reproche
Le manque de cet élément dans l' énumération des décisions courageuses de PMF, faite par JCH à la fin de son quatrième paragraphe, pouvait faire l'objet d'une observation  pertinente sur l'absence du vote sur le traité du marché commun en disant pourquoi ou en quoi.  Mais quand on rend compte d'un ouvrage, on peut hiérarchiser ses choix. Peut-être aurait il  été utile de mettre par prudence des points de suspension !
Pour autant, citer en priorité  la démission de 1945 et celle de 1956 en tant que membre du gouvernement  sur deux questions majeures de notre histoire de la France contemporaine qui ont eu des conséquences dramatiques et anticipées par Pierre Mendès France,  n'est pas choquant.
On aurait pu citer ce fait aussi dans les actes de courage cette décision que nul n'avait prise de présenter au Parlement, ce traité de la CED voulu par la France et non ratifié , qualifié de « crime du 30 août » d'autant que la solution négociée ensuite dans les Accords de Londres et Paris instituant le Traité de l' UEO, plus équilibré et moins soumis au leadership unique des Etats Unis, est encore en vigueur en 2016.

Pourquoi réagir ?
Ce qui m'a décidée à intervenir est de l'ordre de l'exigence d'honnêteté intellectuelle que prônait Pierre Mendès France et du respect des ouvrages des historiens qui n'ont pas vocation à être des polémistes ou ils l'assument clairement.
Pour ma part je n'apprécie pas que l'on cite des ouvrages à l'appui d'un argument d'opinion comme la biographie d'Eric Roussel que je connais bien, fort documentée par des archives, dans laquelle je ne vois pas qu'il élude ce vote de 1957.
Quand à moi, je rassure notre interlocuteur sur ma connaissance du texte en son entier des débats de 1957. Pour écrire des biographies telles que les nôtres (ma thèse initiale compte 683 pages et un volume d'annexes de 131 pages que j'ai réduit à 185 pages pour ce modeste ouvrage de synthèse grand public), il est en effet nécessaire d'effectuer un gros travail de lecture et dépouillement de kilos d'archives et lire les débats de l'Assemblée nationale: discours, propositions de lois, questions écrites, (environ 15000 par législature) comme ceux des assemblées départementales ou municipales. C'est la base même du métier d'historien, comme de vérifier les faits pour un journaliste digne de ce nom.
L'attaque portée contre Jean-Charles Houel dont je sais la déontologie journalistique, qui n'exclut pas un regard engagé  sur le monde, légitime du moment qu'il y a un souci d'honnêteté intellectuelle, et que je connais et apprécie depuis 1980, début de mes recherches, est déplacée  et ressemble à une mauvaise polémique ad hominem dont mon ouvrage semble le prétexte.

Lire avant de critiquer
Surtout,  comment se permettre de contester le contenu du compte rendu d'un ouvrage qu'on n’a pas lu. Et l'avouer naïvement. Certes il est d'usage trop fréquent chez certains commentateurs ou hommes politiques et quelques critiques culturels de s'aventurer à commenter  ou critiquer ce qu'ils ne connaissent pas ou n'ont pas lu ou vu. Cela n'en est pas moins une pratique détestable et condamnable.
 
A la lecture de mon ouvrage, que je lui recommande vivement car s'il aime Pierre Mendès France, il le retrouvera dans son action politique régionale très mal connue, il aurait pu constater que j'ai mis en valeur à chaque fois que nécessaire le côté visionnaire ou la pertinence anticipatrice du « Cassandre » de la République dans différentes périodes ; des exemples concrets d'anticipation sont cités largement de 1930 à 1962.
Sur le Marché Commun (pages 126-127) j'explique que « sur le vote du traité, il a avancé des critiques comprises comme une opposition à la construction européenne, alors qu'il a surtout mis en garde sur la fragilité économique de la France dans le nouvel ensemble et les dangers de législations sociales et fiscales nuisibles pour la compétitivité économique de la France, ainsi que le risque de chômage et de concurrence avec l'Allemagne en regrettant le choix d'un processus de construction trop libéral ». Il fera de même sur le danger des institutions de la V° république  au risque  de l'échec en 1958 et 1962.

Oui, PMF fut par son intelligence et son sens de l'intérêt de la France et des citoyens, une sorte de « lanceur d'alerte » agissant avant que ne se produisent les événements et assurément certaines de ses analyses sont encore d'actualité. Comme celle sur la probité de la vie publique (voire privée, ce qu'il ne séparait pas). Donc je n'ai pas de désaccord sur le propos de M. Ernis.

Une polémique sans raison historique
Mais l'esprit et la méthode sont bien peu fidèles à l'exigence de respect des idées et  de vérité qui caractérisait Pierre Mendès France, lui qui travaillait à fond ses dossiers, pour ne dire que la vérité des faits puisée aux meilleures sources, écoutait et dialoguait avec chacun sans préjugé même si il mettait quelque entêtement à convaincre ses interlocuteurs.
Dommage d'avoir créé une navrante polémique sur un fait que la lecture préalable de mon ouvrage aurait désamorcée d'emblée. A moins que ce message ne relève que d'une forme de mauvaise querelle consternante s'adressant au blogueur !
Mon livre étant en cause sans être lu, j'ai demandé à  répondre en historienne, me sentant solidaire de JC Houel,  petitement mis en cause. Pierre Mendès France aurait détesté la procédure employée.
« Beaucoup de bruit pour rien finalement » et Talleyrand disait que « tout ce qui est excessif est insignifiant ». Merci à Jean Charles d'avoir mis en valeur avec talent, lui aussi, cet ouvrage. Et de m'avoir laissé la parole Ici. » 

(1) Pour ceux qui n'auraient pas lu le commentaire de Jean-Louis Ernis, je le publie à nouveau : « Jean-Charles Houel ne dit pas tout ! Faire l’éloge d’une personnalité remarquable comme fut Pierre Mendès France nécessite une totale indépendance d’esprit.
Faire les commentaires d’un livre oblige à tout dire, même si ce livre fait des impasses historiques. Je n’ai pas lu l’ouvrage de Mme Françoise Chapron, j’en ai lu d’autres, celui d’Eric Roussel par exemple.
Je ne sais si l’ouvrage en question évoque le positionnement de PMF sur le Traité de Rome, mais faire des commentaires en mettant en exergue les moments forts de la carrière de cet homme en « oubliant » le vote négatif du Député de Louviers sur le Traité de Rome le 18 janvier 1957 à l’Assemblée Nationale, m’interroge. Faire l’impasse sur le discours complet et détaillé justifiant le positionnement de Mendès France me sidère. Et pourtant, quelle clairvoyance.
Cinquante ans après, nous sommes en plein dans la situation qu’il redoutait. Jean-Charles Houel n’est pas le seul à biffer cet évènement historique. A l’heure où le rejet de cette construction ultralibérale de l’Union Européenne fait monter l’extrême droite dans toute l’Europe, il y en a encore qui se comportent comme l’équipage d’un navire voyant les récifs se rapprocher dangereusement, obstrue la longue vue et fonce à toute allure sachant que l’échouage est assuré !
Oui, Pierre Mendès France était un visionnaire, y compris sur la construction européenne. »