13 mars 2016

« Merci patron ». Quand la bipolarité de Marc-Antoine Jamet fait le buzz sur les écrans


Connaissant les liens qui m’unissent à Marc-Antoine Jamet : proximité idéologique, estime réciproque (du moins l’espérè-je…) respect mutuel des différences voire des divergences, certains de mes amis m’ont lancé un défi : « oseras-tu annoncer sur ton blog la projection du film Merci patron » diffusé sur les écrans lovériens en avril prochain. Certains journaux (sauf le Parisien libéré et les journaux du groupe LVMH) parlent de ce film comme d’une information vraie et surtout comme la preuve de la schizophrénie dont serait victime le maire de Val-de-Reuil. Car le thème de la controverse est simple : « comment peut-on être de gauche (1) et également secrétaire général du groupe dirigé par Bernard Arnault, peu connu pour ses idées sociales et sa philanthropie ? »

Marc-Antoine Jamet. (photo JCH)
Il ne m’appartient pas de répondre à ces questions relevant à la fois de la psychanalyse, du goût du pouvoir, de l’acquis familial (du côté de sa mère) des dons et des qualités personnels de MAJ, de sa volonté de bien gagner sa vie (résultats d’une réussite sociale et éducative) et aussi d’exercer une diversité de genres que permettent à la fois ses responsabilités élevées dans le secteur privé et ses engagements concrets au bénéfice des gens moins favorisés qu’il aspire à défendre dans le domaine public. D’un côté, donc, le salarié éminent d’une grande entreprise du CAC 40, de l’autre l’élu animateur du débat idéologique au sein du parti de Jaurès, de Blum…et de Mitterrand et acteur de la vie locale et régionale avec des bilans plutôt positifs.

François Ruffin, réalisateur de « Merci patron » a longuement répondu aux questions de La Dépêche de cette semaine. Il y explique la nature de son projet et déclare s’inscrire dans une action permanente visant à dénoncer les méfaits d’un capitalisme inhumain et injuste — ce que je ne lui reproche point, bien au contraire —. Certes, il reconnaît que les moyens utilisés ne répondent pas toujours à une éthique exemplaire (avec l’utilisation d’une caméra cachée par exemple) mais c’est une concession nécessaire, affirme-t-il, quand on veut dénoncer des pratiques qu’il juge condamnables et qui sans cela, demeureraient cachées…ou en tout cas inconnues du grand public. Son film répond ainsi à un besoin de transparence si nécessaire eu égard au déplorable spectacle que nous offrent les acteurs de la vie politique française, à droite souvent et à gauche parfois.

Interrogé, Marc-Antoine Jamet personnage important ( ?) du film — à son corps défendant — considère, selon le journaliste de La Dépêche, ce documentaire « sans intérêt. » Il est évident que placé là où il est, il préfère botter en touche et ne pas remettre un euro dans le bastringue de la mise en cause personnelle. Le film ? Pour le juger, et j’en parlerai évidemment sur ce blog, j’attends de le voir et de m’en faire une idée personnelle. Ce que j’en sais aujourd’hui c’est ce que je lis et ce qui s’en dit. LVMH, Bernard Arnault et par conséquent Marc-Antoine Jamet en prennent pour leur grade.

Dans ce documentaire, l’objectif de François Ruffin est de venir en aide à une famille détruite par la violence d’un licenciement résultat de choix industriels tant de fois dénoncés par les syndicats de salariés et nombre de partis de gauche. La délocalisation d’activités textiles a entraîné la suppression de dizaines d’emplois dans le nord dont ceux du couple Klur poussés par le directeur du journal « Fakir » à réclamer une indemnisation à hauteur du préjudice subi. « Le Monde diplomatique » (dans lequel écrit François Ruffin) met en cause nommément « Antoine Jamet ancien hiérarque socialiste. » (sic) ce qui est approximatif car Marc-Antoine Jamet (c’est son vrai prénom) est toujours le Premier secrétaire de la fédération de l’Eure du PS au sein de laquelle il ne manque d’ailleurs pas d’opposants. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce film fait le buzz pour dénoncer le double langage que tiendrait MAJ à Paris…et à Val-de-Reuil. François Ruffin sera présent à Louviers le 19 avril jour de la présentation de son film au cinéma Forum et pour une rencontre avec le public et des explications. Il a eu beau jeu de proposer au secrétaire général de LVMH un débat contradictoire que Marc-Antoine Jamet a évidemment refusé considérant sans doute qu’il s’était fait piéger.

Plus équilibré, me semble-t-il, serait de proposer à François Ruffin de tourner un autre documentaire sans caméra cachée, cette fois, sur l’action de Marc-Antoine Jamet à Val-de-Reuil. Il s’intéresserait, par exemple, au-delà des changements importants apportés à l'urbanisme de la ville, au sort de la famille Dramé. Voilà une famille sénégalaise de six personnes (deux parents et quatre enfants) menacée, il y a maintenant quelques années, de reconduite à la frontière qu’une lutte importante de la société civile relayée par la mobilisation des élus (2) a permis de sauver de l’expulsion programmée. Aujourd’hui cette famille est intégrée à la vie rolivaloise, elle dispose de papiers pérennes, le père travaille, la mère parle le Français comme vous et moi et les enfants, doués, excellent à l’école. A l’heure où tant de voix s’élèvent contre l’accueil des réfugiés, contre l’ouverture de nos frontières et où tant d’intellectuels crient avec les loups, François Ruffin ferait œuvre salutaire en mettant en exergue l’intégration réussie de cette famille appelée à devenir française. Et je ne parle pas des 10 familles (dix !) syriennes accueillies à Val-de-Reuil, une ville qui n’est pas Calais.
 
S’attarder sur les défauts, ou présentés comme tels, de Marc-Antoine Jamet, personnage public, n’est pas critiquable. Comme tout un chacun, il a ses limites et ses contradictions. Elles mériteraient toutefois d’être compensées par les actions qu’il engage ou initie en faveur des collectivités qu’il sert et des populations qui lui en sont gré. Je souhaite que François Ruffin reçoive ce message 5 sur 5.

(1)  Si « socialiste » rime encore avec gauche évidemment.
(2)  Marc-Antoine Jamet, maire, a donné sans hésiter une seconde un travail à Keba Dramé alors même qu’il ne possédait aucun titre de séjour mais c’était la condition de sa régularisation. François Loncle, député, a agi auprès de la préfète d’alors Fabienne Buccio, pour débloquer le dossier administratif et Franck Martin a proposé un logement d’urgence à Louviers d’où le succès commun.

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