4 juin 2011

Hulot Borloo-compatible !

Loin de moi l'idée de m'immiscer dans les débats internes d'Europe Ecologie Les verts. Mais j'en connais un qui doit bicher, comme on dit. C'est Daniel Cohn-Bendit. Il n'a pas voulu être présent au congrès de confirmation à La Rochelle, confirmation de Cécile Duflot comme secrétaire générale du mouvement. Dommage tout de même qu'il ait été absent parce qu'il aurait pu commenter l'écart de langage de Nicolas Hulot. Celui-ci, en train de faire ses gammes de candidat potentiel, s'est quelque peu égaré dans le verbe et les mots après une soirée fatigante.

Autrement dit, après un verre de Gamay (lire sur Mediapart) et une journée à se retenir, Nicolas Hulot s'est lâché et a tout de go assuré qu'il aurait bien fait un tandem avec Jean-Louis Borloo. Mais pas avec l'UMP. Ce faux pas a immédiatement été répercuté par une dépêche AFP et les Smartphones des congressistes n'ont cessé d'adresser des alertes avec les déclarations du candidat rival d'Eva Joly. Alertes considérées comme autant de signaux d'alarme.

Eva n'en demandait pas tant qui s'est immédiatement lancée dans une tirade anti-Borloo, rappelant qu'il était candidat au poste de premier ministre au moment même où Nicolas Sarkozy prononçait son discours de Grenoble. Ce fameux discours n'a-t-il pas été considéré comme une agression totale contre les étrangers devenus les boucs émissaires de la campagne électorale balbutiante ? Eva Joly n'a pas oublié non plus les dix ans de gouvernement de droite de Borloo et s'est déclarée totalement incompatible avec cet homme-là et sa politique. Du coup, ses actions remontent sérieusement et nombre de membres d'EELV se disent assurés de ne pas voter pour un candidat apprécié à droite et qui apprécie les politiques de droite.

Reynald Harlaut et moi-même avons dénoncé sur ce blog les attitudes et les positionnements de Nicolas Hulot. Chassez le naturel il revient au galop. Hulot assure qu'il va s'en passer des choses pendant l'année à venir. Il a bien raison, lui aussi peut exploser en plein envol !

Nicolas Sarkozy ne cesse de saper les libertés publiques


Nous avons vu dans notre dernier article comment Nicolas Sarkozy manœuvrait pour tenter d’obtenir que l’État (donc lui-même qui pense le représenter à lui seul) dispose de moyens pour contrôler tout ce qui circule sur la toile.

Sa volonté de remettre en question tout ce qui ressemble de près ou de loin à un contre-pouvoir n’a cessé de se manifester depuis son arrivée à l’Élysée. Le comportement cavalier qu’il a eu à de nombreuses reprises envers les assemblées parlementaires en dit long sur le mépris dans lequel il les tient et sur ce à quoi il veut les réduire.

Mais sa faculté de nuisance ne s’arrête pas là. Dans tous les domaines où le législateur a, dans sa sagesse, installé des contre-pouvoirs pour se prémunir des conséquences sur la démocratie que pourrait avoir un pouvoir devenant autoritaire, il est intervenu avec plus ou moins de succès pour en réduire le champ d’application et l’indépendance.

C’est dans le domaine de la justice qu’il a semble t-il rencontré le plus de difficultés. Si la loi sur la carte judiciaire qui a abouti à la fermeture de nombreux tribunaux d’instance a pu être mise en application, en revanche il a dû renoncer à obtenir la dépénalisation du droit des affaires que lui réclamaient ses amis du Fouquet’s et à mettre en place la réforme visant à supprimer le juge d’instruction.

Dans le domaine de l’information, la loi qui lui permet à présent de nommer les présidents de l’audiovisuel public constitue une formidable régression, même si le système précédent n’assurait pas leur totale indépendance.

Son plus récent forfait est la réunion au sein d’une même entité des autorités administratives indépendantes qu’étaient la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’Égalité), la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants. D’abord, parce qu’elles n’avaient pas démérité et largement démontré leur utilité. Ensuite, parce que les personnalités qui étaient à la tête de ces autorités étaient pleinement occupées par leurs responsabilités et qu’on voit mal comment une seule personne à la tête des quatre pourrait être davantage efficace. Enfin, parce que profitant de ce regroupement, la loi prévoit désormais que c’est le président de la République en personne qui en nomme le président. C’est donc la fin de leur indépendance, laquelle permettait dans un certain nombre de cas, de dénoncer les effets pervers de politiques aujourd’hui menées, comme par exemple celle qui concerne les étrangers.

Le Front de Gauche dénonce cette nouvelle atteinte aux libertés publiques. De nombreuses associations s’en inquiètent : la Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International pour ne citer qu’elles. Mais dans l’état de confusion mentale qui règne actuellement, largement entretenu par les médias, sur les affaires ayant trait à la vie privée de la classe politique, visant à ce qu’après le « tous pourris », succède à présent le « tous pervers » ainsi que le souligne Jean-Luc Mélenchon dans son dernier billet sur son blog, elle passe quasiment inaperçue. Et si ce n’est le but recherché, cela y ressemble étrangement.

