5 janvier 2013

La section de Louviers des droits de l'Homme a remis une lettre à Laurent Fabius pour François Hollande

L'arrivée de François Hollande au musée de Louviers (photo JCH)
« La section de Louviers de la Ligue des droits de l’Homme apprécie particulièrement que vous ayez fait inscrire sur l’agenda présidentiel une visite en forme d’hommage à la mémoire de Pierre Mendès France, ancien député-maire de Louviers et Président du Conseil. Saisissant l’opportunité de votre présence, les militants locaux de notre association souhaitent vous faire part des réflexions que leur inspirent certains des évènements politiques survenus dans notre pays depuis le mois de mai 2012. Nous nous sommes unanimement réjouis, après votre élection, qu’un nouveau Premier Ministre et un nouveau gouvernement se soient rapidement mis à la tâche afin de projeter notre pays dans un avenir solidaire en engageant des orientations en rupture avec celles mises en œuvre sous la précédente législature. Persuadés que les changements nécessaires ne pouvaient se construire que sur la base des droits fondamentaux, et restant fidèles à notre conception de la citoyenneté, nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt les chantiers ouverts par le gouvernement, en accordant une attention particulière aux domaines relevant du champ habituel de nos activités.

Le discours de politique générale prononcé par le Premier Ministre devant l’Assemblée nationale s’inscrivait dans la droite ligne des propositions que vous aviez précédemment formulées en tant que candidat. Nous y avons apprécié les références nombreuses et fortes faites aux valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice évoquées comme des facteurs de cohésion, d’efficacité et de progrès. Mais parallèlement aux signaux positifs envoyés par le nouvel exécutif, que ce soit en termes de dialogue social, de logement, d’éducation..., d’autres signaux sont rapidement venus nourrir des interrogations.

 Situation des migrants

L’attribution au ministère de l’Intérieur de l’essentiel des pouvoirs en matière d’immigration, d’asile et de naturalisation s’inscrit, pour nous, dans la droite ligne de la politique antérieure, qui consistait à aborder la question de l’immigration sous un angle purement policier. Nous ne saurions trop vous alerter sur le fait qu’en reproduisant les schémas antérieurs, le gouvernement semble s’interdire de les remettre en cause, au risque de reproduire les mêmes errements et d’entretenir les tensions artificiellement créées sur le sujet, alors qu’il nous paraît essentiel de rompre avec le paradigme de défiance et de répression.

— Droit de vote des étrangers

Nous nous étions réjouis de votre engagement en faveur du droit de vote de tous les étrangers aux élections locales. Nous continuons à penser que ce point doit être une mesure-phare de votre quinquennat. C’est une réforme de justice et de cohésion sociale, sur laquelle il nous paraît indispensable de ne pas céder aux pressions de la droite et de l’extrême droite, en pleine surenchère xénophobe. Bien conscients des difficultés de mise en œuvre des modifications constitutionnelles requises, nous persistons à compter sur votre volonté réformatrice en ce domaine.

— Critères de régularisation

Au mois de novembre, le Ministre de l’Intérieur  a fait paraître une circulaire destinée à fixer des critères stables et pérennes applicables par toutes les préfectures pour l’examen des demandes de titres de séjour. Comme de nombreuses autres associations, nous déplorons qu’il n’ait pas été réellement tenu compte des propositions alternatives que nous opposions à celles que défendait le ministère dès le départ, alors que la parution du texte avait été longtemps différée pour permettre justement une véritable concertation. Par ailleurs, compte tenu des critères retenus, rien ne garantit que l’arbitraire des préfectures ne puisse perdurer, sachant que l’éloignement du territoire demeure la règle. Nous n’avons aucune certitude sur la cessation des dérives constatées ces dernières années, alors que l’attente d’une politique nouvelle était forte. Nous réaffirmons la nécessité d’un débat sur l’immigration, devant aboutir à une réforme législative du droit au séjour, du droit d’asile, et du contentieux de l’éloignement qui soit respectueuse des droits fondamentaux.

— Dérives sécuritaires et intrusives

Votre proposition de « lutter contre le délit de faciès » dans les contrôles d’identité « grâce à une procédure respectueuse des citoyens » nous paraissait une question essentielle en termes de respect des droits. Elle ne peut selon nous être réglée par une simple mise à jour du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie.

En forme de conclusion, nous n’ignorons pas que les instances nationales de la Ligue des droits de l’Homme bénéficient maintenant vis à vis de plusieurs ministères d’une écoute qui ne leur était pas garantie précédemment, et nous sommes sensibles au changement de tonalité accompagnant cette nouvelle approche. Les remarques développées dans le présent mémorandum sont bien entendu conformes aux positions de notre Bureau national, et ne font pas état de spécificités territoriales, mais elles émanent de militants qui, par leur expérience de terrain, ont pensé pouvoir vous présenter leur vision propre, en nourrissant l’espoir qu’elle puisse retenir votre attention. »

Pour la section de Louviers de la Ligue des droits de l’Homme, son Président, Bernard Parisot

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