13 janvier 2016

Goodyear : Une justice forte avec les faibles et faible avec les forts


La condamnation à neuf mois de prison ferme à l’encontre des quelques syndicalistes de l’ancienne usine Goodyear est choquante. Cette décision prise par une justice certes indépendante, mais après des réquisitions ahurissantes de la part du procureur représentant l’Etat, l’est d’autant plus, qu’aucune violence physique n’a été exercée à l’encontre des deux cadres séquestrés. L’existence d’une violence morale d’un niveau somme toute supportable puisque les deux personnes en question ont retiré leur plainte est sans doute réelle. Comme toujours, il faudra placer sur les plateaux de la balance les insupportables effets des licenciements et des pertes d’emplois par centaines (1) ainsi qu’un geste aussi désespéré qu’éphémère.
Il ne fait pas de doute que la création d’une situation précaire voire humiliante pour les salariés résultant du mépris des responsables du groupe américain n’a pu qu’engendrer une rancœur et une amertume facilement compréhensibles.

Revenons à la décision de justice. Quels sont les buts avoués (ou non) des juges du tribunal d’Amiens et du gouvernement actuel ? Créer un climat d’inquiétude et de renoncement de la part des salariés menacés de perdre leur emploi ? Les empêcher d’engager une lutte dégageant un rapport de forces favorable pour sauver ce qui peut encore l’être ? Amener les syndicats à se coucher devant l’oppression qu’entraînent des décisions industrielles mortifères souvent motivées par l’appât du gain ?

J’avoue ne pas comprendre. Cogner si fort contre une séquestration de 48 heures sans nuire aux conditions de vie confortables des « victimes » de la part des « criminels » n’est pas un bon signal. J’espère que les juges de la cour d’appel sauront apprécier à sa juste mesure une attitude symbole de détresse et non d’agressivité. Il est heureux qu’une ministre — Mme Boitard — et que des députés socialistes (en plus de représentants de la gauche de la gauche) aient considéré comme outrancier le jugement d’Amiens. Personne ne pourrait en effet comprendre la mansuétude affichée à l’égard des délinquants en col blanc et le traitement brutal infligé aux salariés.

(1) Depuis le licenciement des salariés de Goodyear dont l’usine a été délocalisée en Russie, on a compté suicides, divorces, dépressions en pagaille. Si ce n’est pas de la violence…

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