22 novembre 2011

Danielle Mitterrand, une femme fidèle à la gauche et à elle-même

Marc-Antoine Jamet communique :
« Danielle Mitterrand s’est éteinte, cette nuit, à l’âge de 87 ans. Cette nouvelle ne peut plonger ceux qui avaient été militants à ses côtés, à son imitation, que dans une très grande tristesse.  Parmi d'autres, je conserve deux images fortes de cette femme extraordinaire. La première remonte au début des années quatre-vingt. Sa fondation, France-Liberté était alors hébergée au Trocadéro. 

 Au nom du parti, Henri Emmanuelli m'avait envoyé y travailler pour "Danielle". Généreuse jusque dans sa façon d'aider, elle ne refusait jamais un dossier, un coup de main, et s'en trouvait parfois, en fait souvent, submergée. Avec ses quelques collaborateurs, tous dévoués, tous débordés, nous tentions dans une atmosphère très artisanale si ce n'est désordonnée, non pas d'endiguer le flot, elle ne nous y aurait pas autorisés, du moins de le canaliser. Pendant que nous nous affairions, elle lisait à voix haute les épreuves d'un de ses livres écrits "en toutes libertés". Un jour arriva le moment de la conclusion rédigée comme une exhorte à François Mitterrand. Dans la pièce, nous entendions son ton vibrant qui hachait le silence : "N'oublie pas la Gauche François, c'est ton pays, c'est ta famille". Elle ne regardait plus les pages. Elle lui parlait, personnellement, prolongeant une conversation militante entamée cinquante ans auparavant et de cette complicité puissante, insolite, véritable naissait probablement l'alchimie particulière qui les rassembla et dont, seuls, ils auraient pu expliquer les règles, les contours. La seconde fait partie de l'Histoire et appartient collectivement à la Nation. 
Une femme en noir, d'une dignité absolue, recouvre le cercueil de son mari, le chef de l'Etat pendant quatorze années, du drapeau tricolore que le vent vient d'emporter. Du pouvoir au chagrin, ainsi l'avait-elle accompagnée ni dans l'ombre, ni dans l'obscurité, ni dans la discrétion, mais à la place qu'elle s'était fixée. Beaucoup de militants socialistes adoraient Danielle, sa sincérité, sa force, son indépendance par rapport aux convenances et à l'ordre établi. Leur attachement était complémentaire et différent de celui qu'ils vouaient et vouent encore au Président Mitterrand. 
Pour les Français, elle restera une figure attachante et énergique de la Gauche, vigilante sur l’essentiel, c’est-à-dire sur les valeurs et les convictions, généreuse, entière, dévouée aux plus faibles, aux oubliés, aux désespérés, fidèle à ses erreurs comme à ses vérités. Avec un réel courage, y compris physique sur les routes du Kurdistan, médiatique dans son étrange affection pour Fidel Castro, elle mettait la solidarité au premier rang, avec les peuples comme avec les individus. Son engagement moral la portait à défendre de justes causes sur les cinq continents avec une spontanéité qui faisait enrager le Quai d'Orsay. Elle en riait volontiers. Son refus de plier devant les puissants, elle l'avait manifesté à 17 ans en s’engageant dans la Résistance. 
Alors à plus de 60 ans au fil des voyages officiels ! Sa voix portait fort, touchait juste, faisait mouche. Elle était entendue par toutes les générations : combien d’écoles, de collèges, de lycées visitait-elle en portant son message ? Pour le peuple de Gauche qui lui était si cher, c’est un jour de deuil. Toujours là pour affirmer, passant du murmure à l'indignation, qu’il est possible de faire plus, d’aller plus loin, d’aider encore et davantage. Elle était une conscience de la Gauche. Elle en était un témoin. Elle en était un garant. Nos pensées les plus amicales, les plus émues vont évidemment à ses deux fils, Gilbert et Jean-Christophe, et à sa famille. »

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