Reynald Harlaut
Parti de Gauche, membre du Front de Gauche

3 juin 2011

La vidéosurveillance passée au crible des scientifiques : inutile et au coût exorbitant !


 Je publie une tribune parue dans le journal Le Monde il y a quelques jours. Le texte est édifiant et réduit à néant les discours sécuritaires des ministres de l'intérieur et du maire de Louviers. Je vous en fais juge.

« Après Paris, c'est Marseille, deuxième plus grande ville de France, qui a annoncé son plan "1 000 caméras". La question est à l'ordre du jour du conseil municipal extraordinaire qui a lieu le 30 mai dans la cité phocéenne. De fait, les municipalités de toute taille, de la grande métropole jusqu'au village de zone rurale, sont de plus en plus nombreuses à s'équiper en vidéosurveillance. Elles répondent en cela à une "priorité" de la politique de sécurité depuis 2007. Et pourtant, l'efficacité de cette technologie est tout sauf démontrée du point de vue scientifique.
Rappelons d'abord que la vidéosurveillance est utile à bien des choses : pour surveiller des entrepôts, des dépôts et des parkings, afin de lutter contre le vol de matériel. Les banques l'utilisent pour filtrer les entrées et sorties et réduire les risques de braquage. Des magasins s'en servent contre le vol à l'étalage. Les casinos pour repérer les tricheurs.
La vidéosurveillance contribue aussi à la sécurité publique. On l'utilise pour surveiller le trafic autoroutier, et prévenir les accidents dans les sites industriels sensibles... Tout cela existe et fonctionne plus ou moins bien depuis longtemps. La vidéosurveillance est en effet utilisée dans des buts précis, afin de gérer des risques concrets bien identifiés.
Mais ce que l'Etat appelle désormais "vidéoprotection" et qu'il tente de généraliser à toutes les collectivités territoriales (et aux bailleurs sociaux) par une pression politique et une incitation financière, c'est autre chose. Il s'agit ici de déployer des caméras dans l'espace public, dans les rues de nos villes et de nos villages, pour y surveiller tout en général et rien en particulier, en affirmant que cela aura des effets à la fois préventifs et répressifs permettant de diminuer la délinquance.
Or, les évaluations scientifiques contredisent cette affirmation, remettant ainsi en question la bonne gestion de cet argent public. Précisons d'abord que, par définition, l'évaluation scientifique ne peut être menée que par des chercheurs indépendants du pouvoir politique et des entreprises privées commercialisant cette technologie. L'éthique scientifique ne tolère pas le conflit d'intérêts.
Ensuite, l'évaluation scientifique ne se situe pas sur le terrain philosophique mais sur celui des faits. Elle cherche en l'espèce à répondre aux questions suivantes : la vidéoprotection est-elle une technique efficace de lutte contre la délinquance ? Est-elle un investissement rationnel au regard de l'évaluation d'autres outils de prévention et de répression ? Enfin, une évaluation scientifique repose sur des études de terrain, des observations longues et répétées de fonctionnements ordinaires des dispositifs, des comptages et des calculs précis, des comparaisons rigoureuses et une connaissance de la littérature scientifique internationale.
Tout cela se distingue des arguments des promoteurs politiques et financiers du système, qui utilisent des exemples spectaculaires mais isolés, des faits divers réels mais décontextualisés, des arguments d'autorité au lieu de démonstrations vérifiables et des calculs budgétaires qui "oublient" de compter le coût salarial. Pour toutes ces raisons, beaucoup d'élus et de citoyens seront sans doute surpris d'apprendre que, premièrement, la vidéoprotection n'a qu'un impact marginal sur la délinquance ; deuxièmement, qu'augmenter cet impact supposerait des moyens policiers supplémentaires alors qu'ils se réduisent ; troisièmement, que le coût réel du système "assèche" tellement les budgets de prévention de la délinquance que l'on doit conclure à un usage très contestable de l'argent public. Développons un peu.
1. La vidéoprotection ne surveille par définition que l'espace public et elle est installée dans les centres-villes. Elle n'a donc aucun impact sur les violences physiques et sexuelles les plus graves et les plus répétées qui surviennent dans la sphère privée. Elle n'en a pas davantage sur les atteintes aux personnes, moins sérieuses, survenant sur la voie publique et qui relèvent le plus souvent d'actes impulsifs (bagarres, rixes entre automobilistes, querelles de sortie de bar, etc.).
