9 novembre 2011

Ici Moody’s : François Fillon vous parle !

« Jusqu’à cet été, inversant la pratique de tous les présidents de la Ve République, Nicolas Sarkozy soucieux d’étaler, aux yeux de tous, son hyperactivité, avait servi de fusible à son Premier ministre. Aujourd’hui, à six mois de l’élection présidentielle, ce n’est plus possible. Pendant que Nicolas Sarkozy se pavane avec Obama, Fillon se charge de la sale besogne et annonce le budget le plus rigoureux « depuis 1945 ». Tout cela afin de préserver le triple A de la France sans lequel Sarkozy, selon ses conseillers, « serait mort ».


Des erreurs continuelles dans les prévisions de croissance 
La droite s’est trompée régulièrement dans ces perspectives de croissance en 2012 et 2013 : de 2,25 % cette perspective est passée à 1,75 % puis à 1 %. Ce qui de l’avis d’à peu près tous les économistes est encore beaucoup trop optimiste. Et à chaque fois, la droite a ajouté un nouveau plan de rigueur. En août, le gouvernement qui estimait encore la future croissance à 1,75 % avait fait voter un plan de rigueur dont les principales mesures étaient la révision de la taxation des plus-values immobilières ; le doublement (pour atteindre 7 %) de la taxe sur les contrats de santé « responsables », ceux qui ne fixent pas leurs cotisations selon l’état de santé de l’assuré ; la hausse du prix du tabac, de l’alcool et des sodas ; une taxe sur les hauts revenus (3 % à partir de 500 000 euros) qui devrait rapporter 200 millions d’euros, soit dix fois moins que les 2 milliards d’euros de réduction de leurs impôts accordés aux contribuables les plus riches lors de la révision, quelques mois auparavant, de l’impôt sur la fortune.

Le plan du 27 août devrait permettre d’économiser 12 milliards d’euros en 2011 et 2012. Le plan du 7 novembre devrait permettre une économie supplémentaire de 7 milliards en 2012 et de 11,6 milliards en 2013. Il s’agit, au total, d’arriver à économiser 100 milliards d’euros pour arriver à 0 déficit en 2016. Mais attention, si les perspectives de croissance continuent à se détériorer, un nouveau plan de rigueur est d’ores et déjà annoncé.

Le triple A de la France : Tout cela pourquoi : pour « rassurer les marchés financiers » et permettre à la France de garder sa note AAA. Mais en semant la rigueur, la droite risque fort de récolter la récession, comme en Grèce, en Irlande, au Portugal ou en Espagne.

Le risque est d’autant plus important que les mesures de rigueur se généralisent à toute l’Europe, diminuant, pour chaque pays aussi bien sa demande intérieure que sa demande extérieure. Cette généralisation de la rigueur a toutes les chances de se transformer en récession généralisée qui augmentera mécaniquement le montant des déficits et des dettes publiques et fera tomber les AAA survivants comme feuilles en automne. Car le problème avec les marchés financiers, c’est qu’ils veulent à la fois la rigueur et la croissance et le tout, tout de suite.

« La faillite n’est plus un mot abstrait » Fillon jubilait en prononçant cette petite phrase. La faillite est en tous les cas, un mot qui ne convient pas lorsqu’il s’agit d’un État. Soit Fillon confond le droit commercial privé qui régit les entreprises et le droit international public qui régit les États. Soit il emploie le mot « faillite » pour tenter d’effrayer et de faire avaler le détestable brouet de sa politique de rigueur. Un État, en effet, ne fait pas faillite, il fait défaut. C’est un droit souverain qui appartient à tout État : il peut annuler sa dette sans que ses créanciers puissent le dépecer comme le font les créanciers d’une entreprise privée.

C’est justement parce que la Grèce ne fait pas défaut de sa dette que les multinationales européennes se partagent les dépouilles de ses services publics et que la troïka fait la loi à Athènes. Si le gouvernement grec avait annulé sa dette, il aurait pu exiger des membres de la troïka qu’ils choisissent aussitôt leur prochaine destination (Washington, Bruxelles ou Francfort) et débarrassent illico le sol de la Grèce. Certes, la Grèce n’aurait plus reçu aucun fonds de l’Union européenne et du FMI. Mais en quoi en aurait-elle eu besoin ? N’ayant plus d’intérêts à payer ni de capital à rembourser, elle aurait parfaitement pu faire face à toutes ses dépenses courantes et développer son économie après avoir nationalisé ses banques. Les « aides » accordées à la Grèce n’ont aujourd’hui qu’une seule fonction, lui permettre de placer de nouveaux titres de la dette grecque pour lui permettre de rembourser ceux qui arrivent à échéance. Les seuls qui auraient eu à se plaindre auraient été les créanciers de la Grèce : les banques et les assurances, en particulier allemandes et françaises.

« Nous avons les prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde » Oui et c’est une excellente chose. Cela signifie que la santé est financée par les cotisations sociales ou la CSG et qu’il ne faut pas, comme aux États-Unis, s’assurer auprès d’assurances privées (dont le coût n’entre pas dans les « prélèvements obligatoires » puisqu’ils sont facultatifs) ou payer de sa poche la moitié ou les ¾ des dépenses de soins. Cela signifie que les retraites sont financées par les cotisations retraites et non par l’abondement de fonds de pension dont le coût n’entre pas dans les « prélèvements obligatoires » puisque, eux aussi, sont facultatifs mais qui laissent sur la paille des centaines de milliers de retraites à chaque krach boursier.

