31 janvier 2012

« À l’eau, à l’eau, y a Veolia dans l’tuyau ! » par notre envoyé spécial à Marseille

Le quinquennat de Sarkozy a démarré sur le yacht de Bolloré et se termine en pirogue


De notre envoyé spécial à Marseille : 
 
Dans quelques semaines, du 6 au 17 mars, va se tenir à Marseille, sous l’égide du Conseil mondial de l’eau, le 6ème Forum mondial de l’eau. Quelque 25 000 personnes venant du monde entier sont attendues dans la cité phocéenne. En pleine campagne électorale des présidentielles, on pourrait craindre que cette manifestation passe quelque peu inaperçue. Pourtant…
On ne peut évidemment pas passer sous silence un tel évènement. Mais avant de dire pourquoi, il est indispensable de bien rappeler ce qu’est le « Conseil mondial de l’eau », quel est son rôle et quels sont les enjeux du « Forum mondial de l’eau » qu’il organise. Conseil mondial de l’eau : dit comme cela, ça fait vraiment très important, très officiel. Ça ressemble à une organisation internationale. Ça a la saveur d’une organisation internationale. Ça a toutes les apparences et le discours d’une organisation internationale, comme par exemple l’Unesco ou l’Unicef… Mais, sous ces apparences de respectabilité et de légitimité, c’est un organisme tout ce qu’il y a de plus privé au service d’intérêts privés.

Le Conseil mondial de l’eau (CME), c’est un rassemblement auquel participent cependant des ONG, les gouvernements d’une cinquantaine de pays et des organisations internationales, au motif vertueux de résoudre les problèmes de l’eau dans le monde. Son siège est à Marseille et son président, M. Loïc Fauchon, se trouve être également – hasard de l’existence – celui de la Société des Eaux de Marseille, filiale de Veolia. Cet organisme privé qui s’autoproclame « responsable de l’avenir de l’eau dans le monde » entendrait dicter à l’ensemble des pays de la planète des orientations et des recommandations dont on a constaté au travers des diverses interventions des participants au dernier Forum mondial de l’eau d’Istanbul, en 2009, qu’elles s’accordaient aux vues et aux intérêts des grandes multinationales de l’eau. À titre d’exemple, le Conseil mondial de l’eau a refusé d’entériner la notion de droit à l’accès à l’eau lors de ce dernier Forum. Sont notamment membres du CME, Veolia, Suez-Lyonnaise des Eaux, Fédération professionnelle des entreprises de l’Eau (FP2E), Groupe Genoyer, Évian, Volvic, Sources internationales, Degremont, Areva, Price Waterhouse, Coopers Advisory (expertise financière), etc.
Ceci énoncé, il apparaît dès lors comme une évidence que ce « Conseil mondial de l’eau » et son forum ne sont que le faux-nez des multinationales de l’eau. Et leur outil, sous couvert d’expertise et de savoir-faire, pour mettre la main sur l’eau partout dans le monde où des États sont prêts à leur ouvrir les portes de ces juteux marchés. Il n’est alors pas difficile de comprendre pourquoi s’est mis en place depuis quelques années, le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME), l’équivalent de ce qu’est au Forum de Davos, le Forum social mondial en termes de développement économique altermondialiste. Le FAME se tiendra aux mêmes dates, également à Marseille.

Il est organisé par plusieurs dizaines d'associations, de syndicats et d'élus de nombreux pays, pour qui « l'eau, patrimoine commun de l’humanité, n’est pas une marchandise ». Le FAME veut donner la parole à tous ceux qui, partout dans le monde, «se battent contre l'accaparement de l'eau et des terres, pour la protection des sources, contre la pollution et la surexploitation, contre la privatisation de l'eau et de l'assainissement par les multinationales ».
Rappelons enfin qu’aujourd’hui encore, un milliard d’êtres humains sur terre n’ont pas accès à l’eau potable. Trois milliards vivent sans assainissement. Chaque année, 1 800 000 meurent de maladies qui sont la conséquence de la consommation d’eau souillée. Les enjeux humanitaires sont donc de taille, et nous serons très attentifs aux travaux du FAME.

Mais revenons au 6ème Forum mondial de l’eau. À ce grand raout, se retrouvera bien entendu tout le gratin néolibéral du très branché « capitalisme vert ». À commencer par le sémillant Serge Lepeltier, maire de Bourges, ancien ministre de l’Écologie et du Développement durable de 2004 à 2005 dans le gouvernement Raffarin III, ci-devant Ambassadeur du climat de sa Majesté Nicolas Ier. Après vous, Excellence ! On devrait sans doute y rencontrer aussi Nathalie Kosciusko-Morizet, l’actuelle ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement enfin remise de son excursion en pirogue sur le Maroni ; ainsi que notre phénix national du Grenelle de l’Environnement : j’ai nommé Jean-Louis « Bord l'eau », le repiqueur de corail. Ce fameux Grenelle de l’Environnement, Himalaya de l’attrape-gogos qui a accouché d’une souris verte ; coproduit avec le bonimenteur de l’Élysée avant que ce dernier ne déclare, excédé, aux acteurs de l’agro-industrie : « l’Environnement, ça commence à bien faire ! ». Allez, circulez les Verts !
À ce 6ème Forum mondial de l’eau, la liste des visiteurs de marque n’est pas close. Il se dit qu’on devrait également y croiser un certain nombre de candidats à la présidentielle, et non des moindres... Pour les noms de ces derniers, les paris sont ouverts. À vous de jouer ! Et à bon entendeur, salut !

H. Dezeaux
Envoyé spécial





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