Elle n'a ensuite qu'un impact dissuasif marginal sur des infractions fréquentes comme les vols de voiture, les cambriolages de résidences principales ou secondaires, et même sur toute la petite délinquance de voie publique des centres-villes où elle est installée. En réalité, la vidéo permet surtout de repérer et d'identifier a posteriori les auteurs de rixes et d'attroupements sur la voie publique, de dégradations de biens publics ou privés sur la voie publique, enfin, et plus rarement, de vols avec violence, de vols à l'étalage, de braquages de commerces ou encore de petits trafics de stupéfiants.
Tout cela à condition que les caméras soient positionnées sur les lieux de ces délits au bon moment, ce qui est loin d'être le cas, puisque la plupart des caméras effectuent des "parcours" prédéfinis laissant des zones sans surveillance pendant plusieurs minutes.
En définitive, l'impact en termes de détection d'infractions autres que routières se situe entre 1 % et 2 % du total des infractions sur la voie publique traitées en une année par les services de police ou de gendarmerie sur le territoire de la municipalité concernée.
Enfin, l'aspect judiciaire n'est guère plus probant. Les réquisitions d'images à des fins d'enquête après des infractions sont du même niveau statistique, sans que l'on sache si ces images ont été exploitables et exploitées dans la suite des procédures judiciaires. On est donc loin, très loin, d'un système efficace de prévention de la délinquance. Ce bilan plus que médiocre conduit nombre de villes déjà équipées à mobiliser la vidéosurveillance à d'autres usages qui permettent d'en légitimer l'utilité : le contrôle de la circulation et du stationnement, la sécurisation de l'intervention des policiers, des pompiers ou des ambulanciers.
2. Il existe de nombreuses évaluations étrangères (Angleterre, Australie, Canada, Etats-Unis...), qui montrent que, dans de rares cas, l'impact de la vidéosurveillance peut être plus important. Quel est le facteur-clé ? Contrairement au discours dominant en France, ce n'est pas l'augmentation du nombre de caméras. L'expérience londonienne (au moins 60 000 caméras, soit autant que ce qui est prévu pour la France entière) le montre. Il ne sert à rien de chercher à "saturer" l'espace et de s'émerveiller devant des murs d'écrans donnant le sentiment de voir et de contrôler toute une ville au même moment.
La clé réside dans le couplage étroit de la vidéosurveillance avec les forces de police présentes dans la rue, afin d'accroître le niveau d'information des policiers, mais aussi de diminuer leur temps d'intervention.
En d'autres termes, il ne sert pas à grand-chose de repérer plus vite un problème si la police n'intervient pas plus vite. Dès lors, la situation française apparaît dans tout son paradoxe, pour ne pas dire dans son absurdité puisque la vidéoprotection est promue par les pouvoirs publics comme un substitut et une contrepartie à la réduction des effectifs policiers.
3. Il est sans doute inévitable que des entreprises à but lucratif cherchent à vendre leurs produits à tout prix, en les présentant comme dotés de facultés qu'ils n'ont qu'en partie et en dissimulant les coûts réels pour l'utilisateur. Cela se constate dans tous les domaines, et le marché privé de la sécurité n'échappe pas à la règle.
Il est en revanche plus étonnant que l'Etat participe à ce marketing par l'intermédiaire des préfets, ainsi que de fonctionnaires de police et de gendarmerie chargés de relayer sur le terrain le "plan de vente" des entreprises privées. En effet, les caméras perdent toute efficacité préventive lorsqu'elles ne sont reliées à aucun système de visionnage en temps réel et qu'une municipalité ou un bailleur ne peut donc qu'espérer, par exemple, récupérer le matin une image exploitable d'une infraction commise la veille.
Et que l'on ne dise pas que le raccordement des caméras aux postes de police ou de gendarmerie résoudra le problème puisque, encore une fois, cela s'effectue conjointement à la réduction du nombre de ces fonctionnaires et donc de leur disponibilité pour des missions nouvelles. En réalité, pour avoir des chances de donner des résultats, le système de caméras doit être relié à un centre de supervision dans lequel des opérateurs visionnent les images 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365.
De plus, ces opérateurs doivent être assez nombreux pour limiter le nombre d'écrans à visionner faute de quoi, au bout de quelques minutes, les observations montrent qu'ils ne voient plus rien. Ainsi, l'on est en train de rompre l'égalité de traitement du service public et de compromettre toute politique globale et intégrée de prévention de la délinquance, au profit d'un mirage technologique que seules les communes les plus riches pourront s'offrir pour des profits qui s'estimeront davantage en termes de visibilité politique et de sentiment d'insécurité que de lutte efficace contre la délinquance. S'agit-il en tout cela d'une politique rationnelle, efficace et bonne gestionnaire des deniers publics ? Il est permis d'en douter.

