5 août 2011

Le mois d'août s'annonce bien chaud sur le front des affaires

La décision de la chambre d'instruction de la Cour de justice de la République d'enquêter sur les actes et comportements de Christine Lagarde dans l'affaire Tapie pour complicité de faux en écritures publiques n'est pas étonnante. Bien que son avocat clame urbi et orbi que cette décision permettra d'innocenter la ministre, d'autres juristes ne sont pas de cet avis. Certes, ne piétinons pas la présomption d'innocence. Mais soyons lucides : la décision de recourir à l'arbitrage et de passer outre les conseils et avis négatifs de spécialistes place Christine Lagarde dans une situation délicate même si elle a obéi aux ordres de l'Elysée. La directrice du FMI n'est pas au bout de ses peines

Car l'objectif était bien de complaire à Bernard Tapie et de lui renvoyer l'ascenseur. Proche de Sarkozy, Tapie a finement joué l'amitié politique et bénéficié d'une mansuétude financière exorbitante. Comme l'a bien dit Charles de Courson, député Nouveau centre et membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale, « on n'a jamais vu quelqu'un toucher 45 millions d'euros pour un préjudice moral. Un million c'est déjà le bout du monde. » Nanard rigole. Quand on lui demande s'il est inquiet et s'il devra un jour rembourser les sommes touchées (de l'argent de l'Etat !) il explose et affirme que jamais, au grand jamais, il ne devra rendre un centime.

Décidément l'été nous réserve bien des surprises. Le site Médiapart va publier sur plusieurs semaines (façon wikileaks) les 5000 documents en sa possession et concernant l'affaire Takiedine, un franco-libanais très très proche du pouvoir actuel et mêlé de très très près à des turpitudes financières que Mediapart présente comme scandaleuses. On y retrouve Jean-François Copé, Brice Hortefeux, Claude Guéant, Edouard Balladur, toute la Sarkozie, en un mot, la Sarkozie amoureuse du pouvoir et de l'argent. Les documents ? Des photographies, des lettres de conseils de Takiedine, des propositions de rendez-vous en pays étrangers (Arabie Saoudite, Libye…) et si possible en dehors des voies diplomatiques habituelles. Tout cela fleure bon le scandale d'Etat. Mediapart insiste sur le fait que la Justice n'est pas saisie de certaines affaires et que la grande presse (écrite) devra, tôt ou tard, s'intéresser au dossier.

Enfin, cerise sur le gâteau, Eric Woerth a bien été mis en garde contre sa décision de vendre l'hippodrome de Compiègne pour la somme de 2,5 millions d'euros. Le Canard enchaîné de cette semaine publie des documents irréfutables et allant tous dans le même sens : Woerth a passé outre l'avis d'organismes publics qui défendaient à la fois un montant dix fois plus élevé et une procédure concurrentielle ignorée par l'ancien ministre. Le mois de juillet a été bien froid pour les touristes et les vacanciers. Août s'annonce plus chaud sur le front des affaires.

4 août 2011

J'ai sollicité un débat sur les délégations de services publics

Dans un texte paru sur ce blog en juin dernier, j'ai expliqué comment les multinationales de l'eau et surtout leurs fondations, subventionnent certaines associations humanitaires liées, de près ou de loin mais surtout de près aux élus des agglomérations ou des communes ayant partie liée avec elles. J'ai évoqué un système de dette qui n'est rien d'autre que l'expression choisie affirmant qu'on ne mord pas la main qui vous nourrit. J'ai pris l'exemple de l'association d'aide à Bohicon, village béninois, et j'ai commis l'erreur de préciser que le président en était Hubert Zoutu, maire de Heudebouville.

En réalité, ainsi qu'on peut le lire sur le site de la fondation Véolia, il s'agit de l'association "Collectif Tiers Monde des cantons de Louviers et Val de Reuil" qui développe depuis des années des actions de solidarité avec les pays d'Afrique sub-saharienne. Autour de la ville de Bohicon, elle mène désormais un projet d'adduction et d'assainissement de l'eau pour améliorer les conditions de vie des villageois. En 2009, 70 000 euros (et non 80 000) ont été attribués à cette association. Hubert Zoutu a été très fâché par mon article. Très hostile aux blogs et à ceux qui les alimentent, il vient de réagir pour corriger mes erreurs ponctuelles — ce qui est très bien — mais en utilisant un canal…plus politique.

