3 janvier 2012

Affaire SeaFrance : « Car, tel est notre bon plaisir… »


« On connaissait chez Nicolas Sarkozy cette propension à cultiver le mépris des autres qui est sa façon de leur signifier que c’est lui, et lui seul, qui dispose du pouvoir. Il n’est pas de semaine où le Canard enchaîné ne rapporte une circonstance où il s’est comporté de manière odieuse avec son entourage, qu’il s’agisse de ses plus proches collaborateurs ou de ses ministres, voire même avec des chefs d’État étrangers. C’est là l’aboutissement le plus détestable de notre monarchie républicaine, qui rend urgente une VIème République rompant avec cette caricature de démocratie.
 Le comble a sans doute été atteint hier avec l’affaire SeaFrance à Calais, cette compagnie de transport maritime en difficulté dans laquelle l’État possède des participations au travers de la SNCF. Pendant des mois, il a laissé pourrir la situation et ses ministres de nous expliquer en plusieurs occasions que le projet de reprise en SCOP (société coopérative ouvrière de production) que tentaient désespérément de mettre sur pied les quelques 880 salariés de l’entreprise avec leurs représentants syndicaux pour sauver leurs emplois n’était pas viable. Que la position des syndicats sur cette solution était pure folie de jusqu’au-boutistes, enfermés dans leur idéologie gauchisante et leur délire. Hier matin, il a laissé la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet venir devant l’antenne de France Inter redire cela et qu’il était juridiquement impossible d’aider financièrement les salariés à monter leur SCOP sans déclencher les foudres de Bruxelles.
Deux heures plus tard, la ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement et Thierry Mariani, son sous-ministre en charge des Transports, étaient publiquement désavoués par le président de la République qui sortait, tel le magicien le lapin de son chapeau, la solution miracle : celle-là même dont il venait de nous être démontré deux heures auparavant qu’elle était impossible à réaliser. Suprême humiliation pour ces deux inconditionnels de Nicolas Sarkozy ainsi démentis et ridiculisés de la pire manière qui soit.
Pourquoi donc cette volte-face du locataire de l’Élysée ? On sait pourtant l’aversion viscérale de la droite en général et du patronat en particulier pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à un système coopératif où les salariés seraient propriétaires de leur entreprise. C’est pour eux la hantise absolue. Mais, pour la première fois depuis fort longtemps, l’idéologie libérale du pouvoir en place n’aura pas résisté à la réalité qui s’annonçait catastrophique en termes électoraux en cas de fermeture définitive de l’entreprise. Le président s’est souvenu de l’image désastreuse qu’avait donnée avant lui Lionel Jospin pendant sa campagne de 2002, impuissant à la fermeture de l’usine Lu à Évry. Il a vu là l’occasion de reprendre la main au bon moment et, avec le sens politique qu’on lui connaît, s’en est aussitôt saisi. Pour ceux d’entre nous qui en douteraient encore, Nicolas Sarkozy est prêt à tout pour conserver le pouvoir. Je dis bien tout et je pèse mes mots. Il suffit pour cela de se souvenir de la manière dont il a embarqué l’an passé la France dans la guerre en Libye dans le seul espoir de faire remonter sa popularité. Nous ne sommes probablement qu’au début de nos surprises.
Quant aux représentants syndicaux de SeaFrance, totalement abasourdis par la nouvelle, ils ont raison de se méfier. Cet homme est sans aucun scrupule, et le plus brillant spécialiste de l’enfumage et des coups tordus de sa génération. Il n’est pas arrivé jusque là par hasard. Et l’on sait désormais ce que valent ses promesses. La plus extrême vigilance reste par conséquent de mise.

Reynald Harlaut
Je souhaite à toutes et à tous les lectrices et lecteurs de ce blog, une belle année 2012.
NDLR : J’y joins évidemment mes vœux. (JCH)

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