Eric Heilmann est professeur à l'université de Bourgogne ;
Tanguy Le Goff est chercheur à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France ;
Laurent Mucchielli est directeur de recherches au CNRS.

2 juin 2011

Les aides de Véolia aux amis du Marité ou « le système de dette »

Ouverture du colloque au CESE sur la gouvernance de l'eau (ph JCH)
J'ai reçu plusieurs mails et d'appels téléphoniques suite à la publication du dernier article consacré à l'attribution d'une somme de 20 000 euros par la fondation Véolia aux « Amis du Marité ». Cette aide mérite qu'on s'y arrête et qu'on en analyse toutes les conséquences.

Les fondations ou les fonds de dotation ont ceci de remarquable qu'ils bénéficient, dans certaines conditions, de remises d'impôts pouvant aller jusqu'à 66 % des sommes versées. Toutes les multinationales (entreprises, banques, holdings) ont donc créé une fondation leur permettant de pratiquer des « gestes » financiers pas toujours désintéressés.

La fondation Véolia a déjà, par le passé, apporté son aide financière à l'association que préside Hubert Zoutu, maire de Heudebouville, en soutien au village béninois de Bohicon. Hubert Zoutu, maire et délégué de sa commune à la CASE, est, quelque part, obligé d'être moralement compréhensif à l'égard d'une société qui accorde 80 000 euros à son association.

Il en va de même pour Franck Martin, président du conseil d'agglomération Seine-Eure, acharné défenseur de Véolia, société qui, on le sait, s'est vu attribuer l'ensemble des délégations de services publics que sont l'eau, l'assainissement, le ramassage et l'élimination des déchets, les transports scolaires et urbains. Sans oublier la centrale de chauffe attribuée à Dalkia, nom d'une filiale de Véolia. Franck Martin, président du groupement chargé de la construction du nouveau Marité (compte tenu de l'état du bateau, on ne peut parler de restauration) tire toutes les sonnettes pour financer les centaines de milliers d'euros nécessaires à cette construction. Véolia a compris tout l'intérêt qu'il y aurait à apporter sa contribution au Marité sous une forme légale correspondant aux nouveaux besoins du navire.

Mais les responsables de Véolia ne sont pas des philantropes. Ils savent bien qu'en accordant des aides financières à qui que ce soit, ils s'en font des obligés qui entrent dans ce qu'appellent les psychanalystes « un système de dette » et qu'il faudra bien, un jour ou l'autre, renvoyer l'ascenseur. J'ai le souvenir que dans un autre temps, Franck Martin avait menacé le PS de rompre un accord électoral quand il apprit que la Générale des eaux (ancien nom de Véolia) finançait la campagne électorale municipale à une époque où ces dons d'entreprises étaient interdits. Il y a aujourd'hui prescription mais on savait que tôt ou tard, la Générale des eaux saurait se rappeler au souvenir des élus. D'ailleurs Odile Proust s'en trouva fort aise puisqu'elle bénéficia d'un droit d'entrée copieux lui permettant de financer en partie la Médiathèque Boris Vian.

De ces quelques lignes, il ressort que notre combat contre la multinationale est difficile. Nous savons pourtant qu'il existe un nombre sensible d'élus, conscients du système pervers qui régit les rapports entre la CASE et Véolia, mais ils n'osent pas se lancer dans ce qui serait une honorable défense des intérêts des usagers. L'association pour la protection et l'amélioration de l'environnement que je préside, s'est fixé pour objectif de faire prendre conscience aux élus de la CASE et aux citoyens de la nécessité de revenir, en février 2015, en régie publique. Jean-Luc Touly et Anne le Strat (présidente de Eau de Paris) sont venus à Val-de-Reuil et Louviers, expliquer ce choix de bon sens.

Le vendredi 10 juin, à 20 heures, au cinéma les Arcades de Val-de-Reuil, nous projetterons « Water Makes Money » un film qui explique par le menu les agissements des multinationales de l'eau. Cette projection sera suivi d'un débat. Je vous invite vivement à y participer ou à y assister.

1 juin 2011

20 000 euros de la fondation Véolia pour le Marité !


En cherchant sur la toile à Marité, on trouve les deux articles suivants. Je ne résiste pas au plaisir de les publier. Laurence Martin ou Martin Laurence qui n'est pas une marraine mais un parrain puisqu'il est le directeur de l'agence de Louviers de Véolia eau a dû envoyer une lettre de félicitations au président de l'agglomération Seine-Eure lequel a dû lui adresser une lettre de remerciements. S'ils me les confient, je me ferai un plaisir de les rendre publiques.

Un trois-mâts patrimonial, écologique et social.
Après avoir œuvré à son retour en France, l'Association des amis du Marité remet en état le dernier terre-neuvier français pour qu'il serve à l'action sociale de collectivités normandes rassemblées dans un Groupement d'intérêt public. L'Association des amis du Marité a été créée en 2002 et s'appelait à l'époque « Association pour le retour du Marité en Normandie ». Le dernier terre-neuvier français (nom donné aux bateaux équipés pour pêcher la morue sur les grands bancs de Terre-Neuve) était en vente en Suède. Sous l'impulsion de Gérard d'Aboville, l'association a milité activement pour son retour en France, mobilisant plusieurs centaines de bénévoles et donateurs afin de financer le rachat de ce grand trois-mâts vieux de cinq siècles, ainsi que des collectivités locales normandes, qui ont constitué un Groupement d'Intérêt Public (GIP) dans lequel siège l'association.
Fiche signalétique
Identité : Association des amis du Marité
Lieu : Manche - France
Marraine : Laurence Martin, Veolia Eau
Dotation : 20 000 euros
Comité du 5 avril 2011