En effet, Hubert Zoutu a écrit aux militants de la section socialiste de Louviers pour les prendre à témoin d'une querelle qui ne la concerne pas directement. Je rappelle que mon blog n'est pas le blog du PS local ni d'aucune structure du PS. Il s'agit d'un site libre, indépendant, sur lequel plusieurs voix s'expriment, qu'elles soient Parti de Gauche, NPA, Parti communiste ou autre…Il se trouve que je suis membre de la section socialiste de Louviers. Hubert Zoutu aurait dû répondre à mon article sur mon blog et pas écrire aux militants PS dont certains ne lisent pas mon blog ni ne connaissent l'affaire. Peut-être y-a-t-il des raisons à cette démarche, raisons qu'il faudra m'expliquer.

Comme je ne fuis pas le débat, j'ai sollicité Christian Renoncourt, secrétaire de la section socialiste de Louviers, pour qu'il organise à la rentrée, un débat interne sur les délégations de services publics de l'eau et de l'assainissement, notamment au niveau de la CASE. Je suis évidemment prêt à défendre mes arguments pour le retour en régie publique, arguments d'autant plus aisés à avancer que le laboratoire des idées du Parti socialiste vient d'éditer un épais document sur la gestion démocratique de l'eau. Parmi les recommandations préconisées, on y lit l'interdiction de toute aide des fondations des grands groupes de l'eau, les participants aux travaux considérant — c'est ma position aussi — que des liens financiers créent des obligations douteuses avec Véolia, Suez ou la SAUR pour ne citer que les trois principaux groupes français. En bon socialiste, Hubert Zoutu se fera un plaisir d'accepter une des 30 règles nécessaires et proposées par le laboratoire des idées en cas de victoire de la gauche aux élections majeures.

