18 septembre 2014

« Ils ont du pain et ils voudraient de la brioche »


«Il y a dans cette société une majorité de femmes et il y en a qui sont pour beaucoup illettrées. On leur explique "vous n'avez plus d'avenir à Gad ou aux alentours, allez travailler à 50 ou 60 km". Ces gens-là n'ont pas le permis de conduire ! On va leur dire quoi ? "Allez passer le permis de conduire, allez attendre un an"? Ça ce sont des réformes du quotidien. »
Emmanuel Macron, ministre de l’économie parle juste mais avec brutalité. Pour qualifier des salarié(e)s d’illettrés donc de personnes incultes et ignorantes, il faut posséder une haute idée de soi-même. Il est vrai qu’Emmanuel Macron est fort en thèmes mais il est vrai aussi qu’une tête d’œuf, aussi pleine soit-elle, n’est pas toujours bien faite.
Factuellement, Emmanuel Macron a raison. 20 % des salarié(e) de l’abattoir Gad relèvent de l’illettrisme. Il a également raison quand il met en avant les difficultés de formation pour des personnes ne possédant pas les savoirs fondamentaux. Passer le permis de conduire oblige à savoir lire notamment le code de la route et à écrire pour répondre aux questions.
Le fait est pourtant qu’un ministre, même sans parler la langue de bois, doit veiller à respecter la dignité des personnes. Il doit veiller à ne pas stigmatiser ou humilier des gens dans la panade et qui n’ont pas besoin d’être un peu plus montrés du doigt. Emmanuel Macron s’est excusé publiquement de son propos pour ce que son cabinet appelle une maladresse. C’en est une pour le moins.
Mais cette maladresse nous en apprend beaucoup sur ces gens de la haute comme on les qualifiait à une certaine époque. Coluche nous manque tant, il aurait dit : « Ne vous inquiétez pas, vous n’en êtes pas de la haute et moi non plus. » Et pourtant, je croyais que la gauche se distinguait d’une certaine droite en veillant, comme dirait le président de la République, à ne point blesser les pauvres, les humbles, les précaires, les illettrés (1). Car si des adultes sont illettrés en France, en 2014, c’est qu’il existe un gros bug, pour parler moderne, dans le système éducatif et dans la tolérance manifestée à l’égard de ce handicap malheureusement sérieux pour 7 % de nos compatriotes.
Il appartiendrait aux spécialistes du langage ou de la psychanalyse de décrypter  le propos d’Emmanuel Macron. Je ne suis pas loin de penser que l’inconscient de M. Macron nous révèlerait une propension à vouloir se distinguer de tous ces gens pour lesquels il doit penser et agir. Marie-Antoinette ne disait-elle pas en parlant des révolutionnaires de 89 : « Ils ont du pain et ils voudraient de la brioche ! » Non mais…
(1) En réponse aux « sans dents » de Valérie Trierweiler.

Aucun commentaire: