26 février 2015

Yves Calvi s'use et nous use


Yves Calvi
Interloqué ! C’est l’adjectif qui me vient à l’esprit après avoir regardé l’émission C dans l’air, hier soir. Sur le plateau animé par Yves Calvi, se retrouvent les habitués comme Yves Thréard, Bruno Jeudy (passé du JDD à Paris-Match) Michèle Bernard-Requin, magistrat honoraire et Yves Charpenel, avocat général à la Cour de Cassation.

Interloqué de constater qu’une émission du service public consacre une heure de son temps à commenter, analyser deux procès dont les jugements ne seront connus que dans quelques mois : l’affaire Bettencourt et l’affaire dite du Carlton de Lille. Autrement dit, il existe des magistrats, pesant actuellement les arguments des uns et des autres, influencés directement ou indirectement par ceux-là même qui pendant une heure ne se privent pas d’accuser le pouvoir de connivences ou d’accointances avec la presse ! C’est le monde à l’envers…

Comme l’émission s’intitulait « justice-politique, non-lieu » pour expliquer comment Sarkozy et Woerth d’une côté, DSK de l’autre, ont été mêlés (ou pas) aux affaires. Les protagonistes ne se cachaient pas de connaître la fin de l’histoire avec des relaxes pour DSK et Woerth. Dans ces conditions on se demande bien à quoi servent les juges ?

D’Yves Thréard, on sait ce qu’il pense et on sait aussi ce qu’il faut en penser. Rédacteur en chef du Figaro, il fait du Figaro, dans ce qu’il a de plus engagé, à droite évidemment. Il défend deux lignes : soutien à Sarkozy sans nuances, propos bruts parfois brutaux, détestation de la gauche, quelle qu’elle soit. Thréard ne surprend pas : c’est le champion de l’enfoncement des portes ouvertes. Le roi du banal et du prêt à penser.

Bruno Jeudy (ancien du JDD) nous a plus étonné. Son arrivée à Paris-Match a certainement une influence sur sa nouvelle façon de réfléchir et sur ce qu’il se sent autorisé à dire. Les doutes ont disparu, la prudence avec, le journaliste y va carrément. Les juges d’instruction sont dans son collimateur…si la presse sait tout, il suffit de se tourner vers les avocats mais également vers certains magistrats. Oui, et alors ?

Mme Bernard-Requin ne fait pas dans la dentelle. Elle s’en est prise au Syndicat de la Magistrature (25% des magistrats) « classé à gauche », comme Yves Calvi, sans qu’il ait pensé un seul instant à inviter une représentant du SM, à donner la parole à sa secrétaire générale mise en examen pour injure après le fameux « mur des cons ». L’affaire est vite jugée : le SM est condamné sans débat contradictoire sur un plateau télé en quelques minutes. Faut-il en tirer la conclusion que tous les autres magistrats seraient classés à droite ? Sont-ils, ces magistrats, au-dessus de tout soupçon d’orientation ?

Yves Charpenel est le plus mesuré et le plus prudent des cinq. Est-ce parce qu’il préside une association de lutte contre la prostitution partie civile au procès de Lille ? Est-ce parce qu’il accorde plus d’importance au débat public contradictoire, à la seconde instruction en quelque sorte ? Il aura été le seul des cinq à se montrer à la hauteur du débat et respectueux des jugements à venir.

Ma conclusion : Yves Calvi en fait trop. Il ne parvient plus à conserver la distance nécessaire au débat. Ses invités — toujours les mêmes — s’usent et nous usent. On comprend bien que les producteurs de C dans l’air veuillent faire le buz. Mais pas comme ça et pas avec ces gens-là.

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