1 août 2011

Citoyenneté, liberté, psychiatrie : déclaration d’entrée en résistance


« La loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge » et ses décrets d’application entrent en vigueur. Le mouvement fort de lutte contre cette loi peut et doit se poursuivre après sa promulgation.
Cette loi, —dans la même veine que celles sur les étrangers, l’immigration, la récidive, la rétention de sûreté, la justice des mineurs, la sécurité intérieure, etc.— participe des atteintes considérables portées aux libertés et aux droits sociaux. Elle organise
[1] <#_msocom_1>  la surveillance sociale des vulnérables et précaires stigmatisés en « classes dangereuses ». A l’exemple du fichage généralisé de tout fauteur de trouble et mauvais élève potentiel, elle ouvre même un « casier psychiatrique » des « malades mentaux », sans véritable « droit à l’oubli ».
Cette loi est fondamentalement inacceptable car elle impose la contrainte et le contrôle social comme organisation du soin en psychiatrie, de l’hôpital au domicile, sous la nouvelle appellation aberrante de soins sans consentement. La position soignante dans sa qualité relationnelle y est dégradée en « expertise de dangerosité », ce qui aggrave la situation actuelle faite de souffrance psychique et de désillusions dans de nombreuses équipes, avec pour résultat d’amplifier les errements de sens du soin à domicile.
L’« entrée » en observation et soin se fera désormais par une garde à vue psychiatrique de 72 heures, sans même les garanties arrachées récemment dans le cas de la garde à vue policière.
La psychiatrie contemporaine a remis en cause significativement le grand renfermement. Les luttes organisées par les professionnels, les usagers, les militants des droits de l’homme ont obtenu le développement des droits et mis en cause la légitimité de l’enfermement et du statut d’exception du « fou ».
Nous n’acceptons pas que la psychiatrie et la santé mentale soient embrigadées comme faisant partie des polices de la société. Nous récusons la politique de la peur.
Faisant fi de tout débat sur l’obligation de soin et le droit au refus de traitement, le pouvoir impose des dits « soins sans consentement » jusqu’au domicile : assignation à résidence, programme de soins imposé et appelé à fonctionner sur le mode du chantage ou du marchandage, traitements médicamenteux contraints y compris à domicile, géolocalisation, etc. Nous dénonçons l’hypocrisie du législateur et la duperie de la loi : un véritable soin psychique ne peut se concevoir sans le consentement.
A cette orientation répulsive donnée au soin psychiatrique s’adjoignent les effets et conséquences de la logique entrepreneuriale et de la casse du service public. Nous refusons le type de moyens supplémentaires attribués après le discours d’Antony de décembre 2008 pour « sécuriser ». Nous exigeons une orientation et des moyens qui relancent la psychiatrie de secteur, assurent et pérennisent les pratiques fondées sur l’éthique de la complexité, du prendre soin, de l’accueil, de l’hospitalité, du rôle des tiers sociaux et familiaux, de l’accompagnement, d’une réelle réhabilitation, …..
Pour en former contours et contenus, nous sommes favorables à un débat national dont l’objet soit :
  l’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011. l’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011. La nécessité d’une loi qui en finisse avec l’exception psychiatrique et qui relève du soin psychique bien conçu articulé au droit commun: c’est-à-dire de l’autorisation et du contrôle du juge civil.
       la mise en chantier d’une loi programmatique pour une psychiatrie démocratique dont l’objet et l’éthique sont proposés dans notre manifeste initial, qui soit à l’opposé des gouvernances de mise au pas gestionnaire dont sont représentatifs les plans de santé mentale actuels et annoncés.
Il nous faut débattre, mais il nous faut également agir. Nous ne devons respecter les lois que si elles mêmes respectent le droit, en l’occurrence les libertés individuelles et l’intimité de la vie privée. La loi, qui dans la tradition est libératrice, est désormais un instrument du contrôle social. Elle formate, arrêtés et certificats à l’appui. La tradition de désobéissance civile, c’est depuis 1789 de s’opposer aux lois, mais c’est aussi désormais de combattre la loi par le droit. L’application servile de la loi ne créerait pas seulement l’injustice ou l’aberration psychiatrique ; elle créerait l’illégalité. La loi est celle d’une majorité conjoncturelle, mais le droit, construit dans le temps, est l’œuvre de tous. Où allons-nous ? Vers ce qui n’est pas écrit, et seule la radicalité de l’analyse permet de s’extirper des modèles bien-pensants, déjà prêts à nous ensevelir.
Dans l’immédiat et à cette date du 1er août qui marque l’entrée en vigueur de la loi, nous proposons un plan d’action et de résistance éthique :
- le refus des psychiatres et des soignants, dans la mesure du possible, de mettre en place des mesures de contrainte. Et notamment, le refus des collectifs soignants de tout programme de « soin contraints » à domicile contraires à la déontologie et aux droits fondamentaux. De même, il faut opposer un refus de tout avis médical sans avoir pu examiner le patient.
- la saisie systématique du juge des libertés, le patient devant être entendu hors visio-conférence.
- développer l’information, notamment lors des 72 heures, afin que les personnes ne tombent pas dans la trappe psychiatrique que cette loi organise, mais accèdent aux soins psychiques auxquelles elles ont droit.
- le soutien des recours et défenses des patients soumis à ces « soins sans consentement », y compris les QPC qui ne manqueront de survenir. La création d’un collectif d’avocats et juristes sera essentielle en ce sens.
- la construction d’un observatoire national de suivi de l’application de cette loi qui assure le recueil de données, l’alerte aux droits des personnes soumises aux « soins sans consentement », qui rapporte au législateur, au contrôleur des libertés et des lieux de détention, à la Commission nationale consultative des droits de l’Homme et au public les atteintes aux droits de l’Homme et à l’éthique du soin psychique.
Nous sommes et demeurerons mobilisés pour concrétiser une œuvre de démocratie et de professionnalités. »

Organisations signataires membres du collectif “Mais c’est un Homme”:
Advocacy France, CRPA, la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Europe Écologie Les Verts, FASE, LDH, PCF, Parti de Gauche, SUD santé sociaux, SNPES PJJ/FSU, Syndicat de la Magistrature, USP

Pour rappel nous joignons à cette déclaration notre appel constitutif : Mais c’est un Homme – l’Appel contre les soins sécuritaires http://www.maiscestunhomme.org/

