20 janvier 2011

Plantu ou l’histoire d’une lamentable dérive…


L’ignoble dessin qu’a produit le dessinateur Plantu pour l’Express, où il représente côte à côte Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen, tous deux en uniforme avec brassard et lisant le même texte ne procède en rien d’un dérapage malencontreux ou d’une regrettable erreur. Car le sieur Plantu a depuis longtemps déjà franchi la ligne blanche et est hélas coutumier du fait. La preuve par l’exemple.

Je reçois de temps à autre la revue Normandie magazine, mensuel à dominante économique largement soutenu par les chambres de commerces et d’industrie. Autant dire de suite qu’il fait la part belle aux idées libérales et qu’il constitue le plus souvent une tribune pour les élus de la majorité présidentielle.

Dans son numéro 239 d’octobre-novembre 2010, Catherine Forestier, directrice de la publication n’y va pas de main morte. Son éditorial intitulé « Nos vaches sacrées » débute ainsi : «  En France, il ne faut pas dire que les ports sont régulièrement paralysés par des ouvriers fort bien payés, qui travaillent assez peu et qui ont la sécurité de l’emploi ». Un peu plus loin, elle parle de ces villes, Marseille et le Havre « victimes de l’acharnement d’une poignée de salariés privilégiés… ». Puis, pour faire bonne mesure, elle s’en prend aux écologistes, ces empêcheurs de polluer en rond et à « certains groupuscules [qui] s’appliquent au nom de la défense de la nature, à faire capoter tout projet de développement… » Je vous fais grâce du reste. Et du couplet sur les journalistes dont se plaint même le pauvre Plantu, lequel se heurte à la censure de ses confrères.

Heureusement, Normandie magazine est là pour réparer cette injustice, en lui ouvrant toutes grandes ses colonnes. Pour lui consacrer un article de trois pages afin lui permettre de se justifier et de faire paraître les dessins que Le Monde lui a refusés. Comme celui-ci, qui permet d’en juger.

À faire des privilégiés de ces salariés qui gagnent correctement leur vie et ont la sécurité de l’emploi, on en vient par glissements successifs à trouver, comme Christian Jacob, qu’il est scandaleux que les fonctionnaires disposent eux aussi de la garantie de l’emploi, dans ce monde ou tout est précaire. Puisque « la vie est précaire, l’amour est précaire, alors le travail aussi » comme a déclaré il y quelques mois Mme Laurence Parisot.

Dresser les gens les uns contre les autres. Diviser pour régner. Les précariser pour mieux les mettre à sa merci. Quelle belle ambition pour la France de demain !

Reynald Harlaut

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