Une remise en état solidaire et écologique
L'Association des amis du Marité, en sommeil depuis quelques années, est aujourd'hui mandatée par le GIP Marité pour intégrer une dimension écologique à sa remise en état.
Entre 2008 et 2010, la coque du voilier a été totalement remise en état par le Chantier naval Bernard de Saint Vaast la Hougue (Manche) qui a utilisé des bois certifiés. Le gréement, la timonerie, la propulsion, la gestion des fluides, le circuit d'adduction d'eau et de traitement des eaux usées font partie de la seconde phase des travaux (2010/2011). Le GIP donne une dimension éducative et sociale au chantier : des élèves d'un lycée professionnel, des publics en difficulté, chômeurs de longue durée, RMIstes ou encore jeunes en réinsertion sont associés aux travaux. Une convention signée avec le ministère de la Justice a ainsi permis de faire intervenir une cinquantaine de jeunes engagés dans des mesures de réparation pénale suite à des délits mineurs. De plus, Voiles Écarlates qui organise des stages d'initiation à la mer et de réinsertion pour les jeunes en difficulté dans le cadre de la réparation pénale, s'est associé au Centre de formation professionnelle pour chômeurs de longue durée de Cherbourg pour intervenir également sur le chantier pendant six mois en 2008. Enfin, le GIP intègre, dans son projet d'exploitation du navire, l'organisation d'embarquements au profit de publics spécifiques (scolaires, séniors, personnes en situation de handicap ou de difficultés sociales...)
La rénovation consiste à effectuer les travaux de remise en état en conservant au voilier son aspect tel qu'il était en 1923, tout en le dotant des équipements les plus modernes et, surtout, écologiques. L'Association des amis du Marité a ainsi sollicité la fondation Veolia Environnement pour la mise en place du système de traitement des eaux usées du navire. De tels équipements permettant au Marité de mériter son titre de bateau d'exception attribué par le Grenelle de la mer.

Le Marité refait surface dans la presse locale

Les journaux locaux viennent de consacrer plusieurs articles au Marité, le beau bateau dont Franck Martin est tombé amoureux. On lit sur le site du Marité les phrases suivantes quelque peu datées, je vous l'accorde : « Après l’annonce du Conseil général de l’Eure, de la ville de Rouen et de la ville de Fécamp de se retirer du Groupement d’intérêt public propriétaire du navire, la présidence du GIP est désormais assurée par Franck Martin, président du Conseil d’Agglomération Seine-Eure et ardent défenseur du projet. Le premier objectif est de trouver les fonds nécessaires à la mise en flottaison de la coque. Les centaines de témoignages d’encouragement laissés par les visiteurs sur le livre d’or confortent les collectivités dans leur volonté de sauver ce patrimoine unique. »

Si je lis bien, le conseil général de l'Eure, les villes de Rouen et de Fécamp dont les exécutifs ne sont pas présidés par des imbéciles ont décidé de stopper la machine infernale consistant à refaire de la cale au sommet des mats un bateau dont tout indique qu'il est très fatigué. Franck Martin, grand marin à la voile devant l'éternel, éditeur malouin de livres consacrés à la mer (dont celui relatant l'aventure historique du trois mâts), maire de Louviers sur-Eure et président de l'agglomération Seine-Eure nage autour du Marité comme un poisson dans l'eau. Mais la Manche n'est pas seulement une partie de l'Atlantique. Elle est aussi au bout du bras quand il faut quémander les subventions, les aides, les dons et les legs pour éviter au Marité une « infortune de mer » si vous me permettez l'expression. Il ne s'agit plus de sauver le soldat Cléret mais une ruine coûteuse que tous les bons prétextes évidemment sociaux ne permettront jamais de justifier. Les millions d'euros d'argent public ou privé sont des millions d'euros mal placés quand ils le sont dans une entreprise qui n'a rien à voir avec notre région immédiate.
Si des ports français — Cherbourg par exemple — le ministère de la mer, des marins fortunés ou mécènes ou le conseil régional de Basse-Normandie veulent sauver le Marité, grand bien leur fasse. Qu'avons nous à voir à Louviers avec ce trois mâts, «patrimoine unique» ainsi qu'il est écrit plus haut ? Quels sont les liens de Louviers et de l'agglo Seine-Eure avec la marine à voile ? Quel élu osera dénoncer cet usage injustifié des fonds publics locaux ? Qui ? Quand ?

Le maire de Louviers s'est fait une spécialité de faire du neuf avec du vieux. Du Marité d'origine, il ne restera pas grand-chose sauf le nom. Si la Villa Calderon est un songe, le Marité un rêve, les obsessions du maire lovérien deviennent cauchemardesques. A quand la prochaine ?

31 mai 2011

Merkel, Berlusconi : le week end européen récent doit nous inspirer et nous donner confiance

Deux excellentes nouvelles sont tombées en ce lundi 30 mai 2011. Toutes deux européennes. La première et sans doute la plus importante à long terme est la décision d'Angela Merkel de mettre un terme à l'usage de l'énergie nucléaire en 2022. Comme le dit un de mes amis, « 2022 c'est demain ! » Bien sûr, les raisons qui poussent la chancelière allemande à ce choix ne sont pas seulement dictées par des raisons écologiques. Les scores des « Grünen » (les Verts allemands) l'inquiètent et lui posent problème pour les votes à venir. Les récentes victoires des Verts et du SPD dans certains Länder l'incitent à franchir le Rubicon et à donner satisfaction à la majorité des Allemands très remontés contre le nucléaire après la catastrophe de Fukushima.