Il serait parfaitement possible d’avoir les prélèvements obligatoires les plus élevés du monde et ne pas avoir une dette de 86,2 % du PIB. Il aurait suffi pour cela d’augmenter les cotisations sociales patronales, de ne pas diminuer le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu en faisant passer la tranche supérieur de 65 % à 40 %, de ne pas diminuer le taux de l’impôt sur les sociétés de 50 à 33 % et de ne pas multiplier les niches fiscales pour ces mêmes sociétés. Selon le rapport d’octobre 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires « Entreprises et “niches” fiscales et sociales », les trois niches les plus coûteuses concernent l’impôt sur les sociétés et représentent, pour la seule année 2010, un total de 62,4 m illiards d’euro. Si l’on ajoute à ces 3 « niches » fiscales la défiscalisation des heures supplémentaires, la baisse de la TVA sur la restauration (de 19,6 à 7 % !) et le bouclier fiscal : on aboutit à plus de 67 milliards de baisse des recettes fiscales des entreprises pour cette seule année 2010. Ce n’est pas de la hausse des dépenses que vient l’augmentation considérable de la dette publique depuis que la droite est au pouvoir (de 57 % du PIB à la fin de 2011 à 86,2 % du PIB à la fin du 1er semestre 2011) mais de la baisse continuelle des impôts des ménages les plus riches et des sociétés.

La Sécurité sociale et les Collectivités territoriales mises en cause 
Il n’a vraiment aucune vergogne le Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Il somme les collectivités territoriales et la Sécurité sociale de s’aligner sur l’État en matière d’économie, oubliant ainsi les données les plus élémentaires de la composition de la dette publique en France. La dette publique est la somme des dettes de l’État, de la Sécurité sociale, des collectivités territoriales et des Organismes d’administrations centrales : RFF, météo France, Opéra… Elle s’élève à 1693 milliards d’euros à la fin du premier semestre 2011.

La dette des Collectivités territoriales représente 171 milliards d’euros, soit 80 % du budget total des collectivités territoriales (environ 200 milliards) alors que les collectivités territoriales réalisent plus des ¾ de l’investissement public français. La dette de la Sécurité sociale s’élève à 181 milliards d’euros, soit 40 % du budget de la Sécurité sociale (450 milliards d’euros). Mais la dette de l’Etat, celle du haut de laquelle Fillon donne des leçons, représente 1325 milliards d’euros et correspond à 450 % du budget de l’État (290 milliards) !

« La dette ne cesse d’augmenter depuis 35 ans »
Certes, mais examinons d’un peu plus près l’évolution de cette dette. En 1980, la dette publique s’élevait à 20,7 % du PIB. Elle a atteint 31 % du PIB en 1986 pour effacer les effets de la première récession généralisée de l’économie néolibérale en 1981-1982. En 1991, la dette publique s’élevait à 36 % mais elle atteignait 55,5 % en 1995, là encore pour effacer les effets d’une autre récession généralisée de l’économie néolibérale en 1992-1993. En 1997, la dette s’élevait à 59,5 % du PIB. A la fin 2001, après 5 ans de gouvernement de Lionel Jospin, la dette plafonnait à 57 %. Entre 2001 et 2011, avec la droite au pouvoir, la dette publique augmente de 34 points de PIB.

Durant la période où gouverne Sarkozy (de 2007 à 2011) la dette publique augmente de 22,4 points. Du fait de l’accentuation de la baisse des impôts des riches et des sociétés, déjà bien entamée sous le quinquennat de Jacques Chirac et de son ministre de l’Économie et des Finances, Nicolas Sarkozy. Du fait aussi de la récession généralisée de 2008-2009 mais sans que les effets aient pu en être effacés.

7 novembre 2011 : Un plan de rigueur équilibré ?
Le poids essentiel du plan repose sur les salariés et sera proportionnellement d’autant plus lourd que ces salariés ou ces chômeurs sont plus fragiles : accélération de la réforme des retraites ; nouveau blocage des dépenses de santé ; indexation des prestations sociales (allocations familiales, allocations logements…) non plus sur la hausse des prix mais sur la croissance du PIB ; ajustement (aux calendes grecques…) du prêt à taux zéro ; augmentation du taux de la TVA réduite de 5,5 % à 7 %. Les ménages plus aisés seront impactés par la suppression des avantages de la loi Scellier en cas d’achats de logements locatifs et le gel du barème de l’Impôt sur le revenu.
Les entreprises qui ont bénéficié de plusieurs dizaines de milliards de niches fiscales chaque année depuis 2002 pour atteindre plus de 65 milliards d’euros pour la seule année 2010 auront en tout et pour tout une majoration de 5 % de l’impôt sur les sociétés. Cette majoration dérisoire n’est que temporaire (2012 et 2013) et ne concernera que les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros.
Voilà l’équilibre selon Fillon. Étonnons-nous après cela qu’avec ce gouvernement tout aille de travers.
(Communiqué de Démocratie et socialisme)

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