François Loncle répond à la lettre du président de la République


Monsieur le Président de la République,         

J'ai bien reçu votre lettre du 25 juillet dernier et je vous en remercie, même si le procédé original que vous utilisez pour communiquer avec les représentants de la nation suscite mon étonnement. Votre démarche inédite appelle de ma part quelques remarques, tant sur la forme que sur le fond.
 J'estime que la crise que traverse actuellement la zone euro est beaucoup trop sérieuse pour être instrumentalisée à des fins politiciennes. Votre appel au rassemblement national ne peut, en effet, être perçu que comme une manœuvre électoraliste, à neuf mois de l'échéance présidentielle. En outre, vous n'avez cessé depuis quatre ans de diviser les Français et de les opposer les uns aux autres. 
 L'objectif que vous affichez de vouloir revenir à l'équilibre des comptes publics paraîtrait, ô combien! sage si la vertu budgétaire dont vous vous parez n'était pas contredite, de façon cinglante, par votre politique laxiste. Toutes les réformes fiscales que votre Gouvernement a entreprises ont été financées par un endettement abyssal. Vous demandez à présent de maîtriser les dépenses publiques, alors que, sous votre responsabilité, les déficits budgétaires et la dette se sont accrus de manière vertigineuse. Entre 2007 et 2010, le déficit public a ainsi grimpé de 2,7% à 7,1% du PIB. Quant à la dette publique, elle a proprement explosé: de 64,2% au moment de votre élection, elle représente aujourd'hui 84,5% de la production nationale! Comme l'affirme si bien le proverbe, charité bien ordonnée commence par soi-même.
 Au contraire de ce que vous cherchez à faire accroire, ce n'est pas la gauche mais la droite au pouvoir qui se révèle dépensière et mauvaise gestionnaire.  Le gouvernement dirigé par Lionel Jospin est le dernier gouvernement à s'être  réellement efforcé de réduire significativement la dette et à respecter scrupuleusement les critères de Maastricht. C'est de cette manière qu'agit un gouvernement responsable, soucieux des intérêts de la France et engagé dans la défense de l'Europe. Il n'obéit pas à une quelconque « règle d'or », dont les mécanismes d'application semblent au demeurant obscures, mais détermine des orientations politiques claires, exprime une volonté durable, définit une ambition partagée par tous les Français.          
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l'assurance de ma très haute considération.

François LONCLE, député de l'Eure





31 juillet 2011

Le vieux rêve des godillots : bâillonner les voix libres

Jean-François Mancel, député (UMP) de l'Oise, a déposé le 13 juillet à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à instituer un conseil national de déontologie journalistique, chargé de rédiger et de faire respecter un code.Le vieux rêve des godillots va-t-il se réaliser ? Je n'ose y croire. Imaginer qu'on puisse, dans une démocratie développée, une république qui fonde ses valeurs sur la liberté, l'égalité et la fraternité, régenter la presse et donc les journalistes, c'est prendre un risque énorme de troubles, non pas violents, mais suffisamment populaires pour inquiéter les puissants.

Je sais bien qu'on ne mettra pas 100 000 personnes dans les rues pour sauver la liberté de la presse. Je sais aussi qu'il n'est pas simple d'établir des règles et une déontologie capable de satisfaire à la fois les journalistes et les éditeurs. Les syndicats des journalistes professionnels ont annoncé la couleur : ils n'accepteront aucun texte encadrant leur profession sans l'annexer à la convention collective et donc sans qu'elle soit opposable aux patrons de presse. Le Syndicat national des journalistes défend la charte de 1918, celle que tout professionnel de l'information doit avoir pour référence.

Le député Mancel appartient à cette catégorie d'élus qui craignent la presse. Dans le passé, cet homme-là a dû supporter quelques vérités insupportables (pour lui). Sous prétexte de protéger la vie privée (elle doit l'être en effet) Mancel propose un carcan dont la rédaction serait soumise à un comité où les journalistes seraient évidemment minoritaires. Mancel considère qu'il appartient aux parlementaires de fixer les droits et les devoirs des professionnels de l'information (surtout les devoirs d'ailleurs) obsession qui surgit, comme par hasard, après différentes affaires «sorties» notamment par le site Mediapart devenu indispensable dans le paysage journalistique français. Ce site nous révèle chaque jour les turpitudes des Balladur, Guéant, Takiedine, Tapie, Sarkozy, Bettencourt, Woerth, Guerini, des questeurs socialistes parfois, des sénateurs privilégiés, d'autres fois, une fonction indispensable avec celle que remplit le Canard enchaîné depuis toujours et quelques autres aux niveaux national ou local.

Ne croyez pas que j'agisse en fonction d'un réflexe corporatiste. On peut être retraité et continuer de participer à la vie publique sans se voir taxer de ringardise. Chacun connaît le précepte : on n'est vieux que dans sa tête et certains le sont alors qu'ils se croient encore jeunes (voire modernes). C'est si vrai que les journalistes professionnels conservent leur carte de presse (à condition d'avoir exercé pendant au moins trente années) jusqu'à la fin de leur vie…C'est embêtant pour ceux et celles dont l'objectif est de bâillonner des voix libres, engagées mais indispensables.