Dans le même temps, François Fillon a déclaré que la France ne suivrait pas l'exemple de l'Allemagne. Il a même confirmé la pertinence des choix énergétiques gouvernementaux qui font la part belle au nucléaire. Martine Aubry s'est, au contraire, félicitée du choix allemand et a confirmé que s'ils devenaient majoritaires, le PS et ses alliés devraient faire des choix courageux à l'égard du nucléaire et accepter d'en sortir dans un délai à définir. A la fois pour des raisons politiques, économiques, écologiques et techniques puisque les filières des énergies renouvelables ne sont ni aidées ni encouragées dans notre pays et que la France veut développer (et vendre) sa filière nucléaire dans de nombreux pays. Les Français auront, par leur vote, à trancher cette question.

Seconde information, heureuse et souhaitée par de nombreux Italiens et européens : la lourde défaite de Berlusconi aux élections municipales italiennes. La déroute de la candidate du Parti des libertés à Milan exprime mieux que tout la désaffection sont souffre « il cavaliere » et sa majorité devenue très instable. Non seulement le président du conseil perd milan mais il ne gagne pas Naples (65% des voix à gauche).
Sa campagne a été une campagne de haine, de dénigrement, d'insultes…ses chaînes de télévision se sont déchaînées en invoquant le terrorisme de gauche, les vagues d'islamistes, le développement des camps de Roms et un délitement de la pensée. Ses attaques excessives, grotesques, l'ont finalement desservi. Berlusconi devrait plutôt préparer sa défense dans les divers procès où il est en cause pour de multiples raisons (trafic d'influence, prévarication, fornication, j'en passe et des meilleures) puisque le parlement n'est pas en état de voter les lois d'exception que le président du conseil italien voulait imposer pour échapper à la justice.

On a parfois comparé le Sarkozysme et le Berlusconisme. Droite décomplexée, langage simpliste voire grossier, absence de scrupules mais également absence de tenue et surtout, politique faite de coups et non de stratégie, politique populiste favorisant la droite extrême. Les récentes élections italiennes et surtout leurs résultats sont un encouragement pour la gauche française et pour Martine Aubry. Elle est à l'opposé de ces styles « machistes ». Rigoureuse, sérieuse, expérimentée, rassembleuse, elle répond aux besoins et aux nécessités du temps présent. Et pour longtemps puisque le projet socialiste approuvé à l'unanimité ce week-end a vocation à ouvrir une nouvelle page de notre histoire.

30 mai 2011

Nicolas Sarkozy veut « moraliser » Internet : on sait ce que cela veut dire


  Parmi les entretiens qui se sont déroulés au cours du dernier G8 de Deauville, la réunion qu’a organisée Nicolas Sarkozy avec les principaux acteurs privés mondiaux de l’Internet ne manque pas de poser des questions sur les mobiles réels que poursuit le président de la République. En premier lieu, pourquoi choisir comme uniques interlocuteurs les milliardaires de l’Internet ? Comme si les structures associatives, les éditeurs de logiciels libres, les acteurs des réseaux sociaux n’existaient pas. La seule légitimité en la matière serait-elle une fois de plus celle de l’argent ?
En second lieu, interrogeons-nous sur la teneur de son discours ? Un discours sur la nécessité de « moraliser » l’Internet. On savait déjà l’exigence de vertu dont sait faire preuve à l’usage des autres Nicolas Sarkozy. N’avait-il pas déjà claironné à qui voulait l’entendre après la crise de 2008 qu’il était nécessaire de « moraliser le capitalisme » ? On sait ce qu’il en est advenu. Derrière un même mot : « moraliser » - qui sonne étrangement dans la bouche d’un président de la République dont ce n’est pas la fonction – se dessinent pourtant selon l’objet auquel il s’applique, deux intentions radicalement différentes.
« Moraliser le capitalisme », c’était un vœu pieux destiné au bon peuple pour calmer son indignation face aux vrais responsables de la crise et ainsi mieux l’enfumer. « Moraliser l’Internet » procède d’une toute autre démarche. Par tous temps et en tous lieux, le pouvoir quel qu’il soit a toujours cherché d’une manière ou d’une autre à contrôler l’information. Que sont devenues les ordonnances de 1944 sur la presse, faisant partie du programme du Conseil national de la Résistance, afin que plus jamais, elle ne soit dépendante des puissances d’argent ? Même François Mitterrand, qui pourtant les avait remises à son programme, ne se hasarda pas à affronter Robert Hersant (1). Aujourd’hui, les principaux médias sont sans exception entre les mains de l’oligarchie.
Le pouvoir a peur d’Internet parce qu’Internet est un instrument de liberté. Il le craignait déjà avant que ne survienne la révolte des Tunisiens et des Égyptiens. Désormais, il sait que les réseaux sociaux sont les possibles instruments d’un contournement du « discours officiel » d’un État. Face à l’exaspération des peuples qu’on sent partout monter en Europe : en Islande, en Grèce, au Portugal, en Espagne, le pouvoir est à présent pris d’une sourde inquiétude. Il suffit de constater combien les médias « officiels » ont en France tardé à répercuter les informations sur le mouvement citoyen en provenance d’Espagne. Et comment les forces de l’ordre ont mis fin hier soir, manu militari, à l’occupation de la place de la Bastille qui commençait à s’installer à Paris sur le modèle espagnol.
Vous pensez que j’exagère. Le CSA vient de prendre la décision suivante qui s’applique immédiatement. Il est désormais interdit sur les médias publics de citer les noms de Facebook ou de Twitter, au seul motif qu’il s’agirait là de marques commerciales auxquelles il serait ainsi fait de la publicité. Est-ce à dire que demain, on ne pourra non plus citer le nom des journaux desquels on tirera des informations ou des citations pour la même raison ? Après tout, et de ce point de vue, Le Figaro, Le Monde, Le Point, Le Nouvel Observateur, etc. sont aussi des marques, lesquelles peuvent tirer bénéfice de se voir citées. Décidément, pour ce pouvoir autoritariste et réactionnaire, plus sa crédibilité s’affaiblit et plus il devient inquiétant. Nos concitoyennes et concitoyens s’en rendent-ils vraiment compte ?
Reynald Harlaut
Parti de Gauche, membre du Front de Gauche
(1) Reynald oublie que le Conseil constitutionnel avait menacé d'annuler les projets de loi de la Gauche contre la concentration. François Mitterrand y était pourtant très favorable. Il dut renoncer à ses projets.

