28 février 2016

On connaît mieux le domaine de Louis Renault grâce à Yvette Petit-Decroix et la Société d'études diverses


Un public nombreux et attentif aux propos d'Yvette Petit-Decroix. (photo Jean-Charles Houel)
Petite annonce : cherche thésard(e) et (ou) président(e) d’association apte à passer quatre ou cinq années à éplucher les nombreux documents et archives relatifs au domaine de Louis Renault dans la boucle de Seine d’Herqueville-Connelles-Daubeuf-Muids et Andé.
Yvette Petit-Decroix trouvera-t-elle la perle rare ? Après le travail immense engagé par elle-même au titre de la pure connaissance et de la joie de transmettre, il serait bien qu’une âme passionnée s’attachât à poursuivre cette patiente et rigoureuse obsession.

La salle Pierre Mendès France de l'hôtel de ville de Louviers a connu une belle affluence, hier, répondant ainsi avec élégance à l’invitation de la Société d’études diverses à laquelle appartient Yvette Petit-Decroix très à l’aise devant son micro pour narrer une aventure humaine colossale.
Le domaine de Louis Renault, tout le monde en parle mais personne ne sait vraiment de quoi il retourne. Les pires fantaisies circulent : 20 000 hectares…un tunnel jusqu’à Château-Gaillard…Drieu La Rochelle y séjournait…que de rumeurs !

La réalité est plus prosaïque mais non moins surprenante. A son apogée, en 1939, le domaine Renault couvre 2000 hectares, il comprend une dizaine de fermes productives et surtout un ensemble de constructions neuves ou restaurées à usages professionnel et privé. Il est le résultat d’une attention permanente et d’une inlassable série d’acquisitions fruit d’une fortune évidente. Le constructeur automobile a tout compris du système puisqu’il réussira à acquérir des chemins communaux ou des équipements publics allant même jusqu’à rénover l’église d’Herqueville !

Louis Renault, bricoleur de génie, a découvert la boucle de Seine par hasard, il jette sur elle son dévolu au début du 20e siècle imaginant y développer un domaine agricole très varié : céréales, vaches laitières, beurre, porcs, volailles, lapins et même le cidre ! N’en jetez plus la cour est pleine. Situé près de Paris, relié à la capitale par route et voie ferrée, dans un site merveilleux, le domaine exceptionnel de Louis Renault lui permettra d’exprimer tous ses talents d’industriel, d’inventeur, de bâtisseur. 
Yvette Petit-Decroix.

Au fil des années, les hectares s’accumulent, les châteaux et les fermes s’embellissent, les productions se diversifient. Maison de matelots en bord de Seine, château d’habitation sur les hauteurs, architecture anglo-normande, mécanisation des outils de production, ordre et organisation rationnelle, régisseurs, chefs de fermes, à l’évidence sans la seconde guerre mondiale, le domaine Renault se serait encore considérablement épanoui et aurait fait de notre région immédiate l’une des plus enviées de l’ouest parisien.

Yvette Petit-Decroix ne dira mot de la fin de vie de Louis Renault. Comme on le sait, ses usines de Billancourt seront nationalisées quelques mois après sa mort par le gouvernement du général De Gaulle pour faits de collaboration économique. De 1940 à 1944, des chars, des camions et d’autres engins sont sortis des usines de l’île Seguin et ont immédiatement équipé l’armée allemande. Décédé en octobre 1944 (1) dans la cellule qu’il occupait à la prison de Fresne, il n’aura donc jamais été jugé. Certains ont expliqué la mort de Louis Renault par de mauvais traitements qu’on lui aurait infligés. Il semble, en réalité, qu’il soit mort des suites de maladie. Il avait 67 ans. Son fils Jean-Louis a tenté de poursuivre l’œuvre entreprise mais en 1962, le domaine est éclaté et c’est la fin de l’histoire. Fin provisoire, peut-être, si, comme je le crois, une bonne âme accepte de se saisir du flambeau brandi par Mme Petit-Decroix. Parmi les nombreux propriétaires actuels des châteaux, maisons, terrains, il en est qui ignorent l'origine de leur bien. Cette conférence et le livre de Mme Petit-Decroix éveilleront sans doute des vocations d'historien parmi ces successeurs de Louis Renault.

(1) En 2011, sept des petits-enfants de Louis Renault engagent une procédure afin d'obtenir une indemnisation du préjudice causé par la nationalisation. Ils tentent de faire valoir une question prioritaire de constitutionnalité, en arguant du fait que l'ordonnance N° 45-68 du 16 janvier 1945 qui institue la nationalisation serait contraire aux droits fondamentaux, de la propriété notamment. Ils sont déboutés le 11 janvier 2012 : le tribunal de grande instance de Paris se déclare incompétent pour statuer sur leur demande. Leurs avocats annoncent leur décision de faire appel. Le 21 novembre 2012, la cour d'appel de Paris confirme la décision du tribunal de grande instance de Paris et déboute la famille Renault.

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