8 janvier 2014

Il s'est trouvé des sénateurs de gauche pour refuser la levée de l'immunité parlementaire de Serge Dassault


Serge Dassaut (photo JDD)
Corbeil-Essonnes est une drôle de commune. Le maire, Jean-Pierre Bechter est un protégé de Serge Dassault et l’opposition de gauche doit faire face à des pratiques qu’on espérait d’un autre âge en démocratie. Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, les méthodes pour gagner sont les mêmes. L’une est d’une simplicité enfantine : on paie les électeurs et en remerciement, ils choisissent le bulletin de vote du généreux donateur. Évidemment, pour aller sonner chez les gens, il faut des exécutants et les choisir ne relève pas d’une équation simple. Leur moralité laisse à désirer et il arrive que des bavures se produisent. On en vient aux mains et aux armes. C’est ainsi qu’un tireur a tenté de dézinguer un collègue chipeur de voix pour des « notes » de frais mal réparties ou mal équilibrées.
Dans un enregistrement maintenant célèbre et publié sur le site Médiapart, Serge Dassault avoue ces pratiques…inavouables. Il évoque même les centaines de milliers d’euros qu’il a investis pour gagner lui-même ou faire gagner les élections par ses amis. Comme toute bonne chose a une fin, Il annonce qu’il ne versera plus un sou. Depuis la justice a été saisie et des juges d’instruction désignés. Ils collectent des témoignages permettant de rassembler des indices graves ou concordants permettant d’envoyer les protagonistes devant le tribunal correctionnel.
Mais il y a un hic. Serge Dassault est sénateur. Du temps de l’ancien président Gérard Larcher (UMP) M. Dassault, avionneur et grand patron de presse, avait même un bureau personnel et permanent au sénat. Avec l’arrivée d’une majorité (théorique) de gauche, ces avantages ont pris fin. Pour interroger Serge Dassault, ce que les juges ont déjà fait, et utiliser les moyens coercitifs qu’on oppose à tout un chacun, les magistrats instructeurs ont sollicité du bureau du Sénat la levée de son immunité parlementaire. Le bureau comprend une majorité de sénateurs de gauche et cette levée d’immunité aurait dû passer comme une lettre à la poste. Mais les votes à bulletins secrets possèdent une part de mystère qu’il appartient aux exégètes d’interpréter : vous me croirez si vous voulez, mais Serge Dassaut a échappé aujourd’hui même à cette levée d’immunité si bien que les juges ne pourront pas le placer en garde à vue !
Le signal envoyé par les honorables parlementaires est ravageur. Les citoyens sont en droit de se demander pourquoi Serge Dassault a bénéficié de cette mesure et ils doivent s’interroger sur l’amitié, sincère ou pas, l’activation des réseaux, connus ou inconnus, le réflexe corporatiste de ces élus de la nation qui en prennent vraiment à leur aise. Comme on ignore qui, à gauche, a refusé de lever cette immunité refusée par la droite, on soupçonne tout le monde et c’est dramatique. Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice socialiste s’est déclarée scandalisée et époustouflée. Jean-Pierre Bel, président du Sénat, avoue son impuissance. Une fois de plus, comme Lionel Jospin jadis, il serait temps de se poser la question : le séant est-il réellement une anomalie démocratique ? Je réponds oui.
Il est ainsi assez aisé au Syndicat de la magistrature de dénoncer après cette décision du Sénat une « justice d’exception où les parlementaires se protègent entre eux du déroulement normal d’investigations pénales. Il est inadmissible, dans un État de droit fondé sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance de l’autorité judiciaire, que perdure ainsi un régime permettant au pouvoir législatif de faire obstruction au fonctionnement de la justice ». De son côté, Anticor « s’élève contre cette décision qui jette le discrédit sur l’ensemble de la classe politique et porte atteinte au fonctionnement de la justice »

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