29 mai 2011

Jean-Pierre Dubois sur le plateau des Glières

 Jean-Pierre Dubois, président de la ligue des droits de l'Homme a prononcé le discours suivant le 15 mai dernier, sur le plateau des Glières :
 « Il y a un peu plus d’un an, un homme est venu ici. Il avait déjà amené, trois ans plus tôt, sur ce plateau des Glières, bien des micros et des caméras, pour transformer les morts en bulletins de vote. Mais l’année dernière il a fait pire encore : c’est à l’endroit précis où la barbarie nazie a massacré ceux des Glières qu’il a osé répéter, comme en 2009 à la Chapelle-en-Vercors, ce discours insupportable sur l’« identité nationale », aux relents vichyssois. C’est ici même qu’on l’a entendu prononcer des phrases telles que celle-ci : « un Français reconnaît d’instinct une pensée française »…
Et trois mois plus tard, à Grenoble, un autre discours ouvrit les yeux et les oreilles des plus inattentifs : haro sur les Roms accusés de délits qu’ils n’avaient pas commis, haro sur les Gens du voyage, sur les Français naturalisés, et bien entendu sur les immigrés et leurs descendants. Oui, c’est le président de la République française qui a, en juillet 2010, accrédité le vieux mensonge lepéniste « immigration = insécurité ».
Alors, puisque nous, nous revenons aux Glières non pour récupérer, pour déformer, pour trahir la mémoire de la Résistance, mais pour la faire vivre, souvenons-nous.
Rappelons-nous que sans le fichier anthropométrique des tsiganes et des Gens du voyage institué par une loi de 1912, il aurait été infiniment plus difficile de les rafler dans les années 1940 et de les expédier dans les camps de la mort. Car c’est en amont que se prépare ce qui rend possible, ensuite, l’innommable.
Rappelons-nous que quand un chroniqueur raciste, sur une télévision hélas « de service public », énonce comme une évidence que la plupart des trafiquants de drogue sont noirs ou arabes, comme en d’autres temps on soulignait lourdement que la plupart des banquiers seraient juifs, le terrain où pousse cette ignominie a été déblayé par le ministre Hortefeux qui trouvait que c’est quand il y a beaucoup d’Arabes que « cela commence à poser des problèmes »… et qui expliqua ensuite aussi que seuls les droitsdel’hommistes pouvaient plaindre les Gens du voyage puisqu’ils avaient de grosses voitures… Et à son tour monsieur Eric Zemmour déblaya le terrain pour le ministre Guéant qui énonça, lui aussi comme une évidence, que du fait de la présence d’immigrés même légaux « les Français ne se sentent plus chez eux ».
Oui, nous en sommes là. Sus au Noir, à l’Arabe, au Rom, au nomade, au « différent ». Mais ne nous y trompons pas : Neuilly-sur-Seine, commune où il y a le plus grand pourcentage d’étrangers de France, n’est pas perçue comme une « banlieue à problèmes », ses « quartiers » ne sont pas « sensibles » (seraient-ils plutôt insensibles ?), son ancien maire n’est pas présenté comme un « immigré de la deuxième génération ». Le banquier Laffitte disait il y a deux siècles : « Un idiot pauvre est un idiot, un idiot riche est un riche. » Dans la France de Nicolas Sarkozy, un Arabe pauvre est un immigré, un émir arabe est un investisseur… Derrière le racisme, aujourd’hui comme hier ou avant-hier, l’injustice sociale. Derrière l’ethnicisation du politique, le mépris de classe, toujours aussi éclatant.
Voilà pourquoi, à quelques mois de choix décisifs pour notre avenir, le programme du Conseil national de la Résistance est plus que jamais d’actualité. Non pas bien sûr que le monde de 2011 soit identique à celui de 1944. Mais parce que le racisme, la xénophobie, la « politique du pilori » et de la peur, la stigmatisation hier des « fainéants », aujourd’hui des « assistés », nous tendent toujours le même piège : détourner la colère sur les boucs émissaires, parler des « grosses voitures » des nomades pour faire oublier le yacht de Bolloré et le « Premier cercle » des milliardaires réunis par le trésorier Eric Woerth ; exciter la peur, la haine de l’autre pour accentuer la fragmentation sociale, pour diviser le peuple, pour conjurer ce rassemblement de citoyens porteurs de liberté, de progrès et de justice sociale dont nous sommes aujourd’hui le symbole.
Non, nous ne sommes pas dans les années 1940, mais cette époque où les députés de l’actuelle majorité font un triomphe à un Eric Zemmour fleure vraiment les remugles des années 1930. Comme alors, une crise sociale profonde et durable provoque l’inquiétude non seulement des plus pauvres, toujours plus exclus, mais aussi des couches moyennes face à la précarisation et au déclassement. « La faute aux Juifs » il y a quatre-vingt ans ; aujourd’hui, « la faute aux immigrés, aux Roms voleurs et aux jeunes de banlieue ».
Nous le savons bien, « ceux qui ont oublié leur histoire sont condamnés à la revivre ». Nous savons bien qu’on ne sort d’une telle crise sociale et démocratique qu’à gauche, par la solidarité et par l’égalité, ou à l’extrême droite, par le chacun pour soi, par la concurrence à outrance, par le rejet des « inadaptés » et des « inassimilables ». Alors, n’attendons pas que l’histoire se répète, fût-ce sous d’autres formes et dans un autre contexte.
Parce que nous n’avons pas oublié, nous savons tous ici que nous ne pourrons préserver nos libertés, la démocratie, l’égalité de tous les citoyens quelles que soient leurs origines ou leurs croyances, sans garantir réellement les droits sociaux à tous, sans faire reculer réellement les inégalités, le cynisme des « porteurs de Rolex à 50 ans », la précarité et la peur de l’avenir pour tous les autres. Les droits sont indivisibles, l’égalité l’est elle aussi.
De même qu’en 1944 la Libération n’était pas seulement libération du nazisme et de Vichy, mais aussi libération de la misère et de l’injustice, de même aujourd’hui la lutte contre le racisme, contre la haine xénophobe, contre les idées contagieuses de l’extrême droite, cette lutte ne peut aboutir, ne peut devenir l’affaire du plus grand nombre que si elle est aussi, d’un même mouvement, la lutte contre la marchandisation universelle, contre la précarisation universelle, contre la compétition sans limites de tous contre tous.
Tel est le sens du Pacte pour les droits et la citoyenneté que cinquante organisations associatives et syndicales ont signé sur la proposition de la Ligue des droits de l’Homme, un Pacte qui lie, exactement comme le fait l’Appel de Thorens-Glières lancé hier, défense des libertés et reconstitution des services publics, démocratisation des institutions et respect des droits des étrangers, garantie des droits sociaux et avenir de la fraternité.
Et tout cela, nous allons le dire haut et fort le 14 juillet prochain, à la Bastille et dans de nombreuses villes de province, pour appeler, là aussi avec des dizaines d’organisations de la « société civile », à retrouver cette République « libre, égale et fraternelle » qui est la nôtre.
C’est ainsi, chers amis et – car « c’est un joli nom » – chers camarades, que nous restons fidèles à ce que nous répétait chaque jour Lucie Aubrac, membre d’honneur du Comité central de la LDH : « N’oubliez jamais que résister se conjugue au présent.» Sans nous prendre, bien sûr, pour plus que ce que nous sommes, mais comme le dit très bien Robert Guédiguian lorsqu’il présente son superbe film L’Armée du crime : « Ne vous demandez pas ce que vous auriez fait à leur place, demandez-vous ce qu’ils feraient à la vôtre. »
Ici, aux Glières, aujourd’hui, ce n’est pas trop difficile de le savoir ! Quand nous entendons la force de l’engagement qui anime toujours ceux de la Résistance, quand nous sentons à quel point ils n’ont jamais renoncé à « s’indigner », nous ne pouvons pas hésiter un instant sur la route à suivre, celle qui pourra faire revenir « les jours heureux ». Car pour suivre Stéphane Hessel dans son goût de la poésie d’Hölderlin, nous n’oublierons pas ce viatique : « Là où croit le danger, croît aussi ce qui sauve »…
Chaque année, nous revenons ici plus nombreux. Que ce mouvement s’amplifie encore, que l’Appel de Thorens-Glières trouve demain tout l’écho qu’il mérite, et alors, j’en suis sûr, amis et camarades : « Les mauvais jours finiront ! »